Paroles d'expert 4 min

« D’ici 2030, nous espérons que chaque bâtiment sera doté d’une source indépendante d’électricité verte. »

Rencontre avec Stephan Kube, directeur du marketing (Head of Marketing) d’Heliatek, une start-up allemande qui a mis au point des panneaux solaires organiques souples et « autocollants ».
« D’ici 2030, nous espérons que chaque bâtiment sera doté d’une source indépendante d’électricité verte. »
« D’ici 2030, nous espérons que chaque bâtiment sera doté d’une source indépendante d’électricité verte. »

En quelques mots, pouvez-vous nous présenter votre entreprise ?

Nous sommes parmi les leaders de la technologie du photovoltaïque organique et surtout les seuls à avoir réussi à mettre au point des panneaux solaires souples et autocollants qui peuvent se poser comme un simple sticker sur quasiment tous les types de surfaces. Nos films autocollants solaires sont ultra-légers, flexibles, ultra-minces et s’appliquent sans difficulté sur une variété de matériaux, tels que le verre, le métal, le béton. Nos produits peuvent ainsi être installés à peu près n’importe où, et plus particulièrement dans des endroits jusqu’alors jugés inaccessibles aux technologies solaires.

Pouvez-vous en dire plus et surtout expliquer en quoi votre solution est différente de celles de vos concurrents ?

C’est assez simple ! Nous sommes partis du principe que chaque bâtiment, mais également le mobilier urbain comme les abribus, devait être en mesure de créer de l’énergie. Pour y parvenir, il suffit de les équiper de panneaux photovoltaïques. Or, ce n’est pas toujours possible, car ces « objets architecturaux » ont parfois des formes qui ne s’y prêtent pas. En outre, leur structure n’est pas toujours assez résistante pour supporter le poids des panneaux solaires classiques, qui peut atteindre 25 kg/m2, car il est parfois nécessaire de les équiper de systèmes de refroidissement. Notre technologie permet de lever tous ces freins, puisque nous avons réussi à déposer des cellules photovoltaïques composées de nano-molécules de carbone sur un film autocollant composé de différents polymères. Ce film doit répondre à certaines spécificités : robustesse, protection UV, étanchéité, facilité de découpe et d’intégration dans notre processus de fabrication… Au vu de ces caractéristiques, nous nous sommes tournés essentiellement vers les polymères, car ils cochent toutes les cases.

Je n’évoquerai pas la nature des polymères, ni les processus d’assemblage, ni les outils de production que nous avons développés, car il s’agit d’un secret de fabrication qui fait l’objet de plus de 300 brevets. Au final, toutes les couches organiques ne font que quelques centaines de nanomètres d’épaisseur et sont protégées par plusieurs films de protection en plastiques. Ce sandwich donne un film solaire mince, flexible et léger, qui pèse autour de 1 kg/m2.

Quel est donc l’avantage de votre technologie ?

Sidewalk - Copyright ISUN

 

Nos panneaux solaires sont constitués de bandes plus ou moins longues de films plastiques souples et autocollants. Ils peuvent donc être posés n’importe où et sur n’importe quel support. Ils sont quasiment prêts à l’emploi. J’exagère à peine en disant qu’il suffit de coller une bande sur un abribus par exemple, de la relier à une lampe pour qu’il devienne autonome en énergie. Le temps de pause est également un gros atout. Il faut approximativement deux minutes pour coller une bande de 5 mètres. Le plus long est de bien nettoyer la surface réceptrice pour assurer une bonne adhésion de notre autocollant et de tracer les marquages. Enfin, ces films étant translucides, ils peuvent être posés sur des vitres tout en laissant passer la lumière pour conserver une luminosité naturelle.

Pouvez-vous nous parler des projets pilotes les plus importants que vous avez menés dans le monde ?

Ces projets nous ont permis de tester notre technologie dans la vie réelle sous différentes conditions climatiques et sur différents matériaux. C’est de cette façon que nous avons encore amélioré nos propositions. Je pourrai citer l’exemple de ce collège en France qui fut en 2017 notre premier déploiement de grande taille, puisque nous avons posé 530 mètres carrés de films photovoltaïques, couvrant près de 20% de la consommation du site. En Espagne, ce sont des mâts d’éoliennes qui ont accueilli nos panneaux. Enfin, notre solution intéresse également les gestionnaires d’entrepôts, car il est fort simple de les poser sur les bardages métalliques de façade.
Depuis 2014, les films solaires organiques ont été utilisés avec succès dans une trentaine d’installations pilotes en Allemagne, en Chine, à Singapour, en France, en Belgique et en Égypte. Les projets pilotes ont été réalisés sur des matériaux de construction, tels que le verre, le béton, l'aluminium et les membranes polymères.

Copyright Acciona

 

Certains considèrent que les polymères ne sont que des matériaux polluants. Ils sont cependant essentiels dans votre industrie. Quelle est donc votre politique environnementale ?

Que deviennent nos produits lorsqu’ils sont en fin de vie ? Les polymères ou les plastiques font en effet partie de notre quotidien. Nous les utilisons pour produire des films solaires qui fabriquent de l’énergie verte.
Nous estimons participer activement au développement de nouvelles sources d’énergie propres et renouvelables, qui remplacent les sources d’énergie fossile. Avec une empreinte carbone inférieure à 10 g CO2/kWh, notre technologie solaire, en s’affranchissant du silicium, est parmi les plus vertes de toutes les technologies solaires. Grâce aux polymères notamment, l’énergie liée à la production s’amortit en moins de six mois d’utilisation de nos panneaux et nous estimons qu’il faut moins de trois mois pour neutraliser le carbone émis. Ensuite, passés ces six mois, nos solutions produisent de l'énergie verte pendant les vingt ans de durée de vie des panneaux. Il va donc de soi que notre bilan environnemental est largement positif, puisque nous participons à la décarbonisation des réseaux électriques. Nous incluons bien entendu dans ce bilan l’usage que nous faisons des polymères.
Pour le traitement de nos panneaux en fin de vie, nous évaluons actuellement deux options.

 

 

Bien entendu, nous cherchons le moyen de les recycler, mais il faut que cette technique soit raisonnable, tant du point de vue écologique qu’économique. L’incinération est l’autre option, et celle-ci nous semble assez intéressante. En effet, la valorisation énergétique pourrait permettre de produire à nouveau de l’électricité et serait neutre puisque l’incinération de nos produits ne crée pas de substances toxiques.

De plus, nos films ne contiennent aucun matériau rare ou précieux. Les incinérer pour en récupérer l’énergie ne serait donc pas une ineptie. Pour le moment, rien n’est encore tranché, puisque ces deux solutions de traitement de fin de vie de nos films sont encore en cours en test. 

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