Des parapluies dans les arbres
Le plastique est de plus en plus utilisé dans la culture arboricole. Quelles en sont les raisons ?
C’est vrai que l’usage du plastique en arboriculture a tendance à se généraliser. On peut même dire que cela remonte à une quinzaine d’années où, à quelques semaines de la récolte, différents épisodes grêleux avaient mis à mal des hectares d’arbres fruitiers. Pour les exploitants agricoles, ce fut un désastre économique. La prise de conscience était là, il fallait trouver des solutions pour protéger ces cultures. Il existait déjà sur le marché des filets en polyéthylène tissé. Les arboriculteurs s’en sont alors emparés. Et depuis, les techniques n’ont cessé d’évoluer.
Comment un simple filet peut-il protéger d'une forte grêle ?
Cela peut en effet paraître étonnant, mais ces filets sont d’une redoutable efficacité s’ils sont correctement posés. L’idée est de créer une barrière de protection. Les filets viennent s’accrocher à une série de câbles placés perpendiculairement et parallèlement aux lignes d’arbres. Les câbles assurent la stabilité de la structure en cas de grêle. Je voudrais au passage rappeler qu’une forte grêle peut produire plusieurs dizaines de kilos de grêlons au mètre carré. Avec cette technique, nous réussissons à couvrir des hectares de vergers. En cas de grêles, les grêlons rebondissent et sont directement évacués au pied de la structure.
N'est-ce pas trop compliqué à mettre en place ?
Ce n’est pas simple, et cela représente un investissement. Mais les exploitants agricoles sont des chefs d’entreprise, ils n’ont plus une vision à court terme. En protégeant efficacement leurs cultures, ils savent qu’ils se couvrent contre tous les aléas météorologiques. En plus, les filets ont une durée de vie d’une bonne dizaine d’années, contrairement au paillage en horticulture qu’il faut renouveler quasiment tous les ans. Bien posé, un réseau de câbles est particulièrement solide et résiste à tous les types de temps. Il est obligatoire de les enrouler l’hiver car, en cas de neige, qui ne s’écoule pas comme la grêle, les filets et les structures se déforment, voire peuvent se déchirer ou rompre.
Trouve-t-on d'autres applications du plastique dans le milieu arboricole ?
Oui, bien sûr, notamment dans le domaine de l’horticulture ornementale chère aux pépiniéristes. Il existe des filets de plus petite taille en polyéthylène extrudé. Ils sont un peu plus rigides et s’enroulent autour des jeunes troncs, faisant ainsi barrière aux petits rongeurs désireux de se « faire les dents » sur de l’écorce bien tendre.
On le trouve aussi dans les réseaux d’irrigation des vergers, les tuyaux et les goutteurs sont en polyéthylène haute densité. Les horticulteurs sont assez friands des systèmes d’arrosage dits de goutte à goutte qui leur permettent de mieux réguler leur consommation d’eau en ne donnant à la plante que ce dont elle a besoin. Les pépiniéristes utilisent aussi les plastiques sous la forme de paillage, exactement pour les mêmes raisons que les maraîchers.
A propos des films plastiques, quel est votre point de vue sur les bioplastiques ?
Je pense que le polyéthylène a encore de très beaux jours devant lui ! Les plastiques biodégradables sont efficaces sur des applications à durée de vie courte comme pour le paillage des salades par exemple. Ils présentent l’avantage de rester aux champs et n’ont pas besoin d’être collectés. Cependant ils ne peuvent pas s’utiliser partout et ne pourront pas répondre à toutes les applications. De plus, ces produits sont encore récents sur le marché, et les services R&D des industriels doivent encore les faire évoluer pour étendre leur champ d’application. L’idée est toutefois séduisante : des plastiques de paillage qui ne nécessitent plus d’être retirés et qui s’éliminent par dégradation naturelle. Le problème est de trouver le plastique adapté à chaque climat et à chaque type de culture. La recherche avance, et ce n’est qu’une question de temps.
Avouons-le, un film plastique qui se dégrade naturellement est, pour les agriculteurs, un gain de temps et d’énergie considérable, et bien entendu de rentabilité. Les films seuls ne sont pas concernés : des solutions pour les ficelles horticoles ont été récemment mises au point et donnent d’excellents résultats.
En attendant, quelles solutions s'offrent aux exploitants agricoles ?
C’est bien évidemment un sujet qui nous intéresse beaucoup au Comité des plastiques en agriculture. Nous avons mis en place le projet RAFU, Recyclage agriculture films usagés. Ce programme de recherche s’étend sur quatre ans et réunit pour la première fois tous les acteurs de la filière française : de l’agriculteur aux collecteurs en passant par les fabricants de machines. Il a pour objectif d’améliorer les conditions de collecte et de valorisation des films agricoles usagés (FAU) en diminuant sensiblement leur taux de souillure. Pour cela, de nouvelles machines doivent être inventées. Dans le projet, nous nous sommes notamment associés à Invenio (centre d’expérimentation), à l’École des mines d’Alès, à l’IRSTEA, à des fabricants de machines et à des recycleurs. Ce projet est pris très au sérieux, et 45 % du financement provient de l’Adème (Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie).
Les recherches portent simultanément sur les techniques et les outils de dépose des FAU mais aussi sur les procédés de prétraitement des matériaux à recycler et sur les conditions de leur transport. Les premiers tests d’intégration terrain sont prévus dans le courant de l’année 2013. Je peux vous dire que nous avançons très vite et nous avons bon espoir d’être en mesure de proposer des solutions concrètes dans les mois qui viennent.