Paroles d'expert 4 min

« Le développement durable n’est pas qu’un idéal, il fait réellement partie de notre ADN. »

Rencontre avec Christian Siest, président d’Orrion Chemicals Orgaform
« Le développement durable n’est pas qu’un idéal, il fait réellement partie de notre ADN. »
« Le développement durable n’est pas qu’un idéal, il fait réellement partie de notre ADN. »

En quelques mots, pouvez-vous nous présenter votre entreprise ?

Bien que notre activité soit plus ancienne, Orrion Chemicals Orgaform existe depuis 2010. Nous sommes un fabricant français d'adhésifs industriels, de produits de revêtements et d’agents démoulants pour les pièces en mousse polyuréthane. Nous avons plutôt une stratégie de positionnement sur des marchés de niche à forte valeur ajoutée.
Nos principaux marchés sont l’automobile, le bâtiment et la construction, l’ameublement et l’emballage alimentaire. Grâce à nos importantes capacités, nous avons également développé une activité de travail à façon pour les petites entreprises de la chimie tout comme pour les grandes multinationales telles que Dow. Cette dernière est d’ailleurs une de nos clientes depuis la création d’Orrion Chemicals Orgaform.

Crédit photo : Michel-Perreau_U9A1761

 

Vous êtes aujourd’hui connus pour votre engagement envers le développement durable, dans lequel vous avez fortement investi. Quelle est votre position sur ce point, et plus particulièrement sur l’économie circulaire ?

Le développement durable fait partie de notre ADN. Nous sommes convaincus que l’économie circulaire est une solution d’avenir pour notre industrie. Nous avons par exemple fortement investi dans la R&D pour développer des agents de démoulage à base d’eau plutôt qu’à base de solvants. Nous retraitons de plus nos solvants de nettoyage pour permettre leur distillation et leur réutilisation. Cela nous semble bien plus intelligent de les réintroduire dans nos circuits de production que de les utiliser comme combustible pour les usines de ciment. L’économie circulaire est une évidence, il n’y a pas d’avenir sans elle, et l’industrie chimique a un rôle clé à jouer. Pour nous, il est essentiel d’aller de l’avant pour réduire notre empreinte environnementale.

Vous êtes parvenus à trouver un procédé pour recycler chimiquement la mousse de polyuréthane des matelas. Pourquoi vous êtes-vous intéressés à cette mousse ?

 

 

Nous fabriquons des agents de démoulage destinés au démoulage des mousses de polyuréthane, et plus particulièrement aux mousses flexibles, comme celle des matelas. C’est donc un matériau que nous connaissons parfaitement. Lorsque Dow nous a parlé de son programme RENUVATM en nous demandant si nous souhaitions y participer, nous avons été immédiatement très enthousiastes.

Qu’est-ce que le programme RENUVATM ?

C’est un programme d’économie circulaire crée par Dow en vue de recycler et de convertir en nouvelle matière première (polyol) les matelas en mousse de polyuréthane en fin de vie. Le programme, qui se base sur une technologie encore jamais implémentée à l’échelle industrielle, a pour ambition de rassembler l’ensemble des membres de la chaîne de valeur en créant un modèle d’écosystème qui favorise la circularité des produits qui sont mis sur le marché.

C’est assez ambitieux, car l’idée qui domine est bien de recycler de la manière la plus pertinente la mousse de polyuréthane et de s’en servir ensuite comme d’une véritable matière première ou secondaire pour différentes applications en mousse rigide ou flexible.

 

 

 

Quelle est cette chaîne de valeur ?

L’implémentation du programme en France a pour point de départ Dow. Nous travaillons avec eux à l’intégration de la technologie de recyclage chimique qui nous permettra de fabriquer le polyol recyclé à partir des matelas (le polyol RENUVATM). Ainsi, une fois celui-ci livré par nos soins à Dow, l’entreprise se charge de le transformer à nouveau en mousse de polyuréthane et de le commercialiser auprès des transformateurs.

