« Les équipements modernes sont bien plus confortables et bien plus sûrs ! »
Vous êtes incontestablement l’une des stars internationales de l’escalade mais peu connue du grand public. Pouvez-vous nous dire qui vous êtes ?
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Merci de le penser ! Effectivement, l’escalade n’est pas une discipline très médiatisée mais cela ne nous empêche pas d’exister. Je pratique ce sport depuis l’âge de 11 ans et je l’ai découvert dans ma région d’origine, à Imst, en Autriche. J’ai pratiqué la compétition à haut niveau durant une petite dizaine d’années. Depuis 2013, j’ai cessé la compétition pour me consacrer uniquement à la découverte de nouveaux lieux ou de nouvelles voies dans le monde entier. Je suis donc encore une professionnelle de l’escalade. La seule différence est qu’autrefois je me battais pour des podiums, aujourd’hui je suis sans cesse à la recherche de nouveaux projets toujours plus ambitieux. |
Question de néophyte, pouvez-vous nous parler un peu de cette discipline ?
Les sports d’escalade se répartissent en deux catégories : l’escalade sportive qui concerne la compétition et l’escalade traditionnelle. La première se pratique sur des murs sur lesquels on a placé des points d’ancrage artificiels. Bien entendu, plus le niveau des compétiteurs est élevé, plus la difficulté sera grande. Il existe également une catégorie d’épreuves pour les personnes handicapées, la para-escalade.
L’escalade traditionnelle se pratique sur des parois naturelles. On y trouve le bloc qui n’est pas forcément haut (3-5m) mais très technique et l’escalade qui consiste à grimper en suivant ou en cherchant des voies. Qu’elles soient en milieu naturel ou artificiel, les parois ont toutes un niveau de difficulté défini selon le système français de cotation qui fait référence. Ces niveaux vont de 1 pour les parois les plus faciles à 9C. Il existe dans le monde à peine plus de 300 voies cotées 9 et seulement 2 ayant un indice 9C. C’est dire le niveau de difficulté !
Pouvez-vous décrire l'équipement que vous utilisez ?
Pour les voies d’escalade, j’utilise des chaussons spécifiques, un harnais, des dégaines, un casque et un sac à magnésie. En bloc, j’ai simplement besoin de chaussons, de craies et d’un tapis de réception en polyester et en polyamide type Cordura® pour les parties soumises à friction. Outre leur modernité, ces équipements sont tous constitués de matériaux synthétiques comme les plastiques.
Les chaussons d’escalade sont particulièrement techniques et ont beaucoup évolué ces dernières années. Je ne suis pas une spécialiste des matériaux mais je sais que la semelle est faite d’une gomme conçue à partir de différents polymères synthétiques et de matériaux naturels comme le caoutchouc. Chaque fabricant garde sa recette bien secrète mais j’imagine que, selon la proportion et les caractéristiques de chacun de ces polymères, cela donnera des chaussons plus ou moins adhérents et plus ou moins résistants. C’est un peu comme un pneu de voiture… L’épaisseur de la gomme est également à prendre en compte, puisque sa finesse accroît les sensations vis-à-vis du rocher mais fatigue le pied. A contrario, une épaisseur plus importante diminue les sensations mais repose le pied. En règle générale, les grimpeurs aiment que leurs chaussons soient très serrés ; les orteils et le talon doivent toucher le bord. Leur tige est aussi composée de différents matériaux.
On y trouve encore du cuir naturel pour les parties qui doivent rester rigides mais aussi beaucoup d’éléments en microfibres à base de Nylon® (une variété de polyamide) et de polyuréthane. Ce matériau composite est particulièrement solide et résiste aussi bien à la traction, au déchirement qu’à la torsion. Il est léger et ne se déforme pas, quelle que soit la température. De plus, il est dans la plupart des cas respirant. Enfin, les velcros en Nylon© ont tendance à se généraliser. Ils sont assez puissants pour garantir un bon maintien et ne se relâchent quasiment jamais. Il existe des chaussons à un, deux ou trois velcros, ils peuvent être parallèles, de sens identique ou opposé ; on trouve aussi des systèmes en Z. Après, chaque grimpeur a sa marque préférée. |
Ensuite, nous nous servons de harnais. C’est un équipement aussi important que les chaussures, car notre vie en dépend. Un bon harnais doit donc être solide, pas sensible à la traction ni à l’abrasion, mais il doit également savoir se faire oublier.
