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En avant la musique, avec les plastiques !
La facture instrumentale a toujours privilégié l’usage de matières nobles : ivoire, nacre ou bois précieux… Confronté à leur raréfaction, le secteur fait désormais appel aux matériaux innovants comme les plastiques pour répondre à aux attentes des musiciens amateurs comme des virtuoses les plus exigeants.
En avant la musique, avec les plastiques !
En avant la musique, avec les plastiques !

Les plastiques ne manquent pas de souffle

Des instruments«Premier prix» dignes du conservatoire !

Comme d’autres secteurs, la facture instrumentale est confrontée aux évolutions des normes relatives à la santé, à la sécurité ou à l’environnement. 
Certains matériaux naturels utilisés traditionnellement dans la fabrication d’instruments sont désormais soumis à une réglementation très stricte voire inaccessible. C’est le cas du bois de Pernambouc des archets ou de certaines essences de bois utilisés pour les guitares et percussions.
Pour les marques historiques comme pour les jeunes entreprises du secteur, la recherche de matériaux alternatifs performants représente donc un enjeu majeur. Pas seulement pour satisfaire la demande croissante d’instruments abordables. Un marché aujourd’hui alimenté par des modèles « premier prix », mais pas de conservatoire!

L’utilisation de matériaux innovants venus de la chimie des polymères est une obligation pour se maintenir dans une logique d’excellence et répondre aux exigences des enseignants et des musiciens professionnels.

Le plastique fait école avec la flûte à bec

Depuis 2008, l'enseignement de la flûte à bec a discrètement disparu des programmes de musique en France. Pour le plus grand bonheur de milliers de collégiens et de parents, trop heureux d’échapper à ce rituel vieux de plus d’un demi-siècle.
Pilier des activités musicales scolaires dans de nombreux pays d’Europe, cet instrument a été, par ailleurs, un formidable banc d’essai pour l’utilisation des plastiques dans la facture d’instruments à vent.  Et pas seulement pour des raisons de coût !
En effet, le bois dont on fait les flûtes n’est pas forcément adapté à la pratique de masse. Fragiles, les flûtes en bois sont également sensibles à l’humidité. D’où la nécessité de les huiler régulièrement. Aux premières « flûtes douces » en celluloïd, dédiées aux écoliers, à la fin des années trente, ont succédé des modèles en bakélite, moins sensibles aux variations de température.

C’est le facteur japonais Aulos qui prétend avoir lancé la première flûte à bec en résine acrylonitrile butadiène styrène (ABS), en 1966. Si c’est exact, il a rapidement été imité par tous les concurrents sérieux qui, comme lui, bénéficient de la confiance des professeurs de musique. 

La résine ABS, désormais, dans tous les bois

Dans la famille des bois, la flûte à bec fait figure d’exception par sa simplicité. Les autres instruments - flûtes traversières, clarinettes ou hautbois - sont en effet dotés du système Boehm de clefs en métal. Ce clétage exerce de nouvelles contraintes, d’ordre mécanique, en plus de celles, acoustiques qui imposent des matières denses et rigides. Cela a conduit les facteurs à privilégier des matériaux aptes à l’usinage, comme l’ébène ou la grenadille d'Afrique, voire des alliages métalliques, pour le saxophone, ou l’argent pour les flûtes traversières. 
Conformes aux critères d’un artisanat de luxe, ces matériaux sont incompatibles avec la fabrication en série destinée au public des écoles de musiques et fanfares. D’où l’idée de recourir à des matières synthétiques, moins coûteuses.

L’ébonite, déjà largement utilisée pour les becs, a remplacé l’ébène, dans les corps des clarinettes « d’étude »,  dès les années 50. D’autres marques, comme le belge Stagg ont opté pour la bakélite. Buffet Crampon a mis au point le composite Green Line, à base 95% de fibre de grenadille recyclé, de fibre de carbone et de résine époxy. 
La plupart des fabricants et importateurs proposent également des instruments en résine ABS. Certains, tournés et percés de façon traditionnelle présentent toutes les qualités mécaniques et acoustiques requises pour la pratique musicale. Mais ils sont désormais concurrencés par des modèles en plastique moulé, très bon marché.

Le plastique donne les bonnes clés pour débuter

Jusqu’à présent, les matières synthétiques utilisées dans la facture instrumentale ont été surtout des matériaux de substitution. Sans impact majeur sur la structure, les mécanismes et surtout la pratique de l’instrument. 
Depuis peu cependant, des pédagogues non-conformistes comme Graham Lyon ont encouragé un usage plus innovant des plastiques. Soucieux de faciliter la pratique de la clarinette à un large public, depuis le plus jeune âge, ce musicien anglais a conçu, avec le célèbre facteur Ted Planas, le clarinéo.
Composée de 3 éléments "clipables", cette clarinette en Do, tout en plastique, s’assemble facilement. Avec son corps en ABS et son clétage simplifié en résine acétal Delrin, elle est bien mieux adaptée aux exigences des virtuoses en herbe que les modèles traditionnels : extrême légèreté (avec un poids de 250 grammes seulement, réduit de 60%), doigté facile, résistance accrue, maintenance réduite, absence de réglage, réparation aisée grâce à des composants remplaçables…

Aussi robuste soit-il, cet instrument « tout-terrain » est cependant destiné à un répertoire étendu, de Mozart au jazz, voire à des musiciens aguerris. Fruit d’un long processus de développement initié dans les années 80, il séduit un large public depuis quelques mois seulement. Au point que l’entreprise Nuvo, fondée par Graham Lyon et son associé, Max Clissold, a lancé, dans la foulée, la JFlute.
Conçue selon les mêmes principes, cette flûte traversière, dotée d’un composant inédit appelé « Firstnote », permet au débutant de souffler dans l’embouchure presque aussi facilement que  dans une flûte à bec.

