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Records sportifs : le joli tableau de chasse des polymères
Chaque année tombent de nouveaux records sportifs. Y a-t-il une limite ? L’Homo sporticus n’est pas un mutant. Dans bien des cas, si des records sont battus, c’est grâce aux équipements, et plus particulièrement aux polymères qui les composent.
Records sportifs : le joli tableau de chasse des polymères
© Sergey Shakuto/Red Bull Content Pool
Records sportifs : le joli tableau de chasse des polymères

Sports mécaniques : carton assuré pour les composites

Carbone et résine mettent du vent dans les voiles…

Le Vendée globe, cette course à la voile en solitaire autour du monde, bat son plein ! Depuis la première édition, à la fin des années 1980, le temps passé en mer par le vainqueur est tombé de 109 à 74 jours ! Si la préparation des navigateurs s’est fort améliorée, cela ne suffit pas à expliquer cette performance. Autre piste : l’évolution des matériaux dans la conception des bateaux joue grandement son rôle. Dans ces domaines, l’apparition des foils est une vraie révolution, au point que l’on parle désormais de bateaux volants !

© Charal sailing team

Les foils en carbone et résine époxy permettent désormais aux voiliers de littéralement voler. 

Ceci n’est pas qu’une image, puisque les foils sont conçus comme des ailes d’avion placées perpendiculairement à la surface de l’eau, de chaque côté de la coque, et lui permettent de se soulever dès que le bateau prend de la vitesse. Celui-ci déplace ainsi moins d’eau et peut donc gagner en vitesse, au point qu’il va désormais plus vite que le vent. Apparus dans les années 1970, les foils équipent depuis longtemps de nombreux bateaux à moteur destinés au transport de passagers. Les plus célèbres d’entre eux se trouvent dans la baie de Hong Kong. Leurs foils sont en acier, un matériau très résistant mais également… très lourd. Rien de gênant lorsque l’on est équipé de puissants moteurs.  

Alors pourquoi avoir attendu près de 50 ans pour voir les foils se généraliser sur les voiliers des courses océaniques ? Pourquoi alors parler de révolution ? Tout simplement parce que l’on ne disposait pas jusque-là des matériaux adéquats. Pour être performant, un bateau de course doit être léger, ce qui exclut l’acier pour la conception des foils. De premiers essais ont été réalisés dans les années 1980 à partir d’aluminium, un matériau léger mais dont la souplesse annulait l’effet recherché. La fibre de verre et la résine époxy étaient de bons clients, mais ces matériaux étaient encore trop lourds.

Restait la fibre de carbone, matériau encore élitiste dans les années 1980-1990. Depuis, cette fibre s’est démocratisée et sa mise en œuvre a été domestiquée. Les résines à base de polymères liquides thermodurcissables, comme l’époxy, y sont pour beaucoup, car elles sont de moins en moins contraignantes à manipuler et n’ont plus besoin d’être chauffées à de fortes températures pour être moulées. Assez solides, très légères, les fibres de carbone répondent aux ambitions les plus folles des architectes navals et des skippers. Résultat, le record du tour du monde à la voile en équipage et en multicoque est actuellement de quarante jours, et le record de vitesse pure est de plus de 120km/h. Des performances inenvisageables il y a encore dix ans. Quant à Jules Verne, il n’y pensait même pas…

 

Qu’elles se destinent à la plaisance ou à la régate, les voiles sont depuis bien longtemps en matériaux synthétiques, comme le polyester ou le BPO.

Dans ce domaine, il serait également injuste de ne pas citer la performance des voiles qui, sur les Formules 1 des mers, sont en fibre de BPO (Polybenzobisoxazole), plus connu sous le nom de Zylon®, un polymère qui ne se déforme pas. 

Les voiles de compétition sont désormais composées de cette fibre.

Elles sont parfois préimprégnées d’un adhésif thermodurcissant pour leur donner de la rigidité ou encapsulées entre deux films de Mylar©. Collées voire moulées, elles sont surtout conçues pour avoir un véritable profil aérodynamique, comme une aile d’avion, verticale cette fois-ci.

Du charbon dans la machine !

D’une Formule 1 à l’autre il n’y a qu’un pas. Les performances des premières du genre, celles des circuits automobiles, doivent également beaucoup aux polymères. Ces voitures de course sont elles aussi entièrement revêtues de carbone et depuis bien plus longtemps que les bateaux. Mais les budgets ne sont pas les mêmes… Sur ces bolides, 85% des pièces sont des composites polymères.
La raison en est toujours la même : la chasse au poids, une constante dans ce milieu !

Si les premières F1 étaient en acier, l’aluminium s’est rapidement imposé, ce qui a permis d’alléger les véhicules d’environ 30%. La fibre de verre et la résine époxy sont apparues dans les années 1980. Le gain de poids était minime, mais la facilité de moulage de ce composite a autorisé un meilleur travail du profil des pièces, point déterminant pour l’aérodynamisme. Puis vint le temps du carbone. Ultra-résistant, facilement modelable, hyper-léger, insensible aux forts écarts de températures… c’est le matériau composite de tous les superlatifs.

