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Les polymères sont compatibles avec notre politique environnementale

Rencontre avec Mathieu Gierlowski, directeur technique plastiques et composites chez Decathlon
Les polymères sont compatibles avec notre politique environnementale
© Decathlon
Les polymères sont compatibles avec notre politique environnementale

Bien que la marque soit déjà très connue, pouvez-vous en quelques mots présenter Decathlon ?

Decathlon est une enseigne française de grande distribution spécialisée dans les articles de sports et de loisirs, qui a été créée dans le milieu des années 1970. Elle est aujourd’hui présente dans une soixantaine de pays et a la particularité, depuis les années 1980, de concevoir une grande partie des produits qu’elle commercialise.

En tant que directeur technique, nous imaginons que vous participez à la création de ces produits. Est-ce le cas ?

Oui, et c’est même quasiment la raison d’être de mon service ! Nous sommes une équipe qui comprend des ingénieurs matériaux, dont le rôle est de définir quel est le meilleur matériau en fonction de ses propriétés intrinsèques et de son coût, des ingénieurs méthodes, qui évaluent la faisabilité en fonction des process industriels, ainsi que des prototypistes.

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Nous sommes chargés du développement, voire de l’optimisation des produits. L’objectif de Decathlon est de produire des articles performants et confortables destinés aussi bien à ceux qui débutent dans une discipline sportive qu’à ceux qui la pratiquent régulièrement. Il nous faut donc trouver les bons matériaux et les bonnes méthodes de production.

Nous avons la chance de travailler en étroite collaboration avec le bureau d’études qui dessine ces produits, et nous sommes dotés d’un atelier ayant des presses à injecter.

Les utilisez-vous pour le prototypage ?

Oui même si je pense que le terme de prototype n’est pas forcément le meilleur avec un tel outil. En effet, lorsque nous développons un produit, nous fabriquons les prototypes avec les matériaux que nous pensons utiliser en phase d’industrialisation. Pour nous, un prototype n’est pas qu’une maquette imprimée en 3D ! C’est certes plus long et plus onéreux mais lorsque nous industrialisons un produit, nous sommes certains qu’il correspondra parfaitement aux attentes des utilisateurs. Si je prends l’exemple d’un handgrip pour la musculation, avec un simple prototype monomatière imprimé en 3D, il est difficile de savoir si cet objet sera bien équilibré, s’il tiendra bien en main, s’il sera assez nerveux, s’il ne fera pas de bruit….

Quelle est la politique d’innovation chez Decathlon ?

Elle est très importante. Nous sommes constamment en réflexion sur l’usage de nos produits. Nous observons énormément les utilisateurs lorsqu’ils pratiquent un sport. Pour ce faire, nous nous déplaçons dans tous les lieux de pratiques sportives et essayons de capter les besoins. Pour illustrer mes propos, je vais parler de notre fameux masque Easybreath destiné à la pratique du snorkeling.

Nous avons cherché à concevoir un masque qui soit très simple d’utilisation, n’entrave pas les mouvements et facilite la respiration. L’idée sous-jacente était de rendre accessible ce loisir au plus grand nombre.
Je pourrais également citer la tente qui se monte et démonte en deux secondes, la bouée d’observation des fonds marins, la trottinette à trois roues, etc..

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Tous ces objets sont conçus à partir de plastiques. Ils semblent désormais incontournables. Quelles en sont les raisons ?

Tout d’abord la très grande diversité de leur famille ! La gamme des plastiques et des composites est très large et je pèse mes mots. Chaque polymère a ses propres propriétés et donc ses propres performances. Ils vont des hypertechniques ayant des caractéristiques incroyables et capables de résister à des chocs, de la chaleur et du froid extrêmes, aux polymères plus basiques qui peuvent à peu près tout faire correctement…

Quand il est question de choisir un matériau pour concevoir un article, nous nous reposons sur une matrice de choix. Schématiquement, elle nous permet de calculer un ratio qui prend en compte la performance attendue du matériau, son coût et sa durabilité (au sens environnemental mais également vis-à-vis de l’usure). Dans bien des cas, ce sont les polymères qui sortent en tête.