 

Le premier Sax en plastique décolle grâce au Bird

Lorsque le 15 mai 1953, Charlie Parker monte sur la scène du Massey Hall de Toronto, le public constate d’emblée qu’il a troqué son alto aux reflets mordorés pour une étonnante corne ivoire, au look art-déco. 
En fait d’ivoire, le corps du nouveau sax, un Grafton, est en plastique acrylique. Son concepteur, Hector Sommaruga, un italien installé à Londres, a fait le pari au sortir de la Guerre, de créer un instrument à bas prix. 
Commercialisé en 1950, l’objet a cependant reçu un accueil mitigé malgré son prix très attractif d’environ 55£, soit presque moitié moins qu’un instrument en laiton. Plutôt fragile, son toucher s’avère capricieux avec son clétage en métal peu ergonomique et, par ailleurs, difficile à régler et à réparer. En outre, sa sonorité, assez feutrée, est loin d’égaler celle des sax métal.

C’est finalement le malheur du Bird qui a déposé son sax chez un prêteur sur gage – peut-être pour une dose d’héroïne - qui fera la fortune de cet étonnant saxo et de son inventeur. Malgré ses défauts, le Grafton profitera encore de la notoriété de saxophonistes célèbres comme Ornette Coleman, avant de finir sa carrière en 1967, avec la fermeture du dernier atelier. Quant au modèle du Bird,  il a été vendu chez Christie's, en 1994, pour 93500 £.

 

Le facteur sonne toujours deux fois

Oublié le Grafton et l’idée du saxophone en plastique ? Non ! En 2010,  Piyapat Thanyakij, un musicien thaïlandais désireux de démocratiser la pratique de l’instrument dans son pays a pris le relais sous la marque Vibratosax. 
Plus ambitieux que son prédécesseur britannique, il a conçu quatre modèles d’altos composés presque entièrement en plastique. Hormis les ressorts des clés, toujours en métal, toutes les pièces sont moulées dans des polymères sélectionnés par Bayer pour répondre, à la fois, aux exigences acoustiques et aux contraintes mécaniques d’un doigté d’amateur ou de musicien confirmé : le Bayblend, mélange de polycarbonate et d’ABS pour le modèle d’entrée de gamme… Et le Makrolon alto, un polycarbonate renforcé de fibre de verre pour l’alto personnalisable, à clétage multicolore.

Accessibles, cette gamme de saxophones altos dont le plus couteux est vendu moins de 500 € en Europe, suscite partout la curiosité et parfois même l’enthousiasme. A tel point que Vibratosax prépare déjà le lancement d’une série de saxos ténor, avec une version commercialisée en kit, pour permettre aux musiciens de construire leur propre instrument.

Avec le Pbone, le plastique sort des coulisses 

Cela fait belle lurette que les plastiques ont fait leurs preuves dans la facture des « bois » même quand ces derniers sont en métal, comme le saxophone. Mais jusqu’alors, les polymères n’avaient jamais brigué aucun rôle dans la famille des « cuivres ».  Depuis le lancement en 2010, du Pbone, cette époque est révolue. 
Ce trombone en résine ABS, avec sa coulisse en fibre de verre et ses variations multicolores, apporte une touche ludique tout en se présentant comme une alternative sérieuse au trombone traditionnel auquel, d’ailleurs il n’a pas grand-chose à envier.
Muni d’une clé d’eau et d’un système de blocage, le Pbone accepte toutes les embouchures de trombone autres que le modèle en résine de la marque.
Son concepteur, le tromboniste anglais Hugh Rashleigh est encore surpris du succès de son invention.

Après sa thèse consacrée à l’intérêt des plastiques dans la facture instrumentale, il voulait seulement mettre ses conclusions en pratique. A juste titre ! Les 200 premiers exemplaires mis en vente en 2010 ont été épuisé en un quart d’heure.

Le Hautbois monte en gamme avec le plastique

Parmi les bois, les hautbois font également bande à part. Comme la flûte à bec mais pas pour les mêmes raisons ! Ces instruments à anche double au clétage complexe, le plus souvent ajusté sur un corps en bois précieux, affichent d’emblée un caractère élitiste… Trait distinctif qu’ils partagent d’ailleurs avec les hautboïstes.
Même lorsqu’ils s’autorisent l’usage de polymères thermoplastiques, les facteurs mettent un point d’honneur à opérer de façon traditionnelle. Pas question donc de recourir au moulage, même sur les rares modèles d’études en ABS. 
Très respectée, la maison parisienne Marigaux a néanmoins poussé l’audace jusqu’à fabriquer un hautbois dans un bloc de polyméthacrylate de méthyle, un polymère plus connu sous son nom commercial Altuglas. Aucune volonté de réduire les coûts de production, dans cette démarche !

Bien au contraire, l’usinage plus long et délicat, en fait un instrument d’exception destiné à une coterie de hautboïstes sensibles à ses qualités acoustiques spécifiques.

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