Les plastiques ont permis aux designers de s’intéresser aux objets du quotidien

Pouvez-vous nous parler brièvement de votre Fondation ?

La Fondation Plart a pour objectif d’illustrer notre histoire récente par le prisme des objets contemporains qui ont révolutionné les habitudes et les traditions de notre société. Beaucoup sont en plastique ! Nous mettons l’accent sur leur rôle historique et insistons sur l’importance de les utiliser de façon raisonnée pour un plus grand respect de l’environnement. En somme, nous avons un dessein pédagogique pour ne pas dire didactique.
Le caractère historique de cette collection originale d’objets en plastique est l’une des raisons pour lesquelles nous avons souhaité la rendre accessible à un large public. Notre intention est également de conserver des pièces souvent fabriquées en grande série et le plus souvent dans un matériau synthétique ayant un intérêt du point de vue de leur design. Pour toutes ces raisons, la Fondation a été reconnue musée d’intérêt régional en 2009 par la région de Campanie.

Vous la définissez comme un « hub interactif dans lequel les formes de créativité les plus diverses convergent ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

L’idée sous-jacente est assez simple. Nous cherchons à gommer toute ligne de division entre les arts en promouvant plutôt leur hybridation et leur mutualisme ainsi que le dialogue. Cela nous semble important pour mieux comprendre la complexité du présent. C’est avec cette vision que, depuis 2008, nous avons réussi à élargir et diversifier notre offre culturelle en combinant des d’expositions, des sessions de formation, des travaux de recherche sur l’écoconception, en permettant bien entendu à tous les publics d’avoir accès à ces offres. Tous ces points font que nous avons tendance à considérer que nous gérons notre Fondation comme un musée qui voit transiter beaucoup de chercheurs.

Vous êtes, avec Salvatore Paliotto les deux fondateurs de la Fondation. Pouvez-vous en dire un peu plus sur vous ?

Nous sommes deux entrepreneurs passionnés d’art. Depuis notre plus jeune âge nous nous intéressons à l’art contemporain et avons depuis longtemps commencé à constituer une collection. Pour ma part, je pense avoir élargi notre vision en rassemblant des objets souvent usuels en plastique dont je trouvais le design intéressant. Ces objets m’attirent car je les perçois comme marqueurs du temps, ils suggèrent une certaine idée du changement ou de l’évolution de notre mode de vie, raison pour laquelle je considère qu’ils appartiennent à la communauté. Aujourd’hui, nous disposons de plus de 2 000 pièces qui sont autant de « morceaux » d’art et de design. Qu’il s’agisse de bijoux, de meubles, d’accessoires ou d’appareils électriques… ils peuvent être très populaires et avoir été fabriqués à des milliers d’exemplaires, ou plus confidentiels, voire faits à la main, mais tous illustrent l’histoire de ces matériaux que sont les plastiques.
Les propriétés des plastiques font que chaque objet a sa propre forme, ses propres couleurs. Tous racontent une histoire. Je les ai très rarement trouvés dans des galeries ou des salles des ventes. La plupart proviennent de marchés aux puces, de brocantes ou autres… Cette collection s’est donc construite pièce par pièce, au fil du temps, parfois au gré des hasards.

La collection Plart a-t-elle pour objectif de faire un lien entre les polymères et le design ?

Pour le célèbre philosophe et critique d’art italien Gillo Dorfles (1910-2018), l’apparition du design sur les objets de grande consommation montre que l’époque devient esthétique. Dorfles a connu l’essor des plastiques et il a pu assister tout au long de sa vie à leur évolution.

La collection Plart reflète bien ce lien profond qu’il y a entre les premiers objets en plastique fabriqués à la main et ceux conçus industriellement à partir des premières décennies du XXe siècle. Les plastiques ont largement contribué au design, car ce sont des matériaux capables de beaucoup de choses tant par leur plasticité que par leurs propriétés intrinsèques.

Ils ont le pouvoir de stimuler la créativité des designers. Sans les polymères, il serait très difficile de donner des formes innovantes et surprenantes à bien des objets du quotidien, comme les articles ménagers, par exemple. Ils ont contribué à faire évoluer le regard que l’on porte sur les objets banals du quotidien.

Quelles sont les tendances actuelles du design ?

Actuellement, tous les designers s’intéressent de près à l’écoconception. La protection de l’environnement est presque devenue une question éthique, voire une norme pour eux. C’est très intéressant car il nous faut maintenant rendre compatible un monde où la technologie prend une place de plus en plus importante avec des actes d’engagement pour sauver la planète.
Les plastiques ont encore leur place, car leur capacité à révolutionner le monde du design n’est plus à démontrer. Grâce à eux, le design a évolué, tout comme notre façon de concevoir la beauté. Cela dit, je pense qu’ils seront certainement utilisés différemment ou tout du moins sous d’autres formes comme les plastiques recyclés ou les bioplastiques. Pourquoi ne pas également évoquer l’intelligence artificielle qui pourrait nous aider à concevoir et à produire des objets en optimisant les ressources ? Pour la Fondation, c’est évidemment un sujet important, et nous avons déjà organisé différentes conférences à ce sujet. Ainsi, de nombreux designers sont venus nous expliquer comment ils associent leurs recherches avec celles des biologistes pour explorer le potentiel des plastiques biosourcés par exemple.

Pour conclure, je dirais que la collection Plart, en valorisant de nombreux objets d’utilisation quotidienne, en a certainement sauvé un grand nombre dont l’inexorable destin était de finir en déchets. Une façon d’avoir un nouveau regard sur ces objets finalement pas si insignifiants.

La Fondation Plart se situe dans le quartier Chiaia à Naples en Italie. La collection est composée de près de 2 000 objets rassemblés au cours des 30 dernières années. On y trouve des objets de design et des accessoires de mode, des sacs et des bijoux, des jouets, des appareils électroniques réalisés avec différents matériaux plastiques comme le celluloïd, la bakélite, le PVC, le polystyrène. La Fondation conserve également des prototypes d’objets qui ont marqué l’histoire du design comme le porte-manteau Cactus réalisé par Guido Drocco et Franco Mello, le fauteuil Pratone de Giorgio Ceretti, Pietro Derossi et Riccardo Rosso, la table Erba et le sculptural fauteuil Incastro de Mello.
Outre la collection permanente, le Fondation organise de nombreuses expositions temporaires.

A ne pas manquer : sa dernière vidéo (en italien) intitulée "PLASTIC… FREE KITCHEN" sur le rôle essentiel qu'ont joué les plastiques dans l'évolution de la cuisine des années 50 à nos jours, avec les témoignages de Giulio Castelli, fondateur de Kartell, Ferruccio Laviani, architecte et collaborateur de Kartell pendant de longues années et Alberto Alessi Anghini, président de la célèbre marque de design italienne.

Pour en savoir plus :
https://fondazioneplart.it/en/home-2/