Conditions extrêmes : rien ne leur fait peur
Contrôle absolu
Descendeurs, slalomeurs, deux techniques différentes mais un même objectif : garder le contrôle des skis, non seulement pour éviter la chute mais aussi et surtout pour gagner les quelques centièmes de seconde qui feront la différence à l’arrivée. Dans ce combat, qui se déroule parfois à plus de 150 km/h, outre ses qualités intrinsèques, le skieur de compétition sait qu’il pourra compter sur ses chaussures : la « courroie de transmission » entre ses jambes et ses skis. Et les contraintes sont bien plus importantes qu’il n’y paraît. Comme toutes les chaussures de ski, une chaussure de compétition se compose d’une coque, d’un chausson, d’une languette, le tout en plastique, et de crochets eux aussi en plastique ou en métal. La différence entre celle d’un champion et celle de monsieur Tout-le-Monde ne saute pas immédiatement aux yeux. Et pourtant…
Des trajectoires au millimètre
Chaque skieur se trouve face à un dilemme : choisir la précision ou le confort. Personne n’a encore trouvé la solution ! Et pour cause, afin de transmettre avec précision, les appuis vers le ski sans que la chaussure ne se déforme, il est nécessaire que le pied, la cheville et le bas du tibia soient pris dans une enveloppe rigide. C’est un carcan !
Ainsi, les coques de « compète » sont réalisées en polyéther, un polymère haute performance et très rigide qui se déforme très peu et résiste au froid. La coque est composée de deux parties : le sabot, qui se situe au niveau du pied, et le collier, qui enveloppe la cheville et le bas de la jambe. Ces deux parties sont articulées à la hauteur de la malléole pour pouvoir effectuer des mouvements de flexion. Le degré d’articulation est d’ailleurs l’un des points qui caractérise une chaussure.
On parle de l’indice « flex », et plus celui-ci est élevé, plus la chaussure est rigide. A titre d’information, cet indice va du simple au double selon le type de chaussure, et bien entendu, plus il est élevé, plus la chaussure est technique.
Comme dans un chausson ?
Pas vraiment, tout du moins pour les modèles de chaussures destinés aux sportifs de haut niveau. Le rôle du chausson est globalement opposé à celui de la coque. Obtenir une bonne isolation thermique et un confort acceptable requiert l’utilisation d’une certaine épaisseur de mousse. Matière molle, cette dernière a l’inconvénient de transmettre les mouvements avec moins d’efficacité. Cependant, des progrès ont été accomplis ces derniers temps, notamment grâce à l’Arpro®, un nouveau polypropylène expansé plus isolant, moins lourd et qui épouse parfaitement la forme du pied. Un chausson dédié à la compétition est constitué de plusieurs couches de mousse respirante superposées. Généralement en polyéthylène, ces couches ont une densité qui augmente à mesure que l’on s’éloigne du pied et allient ainsi confort et rigidité.
Bien plus qu'une simple planche
Dans leur jargon, les skieurs nomment leurs skis des «planches». Heureusement, le terme est purement affectif car il pourrait bien passer, sinon, pour un manque de considération envers les fabricants qui développent encore et toujours des trésors de technologies afin de permettre aux champions de gagner les « pouillèmes » de seconde qui feront la différence. Un ski moderne est constitué d’une bonne dizaine de matériaux différents aux propriétés mécaniques bien distinctes. En effet, le matériau idéal pour la fabrication d’un ski reste encore à inventer. Celui-ci devra présenter à la fois une raideur suffisante ¬– flexion, torsion –, une masse relativement faible et un seuil de déformation élevé pour être toujours au contact du terrain, quelle que soit sa configuration. En l’absence de ce matériau révolutionnaire, les fabricants superposent et assemblent différentes matières en un bloc compact et homogène.
Un ski, c’est un noyau, l’élément de base qui occupe une part très importante du volume total. C’est autour du noyau que sont ensuite assemblés les autres composants, comme les champs, les parties latérales du ski. Ils permettent ainsi de solidariser les différents éléments entrant dans sa composition. Sans oublier les carres, la partie en contact avec la glace qui permet l’accroche, et enfin la semelle, qui autorise la glisse. Ce sandwich est ensuite encapsulé dans une structure de plastique – souvent un polyamide ou un composite époxy renforcé de fibres – pour le maintenir en place et protéger les fibres des agressions de la neige et du soleil.
Dans un ski de compétition, le bois et le métal prennent encore une place importante. Seules sont concernées par les matières plastiques la coque d’encapsulage et la semelle. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la semelle d’un ski alpin n’est pas lisse. En surface, elle est constituée de micro-rainures dont le rôle est de réchauffer la neige pour la transformer en eau. Un ski ne glisse pas sur de la neige mais sur de l’eau ! Mais là où les choses se corsent, c’est que chaque type de neige réagit différemment. Ainsi, le polyéthylène de la semelle des skis de compétition est rainuré en fonction du lieu de la course.
Il n'y a pas que le ski de piste dans la vie !
Compétitions de fond, de ski de randonnée, de saut, de freestyle, etc., autant de disciplines qui nécessitent aussi un matériel bien spécifique. Mais hormis pour le ski nordique (voir interview de Thomas Saillet dans la rubrique « Le plastique vu par »), les principales différences entre les autres types de ski résident dans leur forme plus ou moins large et plus ou moins profilée. Le poids a également son importance, notamment pour les skis de randonnée, qui sont souvent portés par les randonneurs lors des ascensions les plus raides. Enfin, et pour être le plus exhaustif possible, les planches de surf ont des composantes plus ou moins similaires aux skis en fonction de la discipline choisie – freeride, vitesse, saut, etc.
