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Sexe, plastiques et libido…
Associée d’abord à la vie sexuelle dans un cadre strictement médical, l’industrie des matières plastiques a su néanmoins accompagner l’évolution des mœurs sans renoncer aux impératifs de santé.
Sexe, plastiques et libido…
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La saga du préservatif

Le préservatif sort enfin de l'ombre avec le latex

 

Connu et utilisé déjà depuis des siècles, le préservatif est vraiment sorti de l’ombre au siècle des « Lumières ». Casanova appelle « redingote anglaise » la « baudruche française » ou « condom », en boyau d’agneau, adopté par les diplomates anglais, au congrès d’Utrecht, pour se protéger des maladies vénériennes et notamment de ce « mal de Naples » ou syphilis que les italiens appellent « carie Française »… 
Quoique réservé aux alcôves, et d’un usage souvent réprouvé, l’objet jouit déjà d’une grande notoriété internationale, sous diverses appellations… Comme d’ailleurs, les maux qu’il permet de combattre.

Un siècle plus tard, les industriels exploitant le brevet Goodyear flairent le bon filon. Hélas, leurs préservatifs fabriqués en enroulant des bandes de caoutchouc sur des moules en forme de pénis sont moins prisés que les modèles en boyau naturel. Il faudra plus de vingt ans pour que l’écossais Mackintosh ne rencontre, en 1870, un premier succès européen avec ses «feuilles anglaises» en latex fin.

Dura lex pour le latex ! 

 

Avec le procédé de trempage dans le latex liquide mis au point en 1912, des préservatifs plus fins, plus souples voire déjà texturés peuvent enfin s’imposer. Derrière la prophylaxie, le plaisir commence à effleurer. C’est sans compter avec les autorités religieuses, les ligues de vertu ou natalistes qui en condamnent l’usage anticonceptionnel. Interdit de publicité, vendu sous le manteau voire prohibé, le préservatif ne peut même plus faire valoir ses vertus sanitaires. Et tant pis si les soldats de la Grande-Guerre en font les frais !
Si le condom américain résiste aux restrictions durant la Grande Dépression, c’est seulement « parce qu’il coûte moins cher que d’avoir des enfants. » Plus pragmatique, l’État-major des forces alliées, l’imposera toutefois dans le paquetage du GI’s… Avec le slogan : « put it on before you put it in! »

 

La Libération de l’Europe occupée ouvre la voie à celle des mœurs. Puis à une réhabilitation prudente de la « capote » lorsque la jeunesse adopte une attitude plus rock’n roll. L’Europe du Nord, plus libérale, reconnaît même son intérêt contraceptif. Les fabricants reprennent goût à l’innovation ! En 1957, Durex lance le premier préservatif lubrifié.  
C’est finalement l’irruption du Sida, au début des années 80 qui porte le coup fatal au conservatisme. Encore que ! En France, par exemple, la publicité pour le préservatif n’est autorisée qu’en 1987… Et seulement pour la prévention des MST. Il faut attendre 1991, pour que les dernières restrictions en matière de communication soient levées.

Des nouveaux polymères pour séduire

Devenu un enjeu de santé publique, l’usage du préservatif bascule de la simple prévention vers la prescription. La peur n’étant pas bonne conseillère, les campagnes officielles adoptent volontiers un ton badin. Ce qui pousse les fabricants à la surenchère, sur le mode du glamour ou de l’humour… 
Une fois réglée la question de la sécurité – tous les préservatifs étant soumis à des normes strictes inspirées notamment de celles des dispositifs médicaux – les industriels donnent libre cours à leur imagination pour séduire les utilisateurs. Ludiques, les premières capotes colorées et aromatisées apparaissent en 1995.

 

Deux ans plus tard, Durex lance le premier préservatif en polyuréthane destiné aux rares utilisateurs, moins de 3%, allergiques au latex naturel. Bingo ! Plus résistant, transparent, sans odeur et surtout extra-fin, avec une épaisseur de 45 microns, le produit séduit bien au-delà de sa cible initiale tous les amateurs de sensations plus naturelles. Et ce malgré son prix plus élevé. 
Sur ce créneau, le polyuréthane est bientôt concurrencé par le polyisoprène, un élastomère semblable au latex mais beaucoup plus résistant. Ce qui autorise des épaisseurs de l’ordre de 20 microns… Et l’illusion de ne rien porter.