Les harnais sont un florilège de matériaux de synthèse, comme le polyéthylène de haute densité pour sa résistance aux frottements, le polyester de haute ténacité pour sa résistance à la rupture et les mousses EVA pour les rendre confortables.
Les systèmes de boucles de réglage sont en aluminium. Ces harnais servent aussi à transporter le matériel comme les dégaines et les cordes. Ces dernières, sans y paraître, sont très techniques, car elles doivent être suffisamment élastiques pour amortir le choc en cas de chute mais pas trop pour éviter un effet yoyo.
En résumé, elles doivent avoir une capacité d’allongement proportionnée. On dit que ce sont des cordes dynamiques, et leur capacité d’allongement ne doit pas excéder 20%. Les premières cordes en polymère sont apparues dans les années 1950 et se sont totalement imposées depuis plusieurs décennies. Je pense que ce sont les seules à remplir parfaitement l’exigeant cahier des charges des grimpeurs. La gaine est le plus souvent en polyamide. Quant à l’âme, tout dépend de l’élasticité attendue. Elle est généralement composée de polyamide ou encore de polyéthylène.
Depuis que vous avez commencé l'escalade, quelles ont été les innovations majeures dans l’équipement ?Les équipements ont gagné en légèreté, ils sont aussi bien plus confortables à porter. Mais le plus important reste leur niveau de sécurité qui ne cesse de progresser. C’est une bonne chose, d’autant plus que les normes évoluent également et sont de plus en plus exigeantes. Tant mieux, car il en va de nos vies ! Le design a également changé. Les équipements actuels sont nettement plus colorés, moins austères donc. Je pense que nous devons toutes ces évolutions, qui vont dans le bon sens, aux matériaux synthétiques. |
Vous impliquez-vous dans le développement de nouveaux équipements ?
Je fais partie de l’équipe Edelrid, un équipementier renommé dans le milieu de l’escalade. Nous organisons annuellement une réunion pour parler de leurs produits… L’objectif est de les améliorer sans cesse en jouant sur une multitude de petits détails. Il y a quelques années, j’ai rejoint l'équipe de production du fabricant de chaussons La Sportiva pour développer le « Python », un chausson spécialement conçu pour l’escalade de compétition. Nous avons énormément échangé afin d’obtenir le produit idéal. Bien entendu, je ne peux m’impliquer dans le choix des matériaux, mais lorsque je dis qu’il serait bon de les renforcer par-ci par-là ou encore de gagner du grip à tel endroit, les ingénieurs de La Sportiva savent sur quels matériaux ils doivent se pencher.
Qu’est-ce qui vous rend la plus fière dans votre impressionnant palmarès ?
C’est très difficile à dire, car chaque compétition est différente et a ses spécificités. Je suis particulièrement heureuse de ma première place lors du championnat d’Europe de 2010. Non seulement parce que cette compétition se déroulait chez moi à Ismt, mais aussi parce que c’était mon retour en compétition après une grave blessure à l’épaule en 2008 qui avait alors compromis ma carrière. La chirurgie, le soutien et l’accompagnement de l’ASP Red Bull, mon équipe, et ma volonté de fer m’ont permis de revenir au top niveau. En 2011, je remportais pour la troisième fois le championnat du monde.
Quels sont vos projets sportifs ou futurs exploits ?
Il y a encore énormément d’ascensions que je souhaite faire un peu partout dans le monde. Je ne sais pas trop ce que l’avenir me réserve, mais je sais que, quoi qu’il arrive, je veux avant tout rester en bonne santé.
Le palmarès d’Angy Eiter
Escalade de compétition
• Championne du monde 2005, 2007, 2011, 2012.
• Vainqueur de la Coupe du monde 2004, 2005, 2006.
• Championne d’Europe 2010.
• Titulaire du record avec six victoires au Rock Master.
Escalade
• Première alpiniste autrichienne à avoir gravi des voies classées 9A.
• Première grimpeuse à avoir franchi une voie classée 9B : La Planta de Shiva en Espagne.