L’éveil des sens
Vous travaillez notamment avec des enfants, quels problèmes rencontrent-ils ?
Ce sont des enfants qui n’ont pas entièrement conscience de leur corps. Leurs gestes sont désordonnés, certains ont même des troubles sensoriels et ont donc des difficultés à faire la différence entre les matières. Bien sûr nous adaptons nos thérapies en fonction du degré de handicap des enfants, certains cas sont bien plus lourds que d’autres… Les enfants que nous recevons ont parfois du mal à prendre conscience de leur environnement. Quoi qu’il en soit, nos méthodes restent sensiblement les mêmes puisque nous axons notre travail sur le jeu. Pour progresser, un enfant doit prendre du plaisir.
Ces séances ne sont donc pas une contrainte pour les enfants ?
C’est même tout le contraire ! Mais ne vous y trompez pas, s’il est bien question de jeu, c’est avant tout dans un cadre thérapeutique. Nos interventions portent notamment sur le mouvement, l’action, la communication et les émotions… Notre rôle est de stimuler ces enfants et les invitant à utiliser leurs cinq sens. Pour cela, nous nous attachons à confronter l’enfant à des situations qui lui sont nouvelles en modifiant par exemple son espace et ainsi voir comment il réagit. Nous pouvons aussi le mettre face à des objets qui lui sont inconnus. Pour nous aider dans cette tâche, nous disposons d’un grand nombre d’accessoires.
Quels sont-ils ?
Ce sont des objets souvent très colorés pour être non seulement plus facilement repérés mais aussi pour susciter une réaction face à un « feu d’artifice » de couleurs. Nous avons des tapis de sol moussés plus ou moins épais, plus ou moins souples, des cubes de mousse recouverts de plastique et des tunnels avec lesquels nous pouvons aménager des parcours. Nous avons également recours à des balles et ballons de différentes tailles et de différentes matières et bien entendu à des tapis d’éveil garnis d’accessoires totalement différents comme des anneaux, des hochets, des feuilles de plastique, des boules… Ces objets doivent être facilement palpables et préhensibles par des petites mains et en plus hygiéniques. On imagine pas de tels accessoires en métal tant ils seraient difficiles à manipuler.
Où trouvent-on ces objets ?
Nous les achetons dans des réseaux de revendeurs spécialisés. Il y a des normes et nous ne pouvons nous permettre d’avoir n’importe quoi. Je ne suis pas une spécialiste mais j’imagine que pour être agréés, ces objets doivent passer certains tests. En tous les cas, ils sont très résistants et facilement lavables. Je pense que c’est pour cette raison que les plastiques y sont largement représentés. Peut-être aussi pour une question de coût… Ceci dit, on trouve certains de ces objets dans des magasins de jouets.
Vous travaillez aussi avec des bébés, vos méthodes sont-elles les mêmes avec des enfants qui ne marchent pas encore ?
Non pas tout à fait mais la finalité reste la même. Et puis un bébé qui ne marche pas encore ne veut pas dire qu’il est statique. Passé quelques mois, un enfant est capable de se déplacer en rampant, voire à quatre pattes. C’est d’ailleurs lors de ces périodes que les médecins détectent s’il y a des problèmes de dyspraxie (altération de la capacité à exécuter de manière automatique des mouvements déterminés) ou d’apraxie (incapacité à effectuer un mouvement). Quelque soit l’âge de l’enfant, nous tentons avant tout de lui faire prendre conscience de son corps. Il doit comprendre comment se servir de ses membres, de ses mains… Il faut donc sans cesse le stimuler en le mettant face à des situations nouvelles. Les plus petits manipulent énormément, c’est le temps des découvertes !
Les matières plastiques sont essentielles dans ce jeu d’éveil car leur diversité de couleurs, de formes et de textures nous permettent d’avoir une approche réellement multisensorielle. Certains enfants vont même jusqu’à les « goûter »… Là aussi le plastique nous aide car il est très facilement désinfectable donc sans risque pour l’enfant.
Vous nous parliez de parcours. Pouvez-vous en dire plus ?
Assurément et ici aussi les accessoires mis à notre disposition nous aident beaucoup. Par exemple, lorsque nous décidons de réaliser un parcours, nous pouvons installer au sol des tapis de différentes densité ainsi l’enfant devra à chaque fois s’adapter pour trouver son équilibre. Quant aux parois, ce sont des cubes de mousse empilés. Certains sont même biseautés ainsi nous ne sommes pas contraints à construire que des plans horizontaux. Lorsque l’enfant s’approche d’un plan incliné, il va rapidement découvrir les effets de la gravitation et donc adapter ses mouvements et la répartition de sa masse s’il ne veut pas tomber.
Et enfin, à quoi vous servent les balles et ballons ?
Les ballons sont souvent source d’échange et donc de communication. Les enfants comprennent très vite que d’un simple geste, ils peuvent déplacer et envoyer vers une autre personne (un adulte ou un enfant) cet objet qui roule et qui est plus ou moins léger. Les balles nous servent sensiblement à la même chose. Certaines sont « bosselé », d’autres munies de picots. Pour nous, il s’agit de voir comment l’enfant réagit face à un changement de matière et donc de sensation… un peu comme quand il est sur un tapis d’éveil. Les matières plastiques ont tous les avantages car elles peuvent prendre toutes les formes, même les plus biscornues, et surtout sont légères. Les enfants peuvent donc très facilement manipuler nos balles ou encore les lancer.
Avec toutes ces techniques, les progrès sont-ils rapides ?
Comme vous le dites, ce ne sont que des techniques. Faire progresser un enfant atteint de troubles psychomoteurs passe aussi par la communication. C’est pour cette raison que le jeu est si important. Nous demandons aux parents de poursuivre ce travail à la maison. C’est primordial ! Quant aux accessoires, certains sont très utiles et nombre de parents en possèdent. Je pense que c’est un autre avantage du plastique, ils ne sont au final pas excessivement onéreux.