Plus rapide, plus précis, plus aérodynamique
Bobsleigh, luge, skeleton… Voilà des sports de glisse par excellence qui se déroulent sur de véritables pistes de glace (et non pas de neige). Contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’entrer le plus vite possible dans l’engin et de se laisser glisser jusqu’à la ligne d’arrivée. C’est bien plus subtil que cela ! Le pilote se doit d’avoir toujours son bolide sous contrôle afin d’effectuer les trajectoires les plus précises possible. Quand on sait que les vibrations sont terribles et qu’un bobsleigh frôle les 200 km/h, on imagine les contraintes. Moins de vibrations pour plus de contrôle, c’est l’un des enjeux des concepteurs de ces engins modernes élaborés en matériaux composites.
Depuis peu, les plus perfectionnés sont munis de petites pièces composées d’un élastomère thermoplastique – résistant à des températures de près de -30° – qui viennent s’intercaler entre le caisson et les patins faisant office d’amortisseurs.
Selon les équipages, ces petits bouts de plastique de quelques millimètres font toute la différence. En Russie, les records devraient tomber !
Mais la recherche ne s’arrête pas là. Chasse au poids et recherche du meilleur profil aérodynamique mobilisent aussi une attention de tous les instants. Ainsi la marque BMW, bien connue pour son concept « Efficient Dynamics », a signé un contrat de partenariat avec la fédération de bobsleigh nord-américaine pour concevoir le bolide de l’équipe sélectionnée pour les prochains Jeux olympiques d’hiver. Après des heures d’étude en soufflerie, le nouvel engin a été présenté dernièrement à la presse. D’un design particulièrement aérodynamique, il est entièrement conçu en fibres de carbone lui assurant une grande rigidité pour une masse défiant toute concurrence.
Ma combinaison, mon carénage
Faire de l’être humain un objet hautement aérodynamique. Tel est l’objectif de ces skieurs qui pratiquent le kilomètre lancé. Pour mémoire, le kilomètre lancé consiste à dévaler une piste particulièrement pentue à la plus grande vitesse possible. Les meilleurs dépassent les 250 km/h ! Des performances partiellement dues au matériel, et notamment aux combinaisons réalisées en plastique vinylique et en latex. Il n’est absolument pas question ici de tissu respirant ; ces combinaisons sont totalement étanches et lisses pour permettre à l’air de glisser sur le skieur en position de recherche de vitesse. L’homme devient machine, la combinaison est évidemment faite sur mesure et elle est prévue pour accueillir différents ailerons, en plastique eux aussi, afin d’assurer une meilleure stabilité. Enfin, pour la petite histoire, sachez qu’il faut une quarantaine de minutes à un descendeur pour enfiler sa combinaison…
L’aérodynamisme est aussi primordial pour le saut à ski. Dans ce sport, les combinaisons ont une telle importance qu’elles font l’objet d’une réglementation draconienne : elles doivent être monomatière et réalisées d’une seule pièce. Les différentes équipes investissent considérablement dans la recherche de nouveaux matériaux de façon à optimiser la portance pendant le vol. Ainsi, l’équipe autrichienne arrivera aux prochains JO avec une combinaison inédite dont la « formule » est tenue bien évidemment secrète. Cette combinaison garantirait une entrée d'air plus importante, grâce à des coutures innovantes et à une trame optimisée à base de fibres synthétiques, réduisant le flux en sortie sur l'arrière. Ce qui permettrait d'augmenter remarquablement la portance.
Quand la vie ne tient qu'a un fil
Mais la montagne, ça n’est pas que la glisse ! C’est aussi l’alpinisme et cette volonté d’aller toujours plus haut. Conquérants de l’inutile, comme ils aiment à se définir, les alpinistes savent qu’ils pratiquent un sport excessivement dangereux. Chute de sérac, avalanche, etc., autant de risques naturels face auxquels ils sont bien souvent impuissants. Raison de plus pour optimiser leur matériel, et notamment les cordes, qui ont un rôle vital. En alpinisme, elles sont dites dynamiques car elles possèdent une capacité d'allongement située entre 8 et 10 %, pouvant même aller jusqu'à 20 % lors d'une chute. En quoi est-ce important ? Toute simplement parce qu’en cas de chute, la corde s’allongera et amortira le choc. Ce n’est pas rien, et depuis l’arrivée des cordes de textiles synthétiques, nombre de vies ont été sauvées.
Lors de l’ascension, le grimpeur progresse pendant la plus grande partie du temps en étant relié par une corde fixée à un amarrage situé en dessous de lui. S'il vient à chuter, il est retenu par la corde. Si celle-ci n'a aucune capacité d'allongement, il a des chances d'être désarticulé suite aux contraintes que ses membres et surtout sa colonne vertébrale auront subies au moment de la tension de la corde. Pire, il risque d’être précipité dans le vide suite à l'arrachement, sous le choc, des points d'ancrage placés dans le rocher. Si toutes les cordes ont une gaine de nylon, l’âme diffère en fonction de l’élasticité souhaitée. Elles sont le plus souvent composées de polyamide ou encore de polyéthylène.