L'art de se faire oublier

Évaluée à 27 milliards d’unités contre 20 en 2010, la consommation mondiale de préservatifs ouvre des perspectives de croissance stimulantes pour l’innovation.
Si la finesse est devenue un critère de choix déterminant pour les consommateurs, la multiplication des préservatifs « ludiques » confirme leur intérêt pour les produits stimulants. Avec son préservatif à la surface micro-perlée et striée sur la partie haute, le laboratoire Juvasanté cible plutôt la gente féminine que l’utilisateur. Plus soucieux de la performance érectile, Manix et Durex proposent, quant à eux, des préservatifs contenant un gel dopant à base de benzocaïne. 
La plupart des fabricants reste cependant convaincus que la capote a plutôt intérêt à se faire oublier. Ils privilégient donc l’ergonomie avec des modèles au design anatomique ou en plusieurs dimensions ; une marque américaine propose jusqu’à 95 tailles différentes, à choisir grâce à un gabarit téléchargeable en ligne.
Le néerlandais Wingman, pour sa part, a réussi à séduire les utilisateurs soucieux d’une application rapide et sécurisée avec son préservatif doté d’un clip de déroulement en plastique.

Des polymères performants sous tous rapports

 

Le concours organisé par la fondation Bill Gates en 2013 donne la mesure du dynamisme de la recherche en matière de préservatif.
Parmi les onze finalistes, deux équipes, l’une indienne, l’autre britannique,  associe au latex ou à un élastomère, du graphène pour développer un préservatif d’une extrême finesse offrant une élasticité et une résistance accrue ainsi qu’une meilleure transmission de la chaleur. Dans cette course à la minceur, la technologie des super-élastomères mis au point par l’Université du Tennessee tente de leur damer le pion.
L’équipe de l’université de l’Oregon a conçu, grâce à un polyuréthane « à mémoire de forme », un préservatif qui épouse parfaitement l’anatomie du pénis sous l’effet de la chaleur.

 

Dans la même optique, les chercheurs du California Family Health Council ont développé un prototype enveloppant ultra-mince tirant parti, comme le film alimentaire, des propriétés d’adhérence du polyéthylène. Pour sa part, la société anglaise Cambridge Design Partnership a opté pour un matériau composite anisotrope qui assure au préservatif une élasticité spécifique dans chaque direction.
C’est finalement le préservatif « accordéon » en silicone de la société Origami Condom qui emporte le trophée en faisant valoir trois atouts majeurs. Outre les qualités hypoallergéniques et mécaniques du matériau, son concept de capote dépliable – en non déroulable - s’avère très ergonomique à tous les stades d’utilisation. Et se décline en 3 versions en fonction du type de rapport sexuel - vaginal ou anal – ou du sexe de l’utilisateur.

Le préservatif féminin manque de discrétion

Imaginé au début du XXe siècle, oublié puis réinventé en 1984 par un médecin danois, le préservatif féminin n’est toujours pas sorti de la marginalisation. Après 25 ans de commercialisation dans plus de 130 pays, le seul moyen de contraception et protection sexuelle maîtrisé par les femmes reste peu accessible. Avec plus de 300 capotes disponibles pour un seul préservatif féminin, le bilan est sans appel.
Cette gaine vaginale en polyuréthane ou en acrylonitrile a pourtant fait la preuve de son efficacité. La plupart des études montrent qu’elle n’est pas moins bien tolérée que le préservatif masculin. Certains lui trouvent même des avantages : la transparence, l’absence d’allergie, une stimulation accrue par la douceur du nitrile, par ailleurs bon conducteur de chaleur, et par l’anneau situé à l’extérieur. En outre, ce préservatif peut être placé plusieurs heures avant les ébats... Et maintenu quelques heures après. 
Pourquoi, alors, est-il toujours le mal-aimé de la prévention ?

Parmi les reproches les plus fréquents, les utilisatrices jugent parfois son bruit déplaisant. Mais elles déplorent surtout son aspect très peu glamour qui évoque pour l’une, «un sac poubelle» ou une «tente Quechua» pour l’autre. 
Ainsi affublé, le sexe féminin n’est pas vraiment à son avantage ! S’il est magnifié, c’est par la démesure apparente, dès le déballage, du cylindre en plastique à insérer. Or, dans la plupart des cultures, «l’obscur objet du désir » reste entouré de secret, contrairement au sexe masculin dont l’érection est souvent valorisée comme marque de virilité… Plutôt destiné aux marchés où les femmes pâtissent d’un statut d’inégalité, le préservatif féminin gagnerait donc à se faire plus discret… Et à se faire oublier, comme la capote de ces messieurs !   

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