Quels sont les produits dont vous êtes les plus fiers ?

Vous imaginez bien qu’ils sont nombreux ! Bien évidemment, il y a le masque Easybreath qui est à lui tout seul un florilège de ce que permettent les polymères, puisque sa jupe est en silicone pour garantir une parfaite étanchéité et un bon maintien sur le visage, le cerclage est en polypropylène, le tuba en polycarbonate tout comme la vitre. Certes, ce masque est devenu emblématique, mais j’ai également envie de citer nos skis de piste Boost 300. Nous sommes les premiers au monde à avoir réussi à fabriquer des skis en utilisant la technique de l’injection.

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Ils se composent majoritairement de polyamide. C’est par ailleurs cette même technique que nous avons mise en œuvre pour concevoir un arc à base d’une combinaison de polyamide semi-cristallin et de copolyamide partiellement aromatique. Nous travaillons actuellement sur une chaussure de football dont la tige sera solidaire de la semelle. Au moment où je vous parle, celle-ci n’est pas commercialisée, je ne peux donc pas encore révéler quels sont les polymères qui entrent dans sa composition. Je pense qu’elle devrait faire grand bruit, car l’un des points faibles des chaussures de foot est bien cette liaison qui finit toujours par se « dessouder ». 

Etes-vous proches des fabricants de polymères ?

Oui, tout du moins par la veille technologique que nous opérons. Le domaine des polymères et des composites est assez dynamique et les choses évoluent constamment. Les industriels des polymères savent que nous y sommes attentifs, ils nous tiennent donc également informés de l’évolution de leurs plastiques.

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Je tiens d’ailleurs à signaler que depuis quelques années, tous mettent l’accent sur la recyclabilité de leurs polymères. On sent que les choses changent et tous cherchent des solutions novatrices, qu’elles soient de l’ordre du recyclage chimique ou mécanique.

 A ce propos, quelle est votre politique environnementale ?

Elle est aujourd’hui au centre de toutes nos préoccupations et de toutes nos décisions. Nous menons par exemple d’importantes réflexions sur la durabilité (au sens de l’usure) de nos produits. Nous cherchons à mettre au point des articles qui tiennent dans le temps même s’ils sont utilisés intensivement.

Je peux prendre pour exemple la crosse de hockey. Généralement, une crosse tient le choc une demi-saison. Nous travaillons pour en développer une qui soit plus durable, voire réparable. Dans le même ordre d’idée, nous garantissons nos cadres de vélo à vie et avons entamé une réflexion pour l’appliquer à d’autres articles. Enfin, nous cherchons également à réduire nos emballages.

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Les plastiques recyclés intègrent-ils également cette stratégie ?

Si on peut utiliser du polymère recyclé, nous le faisons ! C’est l’un de nos principes. Nous sommes ainsi très proches de certains recycleurs qui nous proposent leurs polymères recyclés. Nous les analysons et, si nous les jugeons fiables, nous les utilisons. Cela dit, le recyclé n’est pas la solution unique lorsque l’on fait une analyse du cycle de vie d’un produit plastique et composite. En règle générale, on considère que 40% de l’impact écologique d’un article est lié à ses matériaux, 40% pour l’énergie et 20% pour le reste, dont le transport. Nous cherchons à agir sur ces trois postes de manière globale mais également spécifique.

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Quel est votre point de vue sur les plastiques d’origine végétale ?

Il est ici encore très simple et pragmatique. Nous n’avons rien contre à condition que sa culture n’entre pas en compétition avec l’agriculture vivrière. Nous avons été dernièrement approchés par un industriel qui parvient à tirer un composant monomérique d’huile de friture usagée. C’est donc un bioplastique et une piste intéressante qu’il nous faudra maintenant tester.

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