Les plastiques ont du chien
Vous avez révolutionné la voiturette pour animaux handicapés du train arrière, qu'avez-vous apporté de nouveau à un dispositif qui existe depuis des décennies ?
J’ai avant tout rendu le dispositif plus ergonomique. Les modèles existants étaient bien souvent monolithiques et encombrants, tant pour le maître que pour l’animal. J’ai donc commencé par réfléchir à la manière de le rendre pliable. C’était primordial non seulement pour pouvoir le ranger facilement mais aussi et surtout pour permettre à l’animal de s’asseoir et de s’allonger sans qu’il ne ressente de quelconque gêne. Pour trouver où positionner l’articulation, j’ai longuement étudié la morphologie des animaux. Cependant, avant de parvenir à un prototype satisfaisant, il m’aura fallu m’armer de patience et ne jamais me décourager.
Comment vous est venue une telle idée ?
Je suis kinésithérapeute et j’ai depuis très longtemps une passion pour les animaux. Il y a quelques années, un patient m’a parlé de son chien paralysé du train arrière. Il ne savait comment s’y prendre et n’était pas emballé par les modèles de voiturettes existants. Je lui ai donc demandé de venir avec son chien et, en tant que kiné, je me suis assez rapidement aperçue que les voiturettes n’étaient pas adaptées à la biomécanique de l’animal. Pire encore, elles risquaient d’accentuer le handicap et d’engendrer de gros problèmes de dos, car la colonne vertébrale était trop sollicitée. De fil en aiguille, je me suis prise au jeu et, après avoir réussi à mettre au point un modèle que je jugeais abouti, j’ai décidé de créer une entreprise pour le commercialiser.
Comment avez-vous fabriqué vos premiers modèles ?
C’était très artisanal ! Le châssis était en aluminium, un matériau assez souple, résistant et léger. Les voiturettes étant quasi conçues sur mesure, je me suis rapprochée d’un petit industriel disposant de machines capables de couper et plier les tubes d’aluminium. Le corset, quant à lui, était comme maintenant en néoprène, un matériau souple qui se taille facilement… Cependant, il fallait l’équiper de sangles de polypropylène cousues à même le néoprène. J’ai donc confié la couture à un cordonnier. Quant aux roues…, ce sont des roues de trottinettes, que l’on trouve dans des magasins spécialisés. Il faut comprendre que chaque voiturette est quasiment un exemplaire unique, qui doit être adapté à la morphologie du chien à qui il est destiné. Pour moi, l’important est de maintenir le chien dans une position naturelle pour respecter la biomécanique de son dos.
D’autre part, la voiturette permet à tout animal handicapé, même temporairement, suite à une opération ou à un accident par exemple, d’avoir une alternative à l’immobilisation totale, voire à l’euthanasie.
Vos «Process industriels» ont-ils évolué ?
Oui ! Et le prochain grand pas sera fait en 2017, puisque je compte m’appuyer de plus en plus sur l’imprimante 3D. J’abandonnerai donc l’aluminium pour de l’ABS, qui est encore plus léger et bien adapté aux voiturettes. C’est un matériau également très solide, qui a un rendu magnifique une fois sorti de l’imprimante et qui peut se décliner en une multitude de couleurs. La voiturette gagnera encore en personnalisation. Ce n’est pas un détail, car beaucoup de propriétaires de chiens handicapés souffrent du regard des autres et craignent les moqueries lorsqu’ils promènent leur animal préféré.
Le passage à l'ABS se fait donc essentiellement pour des raisons esthétiques ?
Non. Même si cela compte, ce n’est pas le plus important. L’imprimante permettra de fabriquer des voiturettes pour des animaux de très petites tailles, comme les rats ou les furets, par exemple. Ces animaux sont de plus en plus présents dans les familles, et eux aussi peuvent être victimes d’accidents. La demande existe donc, et il n’y a actuellement rien pour soulager ces petits animaux. En cas de paralysie, ils sont bien souvent condamnés. Je suis actuellement en formation sur les logiciels 3D pour pouvoir être rapidement opérationnelle, même si j’ai déjà réalisé des voiturettes avec une imprimante 3D. Dans ma petite entreprise, ce sera donc une véritable révolution, et je sais qu’ils sont nombreux à l’attendre. Il reste cependant encore à régler le problème des roues, mais il existe sur le marché des modèles qui donnent toute satisfaction.
Vous fabriquez également des corsets, quelle est leur utilité ?
Je vous rappelle que je suis kinésithérapeute. J’essaye donc d’adapter aux animaux toutes les solutions qui existent pour les humains. Même si nos amis les bêtes sont moins sensibles à la douleur que nous, elle existe et peut être un véritable handicap. J’ai donc eu l’idée de concevoir un corset pour les animaux souffrant d’une fracture des vertèbres ou encore d’une hernie discale opérable ou non. Il n’existait rien dans ce domaine et, disons-le, les vétérinaires ne sont pas des rééducateurs. J’ai choisi le néoprène pour ces harnais. Un matériau souple, imperméable, très solide et qui protège la peau en cas de frottement. Ces corsets sont munis de sangles réglables pour garantir un excellent maintien. Une fois clipsées, les sangles viennent s’appuyer sur le néoprène dont la souplesse permet de répartir régulièrement la pression. L’animal ne se sent donc pas entravé et peut continuer à mener une vie quasi normale le temps de sa guérison.
Le néoprène entre également dans la composition de protège-pattes que nous commercialisons pour limiter les lésions par frottements sur le sol. Là aussi, leur développement aura nécessité des heures d’études, car ils viennent en remplacement des chaussons que l’on trouve sur le marché. Dans les faits, ils sont destinés aux animaux paralysés partiellement ou entièrement dont les pattes ont tendance à traîner sur le sol au risque de s’écorcher. Le coussinet du pied n’étant pas protégé, avec ma solution les animaux partiellement paralysés gardent un contact avec le sol et sont donc moins perturbés. Ces dispositifs paraissent assez évidents, mais ils sont avant tout le fruit d’une très longue observation des animaux.
Vous proposez également des orthèses ?
Effectivement, et elles sont très utiles aux animaux ayant eu par exemple un nerf endommagé à la suite d’un accident. Elles servent à maintenir le membre dans une position correcte pour favoriser la guérison. Pour le moment j’utilise la même technique que pour les humains. Il s’agit d’un polymère qui se thermoforme à basse température que l’on adapte à la morphologie de l’animal par moulage. Cependant, même si, là encore, nous sommes les seuls à l’utiliser, cette technique est perfectible. Je pense sérieusement investir dans un scanner 3D pour avoir une image parfaite du membre à appareiller. Ce sera fort utile pour les animaux de grande taille comme les gros chiens.
Et les prothèses ?
C’est aussi un axe de développement que j’envisage pour mon entreprise, d’autant plus que les imprimantes 3D peuvent rendre de grands services. Je me suis dernièrement rapprochée d’un prothésiste, et nous sommes en pleine discussion car là aussi nous tenterons d’adapter les procédures qui existent pour les humains au monde animal. C’est toute notre philosophie !