Les plastiques n'ont pas peur du vide
Le nylon, l'étoffe des héros
En Europe, le Nylon aura été un don du ciel, une nouveauté littéralement tombée de haut en « bas », en juin 44, grâce aux boys de la « First Allied Airborne » avec leurs parachutes fabriqués eux-aussi, avec la célèbre fibre polyamide 6-6 de DuPont.
60 ans plus tard, ce tissu synthétique est toujours en service, en compagnie de textiles techniques plus récents et d’autres matériaux issus de la chimie des polymères, dans la plupart des sports dérivés du parachutisme.
Au-delà même, ces matériaux jouent un rôle majeur dans toutes les pratiques sportives dites «extrêmes » ou « à risque », sur terre et sur l’eau. Plus que la glisse, leur point commun consiste à défier les lois de la gravité… En termes de pesanteur ou d’impact… Qu'il s’agisse de sauter d’un canyon en parapente ou d’en dévaler la paroi sur deux roues, aucune place pour l’improvisation ! À chaque seconde, la moindre défaillance technique ou matérielle risque d’être fatale… C’est le fameux « Point break » où les matériaux, par leur légèreté et leur solidité, doivent ralentir la chute ou l’éviter, et en dernier ressort, protéger du choc… Une source d’adrénaline et un banc d’essai idéal pour les matières plastiques
Les polymères mettent les voiles
Voltige, vol relatif en groupe, voile contact… Certains savourent l’ivresse de la chute, avant d’ouvrir leur voile. D’autres préfèrent planer, en profitant des courants ascendants ou d’une force auxiliaire, en parapente ou en paramoteur. Dans tous les cas, leur avenir ne tient qu’à du fil… Celui des fibres synthétiques qui composent la plupart des 600 pièces nécessaires à la fabrication de la voile, des suspentes et des autres équipements comme le sac-conteneur et son harnais ou la sellette du parapentiste.
Le polyamide, comme le Nylon, règne toujours en maître sur les voilures où les fibres polyester jouent plutôt les seconds rôles, dans des textiles hybrides ou laminés, où elles assurent des fonctions complémentaires : résistance aux UV, à l’abrasion, élasticité…
Contrairement aux voiles de parachute qui tolèrent une certaine porosité pour encaisser les chocs verticaux à l’ouverture, en fin de chute libre, les ailes profilées des parapentes doivent canaliser les flux d’air horizontaux pour améliorer le rendement aérodynamique de la traînée. D’où le recours à l’enduction polyuréthane pour obtenir des toiles à très basse porosité, sur l’intrados inférieur, et imperméables sur celle de l’extrados supérieur.
La performance ne tient qu'à un fil
Ralentir la chute en utilisant la résistance de l’air est une chose, s’accrocher et la contrôler en est une autre. C’est le rôle des suspentes. Le choix des fibres dont elles sont composées résultent d’un compromis pour répondre à des exigences antagonistes… D’abord, l’élasticité… Notamment à l’ouverture, lorsque la vitesse de chute passe brusquement d’environ 200 à moins de 20 km/h, elles doivent supporter, un allongement d’une dizaine de centimètres et reprendre ensuite leur dimension d’origine. Seule à absorber ces efforts de traction, l’âme de ces cordelettes est constituée de fils en polyéthylène de masse molaire très élevée (UHMPE) de type Spectra ou Dyneema ou d’aramide de type Kevlar, moins sensible à la chaleur. Une gaine en polyester la protège de l'abrasion, de l'humidité et des rayonnements.
Allègement et encombrement oblige, l’usage de voilures en fibres synthétiques très légères et peu volumineuses, une fois pliées, conduit à utiliser les mêmes matériaux pour les conteneurs et les sangles des harnais mais aussi à remplacer la plupart des pièces métalliques par des armatures et renforts en plastique rigide.
Wingsuit, l'innovation bat de l'aile
Les accros à l’adrénaline se regroupent volontiers en petits groupes autour de leurs spots ou figures favorites… C’est ainsi que les équipements évoluent, se différencient et qu’apparaissent de nouvelles disciplines comme le Base jump, inspiré du vol libre et du parapente. Cela consiste à sauter depuis une plateforme d’une hauteur d’au moins une soixantaine de mètres, altitude suffisante pour déployer une voile à ouverture rapide dérivée des parachutes de secours. À cette discipline, on associe aussi le vol préalable en wingsuit, combinaison dotée d’une voilure semblable à celle de l’écureuil volant
Cette pratique réservée à quelques initiés peine à développer des matériaux spécifiques. Convaincu que les wingsuit actuels « ne permettent pas de voler mais plutôt de chuter avec élégance », le chercheur américain Tim Sestak préconise l’utilisation de membranes polymères plus lisses et de bords d’attaque renforcés avec des composites pour améliorer « la glisse » et la portance… Mais pour rivaliser avec le super-héros aux ailes de chauve-souris, son équipe doit trouver de nouveaux financements.
Concrétiser le rêve d'Icare
Tous les pionniers des sports aériens ne jouent pas à égalité. Le suisse Félix Baumgarnter, par exemple, a pu compter sur le soutien technique et financier des équipementiers aéronautiques pour réussir son saut en parachute stratosphérique. Rien moins qu’une capsule pressurisée dotée d’une coque en fibre de verre, un ballon gonflé à l’hélium en polyéthylène d’une centaine de mètres de diamètre, une combinaison et un casque réalisés avec les matériaux composites, des polymères transparents comme le Vitrex et des revêtements multicouches destinés aux vols spatiaux.
Yves Rossy, plus connu sous le nom de Jetman, n’est pas en reste. Fort du soutien de richissimes mécènes, le premier homme volant à réaction n’a pas hésité à confier à une filiale du groupe suisse Carboman, spécialisée dans les composites, la construction de son aile rigide carbon-kevlar à structure nid d'abeille dotée de quatre réacteurs.
Ainsi, même si elles requièrent des qualités physiques et techniques indiscutables, leurs performances respectives ne relèvent plus vraiment du sport.