 

Les Formules 1 sont aujourd’hui composées à 85% de fibre de carbone et de résines polymères. 

Il est devenu tellement incontournable que les fabricants de pièces ont cherché de nouvelles techniques pour encore améliorer son moulage. Ils fabriquent par exemple aujourd’hui des moules en résine polyuréthane et époxy gravés au laser. Une technique qui se rapproche de celle de l’impression 3D et qui permet de fabriquer rapidement des moules personnalisés. C’est de cette façon que sont conçus notamment les sièges baquets parfaitement adaptés à la morphologie des pilotes. Résultat des courses, si l’on peut dire, ces bolides devenaient tellement performants que la Fédération internationale du sport automobile a décidé de les brider, car la sécurité des pilotes était en jeu. Le record de 378km/h ne sera donc pas battu de sitôt.

© BMW

Il fallait oser équiper une wingsuit de moteurs électriques… BMW l’a fait et le pilote d’essai parachutiste a atteint une vitesse de 300km/h.

Des plastiques pour s’envoyer en l’air

Après la mer et la terre, les airs. Ici aussi les polymères contribuent aux records les plus fantastiques. Nous avons tous vu ces fous volants s’élancer dans les airs depuis une falaise, simplement vêtus de leur wingsuit. Il s’agit d’une combinaison souple en forme d'aile qui permet d’accroître la finesse du vol (ou la propension à planer) et donc de voler plus loin et plus longtemps.

Celle-ci est un astucieux assemblage de Nylon®, un polyamide, et d’élasthanne commercialisé sous le nom de Lycra®, un textile polymère ultra-élastique. Le Nylon® a été choisi pour sa résistance aux frottements et parce que, en plein vol, il encaisse sans broncher la pression de l’air. Quant au Lycra®, parfois renforcé par des pièces de polyester, son élasticité permet à l’homme volant de rester maître de ses mouvements, notamment au moment de l’atterrissage. Les meilleurs pilotes dépassent bien souvent les 100km/h. Mais le record de vitesse a littéralement explosé en novembre 2020 et c’est au constructeur automobile BMW qu’on le doit. Ce dernier, souhaitant montrer sa maîtrise du moteur électrique, en a conçu un capable de s’insérer dans une wingsuit. Ce système délivre une puissance totale de 15kW grâce à ses deux turbines (7,5kW chacune) constituées de carbone et de résine. Cette combinaison aura réclamé trois années de travail pour sa mise au point. Un pari gagnant, puisque Peter Salzmann, le pilote d’essai parachutiste et base jumper professionnel de son état, a atteint les 300km/h en vol horizontal après avoir sauté d’un hélicoptère à 3 000m d’altitude.
Quant au record de vitesse en descente, il est de 400km/h et a été battu par Fraser Corsan qui s’est élancé d’un avion à 11 000m d’altitude.

Les polymères en quête de grands espaces

S’il est un autre homme volant que l’on peut qualifier de « trompe-la-mort », c’est bien l’Autrichien Felix Baumgartner. En octobre 2012, il sautait en parachute depuis l’espace, ou plus exactement depuis une altitude de 39km. En effectuant ce saut, il allait battre de nombreux records, dont ceux du plus haut saut en parachute, de la plus longue chute libre et celui du premier humain à franchir le mur du son en chute libre. Un exploit rendu possible grâce à la qualité de son matériel et de son équipe de scientifiques et d’ingénieurs. Leurs missions : concevoir une capsule de transport, une combinaison capable de résister à cette chute de plus de 4mn avec une pointe à 1 173km/h, un parachute pour le freiner et un ballon lui permettant d’atteindre les frontières de l’espace. Si l’armature de la capsule est en acier, son enveloppe est une sphère de fibre de verre et de résine polymère, un matériau très solide et suffisamment isolant pour garantir la protection du parachutiste dans la stratosphère. Felix Baumgartner était équipé d’une combinaison pressurisée conçue pour le protéger des variations de températures allant de -65°C à +40°C. David Clark Company, le fabricant, reste très discret sur sa composition, mais il est à parier que celle-ci s’inspire fortement des combinaisons spatiales développées pour la NASA qui sont à elles seules un florilège de polymères comme le Nylon©, le Lycra©, le polyester ou encore le Mylar© et le Kevlar©. Quant au casque, il s’agit d’un assemblage de différents matériaux composites (on n’en saura pas plus) choisis pour leur légèreté et leur résistance aux chocs. Reste le ballon gonflé à l’hélium qui a permis à la capsule d’aller aux portes de l’espace. Il est constitué de bandes d’un film de polyéthylène haute performance. Un matériau d’à peine 0,0002mm d’épaisseur.

© Photo : banque d’images

39km d’altitude, passage du mur du son… Le saut de Felix Baumgartner est celui de tous les records. Les polymères n’y sont pas pour rien…

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