Cette mousse pourra ainsi servir à fabriquer d’autres produits à base de polyuréthane, dont de nouveaux matelas. Une belle illustration d’économie circulaire ! L’organisme Eco-Mobilier est un autre partenaire clé, puisqu’il organise, en France, la collecte des matelas usagés et se charge de séparer les différents composants. C’est grâce à eux qu’Orrion obtiendra la mousse post-consommation à recycler.

 

 

 

Quel processus utilisez-vous pour recycler cette mousse ?

Il s’agit d’un processus de dépolymérisation à haute température, connu sous le nom de glycolyse. C’est un procédé qui est apparu il y a déjà quelques années que Dow est parvenu à faire évoluer pour recycler les mousses de polyuréthane. La difficulté a été de trouver la bonne méthode pour pouvoir recycler toutes les mousses de matelas quels que soient leur âge et leur densité. Nous gardons les détails du processus confidentiels, je ne pourrai donc pas en dire davantage.

Concernant la mousse de polyuréthane, quels sont les avantages du recyclage chimique par rapport au recyclage mécanique ?

Le recyclage mécanique a bien sûr son rôle à jouer dans la réutilisation et le reconditionnement des objets en fin de vie en polyuréthane. Néanmoins, le marché de ces produits est encore restreint. Par conséquent, des technologies alternatives, telles que le recyclage chimique, doivent être développées afin de leur trouver de nouveaux débouchés et d’augmenter le volume de matière qui peut être recyclé.
Au cours du processus de recyclage chimique, les mousses de polyuréthane des matelas sont converties en polyol, l’un des principaux composants chimiques de leur polymère. Ce dernier peut remplacer jusqu’à 50% du polyol conventionnel dans les mousses de polyuréthane rigides ou flexibles. Bien entendu, ces mousses sont tout à fait recyclables et pourront à nouveau servir à fabriquer du polyol. La boucle est ainsi bouclée !

Comment est organisée la filière de recyclage des matelas usagés ?

Comme je le disais précédemment, notre autre partenaire dans l’implémentation de cet ambitieux projet est Eco-Mobilier, cet éco-organisme français à but non lucratif qui a été créé en décembre 2011 pour la collecte et le recyclage du mobilier usagé. Cette filière se finance grâce à l’éco-participation des citoyens lors de l’achat de meubles ou de matelas neufs. Eco-Mobilier travaille en partenariat avec des opérateurs présents sur l’ensemble du territoire français qui se chargent de collecter les matelas et de les acheminer vers des centres de démontage, où la mousse polyuréthane est séparée des autres composants, tels que le métal, le tissu, la mousse de latex. C’est cette même matière qui sera acheminée vers notre usine afin d’être traitée dans le cadre du programme RENUVATM.

 

 

Pour le moment, seule la France est concernée par le recyclage des matelas usagés. Pensez-vous que votre technologie pourrait être transférée dans d’autres pays européens ?

La France a été choisie pour être le pays où sera construite la première usine RENUVATM ayant la capacité à traiter des volumes de matières à recycler à échelle industrielle. En effet, notre pays a l’une des infrastructures les plus avancées en matière de recyclage des matelas, dont un dispositif de Responsabilité étendue producteur (REP) en l’organisme d’Eco-Mobilier. En parallèle la réglementation, notamment au travers de la loi anti-gaspillage et économie circulaire (loi AGEC), va permettre d’augmenter les moyens qui sont mis en place pour faciliter la collecte et le tri des déchets et le recyclage des différents matériaux. Afin d’établir un programme similaire à RENUVATM dans d'autres pays, une gestion des déchets appropriée doit exister. Nous, Dow et Orrion, sommes donc favorables au développement, dans d’autres pays, d’écosystèmes comparables au modèle français et espérons pouvoir reproduire ailleurs ce que nous sommes en train de développer ici.  

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