Paroles d'expert 3 min

Notre métier n'est-il pas de réaliser ce qui est incroyable ?

Entretien avec Leonardo Cruciano, fondateur du studio romain qui a réalisé récemment les décors de la série Borgia.
Notre métier n'est-il pas de réaliser ce qui est incroyable ?
Notre métier n'est-il pas de réaliser ce qui est incroyable ?

Dans quels types d'effets le Leonardo Cruciano Workshop est-il spécialisé ?

Notre studio réalise des effets spéciaux pour le cinéma, la publicité et, d’une manière générale, pour tous les types de mises en scène. Nos créations s’appuient sur différentes techniques telles que le maquillage spécial, la réalisation de "marionnettes" ou de reproductions hyperréalistes d’humains, d’animaux, d’accessoires de décor ainsi que de sculptures spectaculaires.  Bref, nous offrons toutes les solutions matérielles encore nécessaires pour créer l'illusion.

L'avènement des effets numériques 3D a-t-il un impact sur votre metier ?

Dans un premier temps il a déstabilisé notre activité. Mais cette période est désormais révolue. Aujourd'hui, l'intégration des deux techniques est la seule véritable garantie de succès d'un effet : mieux vous intégrez les effets spéciaux conventionnels aux technologies numériques et mieux vous parvenez à "cacher" le "truc". 

Certes les techniques CGI (Computer-Generated Imagery) permettent d’étendre voire de remplacer, en totalité ou en partie, les effets matériels. Mais nos créations en trois dimensions restent souvent indispensables pour créer les images de synthèse.

Quel est la place des matières plastiques dans les différentes spécialités de votre métier ?

L’usage des polymères et des composites est la base même de notre activité. En Italie, où je travaille, nous pouvons compter sur des fournisseurs de produits destinés au maquillage, aux effets spéciaux et aux décors très performants. Mais les fabricants les plus en pointe sont aujourd’hui aux États-Unis et au Royaume-Uni.

 

 

Utilisez-vous des plastiques qui sont à l'origine destinés à d'autres domaines d'activité ?

Très souvent, nous sommes confrontés à de nouvelles exigences qui, a priori, nous semblent folles voire irréalistes. Mais notre travail n’est-il pas de réaliser ce qui est incroyable! C’est pourquoi, nous devons chercher sans cesse de nouvelles solutions pour les moulages, les prothèses et les accessoires. Par exemple, pour obtenir un rendu hyperréaliste de la peau humaine.
Nous testons donc des solutions destinées à des domaines d’application complètement différents, en recherchant avec les industriels les possibilités nouvelles offertes par leurs matériaux. Par exemple, des résines de silicone ou polyuréthane pour le maquillage spécial, des composants époxy et polyester pour la sculpture ou le surfaçage d’accessoires et de décors. Notre marge de progrès est grande car les combinaisons sont infinies !

Quels sont les progrès et améliorations apportés par les fabricants de produits spécialisés ? 

Au cours de ma carrière, j’ai pu constater que l’évolution des techniques allait de pair avec la disponibilité de nouvelles matières plastiques. De plus en plus attentives à nos besoins, les entreprises de ce secteur ont rendu possible l'utilisation de matériaux conformes à nos exigences de sécurité, de faible toxicité mais aussi, qui facilitent le prototypage rapide par une mise en œuvre rapide et adaptée à des usages plus variés.

 

 

Est-ce que ces nouveaux polymères ont remplacé définitivement des matériaux utilisés auparavant ?

Oui, par exemple, le latex pré-vulcanisé utilisé autrefois en maquillage pour les prothèses a été progressivement remplacé par des résines silicone à polycondensation. Lesquelles ont depuis laissé la place à des gelées à polyaddition à base de platine. Cette évolution est directement issue des progrès dans la fabrication de prothèses médico-chirurgicales.
Cependant, je constate aussi que, dans notre métier, le latex et les gels de silicone coexistent très bien et qu’en fait, il y a peu de matériaux qui ont disparu complètement. Les procédés «anciens», conviennent encore à la plupart des utilisations possibles, s’ils sont sans danger et conformes à la réglementation.

Quelles sont vos références sur le plan artistique ? Et les projets les plus stimulants à cet égard ?

Ce sont d’abord les créations de maîtres comme Stan Winston [les Terminators, la reine Alien  et Predator, NDLR], Rick Baker [Greystoke, Mon ami Joe, La Planète des singes, NDLR] ou Jim Henson [Muppet Show, Dark Crystal, La Petite Boutique des horreurs, Docteur Doolittle, NDLR]  qui restent des «classiques» destinés à être toujours renouvelés.
Mais les artistes plus jeunes et audacieux  comme ceux du Weta Workshop [le Seigneur des anneaux, NDLR] qui a connu une ascension fulgurante, sont aussi des modèles d'inspiration.
Plus concrètement, je dirais que, d’une manière générale, les projets menés dans le cadre des productions d’envergure sont les plus excitants ! Mais il faut reconnaître que, très souvent, les petits producteurs indépendants nous offrent la possibilité d'expérimenter, avec autant d’enthousiasme !

POUR EN SAVOIR PLUS

www.facebook.com/leonardo.cruciano

Cet article vous a plu ? Vous allez aimer les suivants !