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Les plastiques veillent au grain
Nourrir huit milliards d’êtres humains ! Telle est la responsabilité endossée par les agriculteurs. Face à des contraintes environnementales exigeantes, notamment en Europe, le monde agricole doit trouver des solutions pour verdir ses pratiques en maintenant un bon niveau de rendement. La solution passe par les polymères.
Les plastiques veillent au grain
Les plastiques veillent au grain

Plastiques techno pour l’agriculteur du futur

Dans moins de trente ans, nous devrions être 10 milliards d’habitants dans le monde ! Autant de bouches à nourrir… On sait déjà que les terres cultivables seront bien à la peine, surtout que, avec le réchauffement climatique, il est probable qu’elles se réduisent. Sans tomber dans l’alarmisme, il y a tout de même urgence à trouver des solutions. Parmi les plus prometteuses, citons l’hydroponie, du grec hydro (eau) et du latin ponere (poser). Jusqu’à récemment, cette technique qui consiste à faire pousser des plantes sur un substrat composé de sable, de billes d’argile ou de laine de roche, se pratiquait sous serre, notamment aux Pays-Bas, pays champion pour la culture des fleurs et des légumes (comme les tomates).

© Joseph Kemp

Relativement nouvelle, la culture hydroponique est une solution qui consiste à faire pousser des plantes dans un substrat baigné dans un liquide nutritif acheminé par un système de tuyaux en PVC.

Les plantes ne sont donc plus en terre, et le substrat sur lequel elles reposent est constamment irrigué par un courant d’eau enrichie de sels minéraux et de différents nutriments indispensables à leur croissance. Ainsi « dopées », les plantes poussent plus rapidement, et l’effet de serre permet plusieurs récoltes par an.

L’eau enrichie est menée aux plantes via un système d’irrigation assez complexe composé de tubes et de tuyaux le plus souvent en PVC, un polymère chimiquement inactif, très solide, pour ne pas dire quasiment inusable, et surtout assez facilement recyclable. Quant aux plantes et au substrat, ils reposent dans différents bacs, le plus souvent en polyéthylène, voire en ABS, des matériaux ayant les mêmes propriétés que le PVC.

Les polymères dans l’air du temps

Encore plus novatrice, l’aéroponie connaît un succès croissant depuis une petite vingtaine d’années. Ici, les plantes ne sont plus cultivées dans un substrat mais dans l’air. Encore jeune, cette technique est au centre de nombreuses recherches effectuées par des organismes publics et privés dans le monde entier. Pour faire pousser des plantes dans l’air, il suffit d’en suspendre la tige sur des petits supports en plastique souple afin de ne pas gêner leur croissance et d’enfermer les racines dans des bacs vides nommés chambres d’aspersion, eux aussi en plastique, le plus souvent en polypropylène. Les racines en suspension doivent être impérativement maintenues dans l’obscurité pour éviter la prolifération d’algues. Les bacs sont le plus souvent noirs pour ne pas laisser passer la lumière. Ensuite, une solution nutritive est pulvérisée à intervalle régulier sur les racines. Là encore, le système est complexe : il se compose de pompes et d’un important réseau de tubes en PVC dont les embouts sont équipés de grilles aux mailles très fines pour pulvériser la solution nutritive. La culture en aéroponie nécessite une très faible quantité d’eau, puisque les gouttelettes atteignent directement les racines sans risque de « venir nourrir » les mauvaises herbes. Une façon supplémentaire de préserver cette ressource naturelle… Autre avantage, dans les régions de climat tempéré, cette culture ne nécessite pas forcément de serres chauffées car c’est le milieu nutritif qui est modifié (concentration des nutriments, température, pH, etc.).

Tout cela est déjà fort à propos dès lors qu’il est question d’avenir, mais ce ne sont pas les seuls bénéfices de l’aéroponie. Sans terre ni substrat, cette culture se fait poids plume, puisqu’il suffit de bacs vides et d’un système d’irrigation pour faire pousser les plantes. Autant dire que la masse des polymères utilisés pour les fabriquer est assez dérisoire, ce qui, dans l’avenir, pourrait permettre d’utiliser, sans gros travaux de consolidation, les nombreux toits-terrasses d’immeubles et autres entrepôts pour créer de nouvelles zones d’exploitation agricole.

A l’échelle mondiale, cela représente des milliers d’hectares ! Ce dispositif favoriserait notamment les circuits courts, c’est-à-dire autant de CO2 en moins dans l’atmosphère.

© Azmud

Avec la culture en aéroponie, les plantes poussent dans l’air ! Les racines sont constamment aspergées d’une solution nutritive. Sans terre ni substrat, c’est une agriculture poids plume. De nombreuses exploitations agricoles pourraient ainsi voir le jour sur les nombreux toits-terrasses des immeubles des centres-ville.

Enfin, ce serait une façon profitable de végétaliser les villes afin d’en améliorer le bilan carbone. Cet avenir n’est, semble-t-il, pas aussi lointain qu’on pourrait le penser, car quelques architectes intègrent désormais des surfaces dédiées à la culture en aéroponie dans leurs projets d’immeubles en milieu urbain.

Les plastiques tombent dans le panneau

L’empreinte carbone et ses conséquences sont bien au cœur de nombreux défis de ce siècle. Or, l’agriculture qui se pratique sous des serres chauffées nécessite beaucoup d’énergie. Ce sujet est pris très au sérieux par les maraîchers et autres producteurs de fleurs, mais ils savent également que sans système de chauffage, il leur serait impossible ou tout du moins beaucoup plus difficile de produire tout ce dont la population a besoin pour se nourrir. Certes, en Europe du Nord, on pourrait se passer de tomates en hiver, mais là n’est pas le seul problème. Grâce à la culture sous serre ce sont autant de légumes que nous n’importons pas de pays plus chauds, donc plus lointains. C’est alors moins de camions, moins de bateaux et, par conséquent, moins de CO2. Il n’empêche qu’à l’heure de la sobriété énergétique, la culture sous serre chauffée n’est pas pleinement satisfaisante.

Shutterstock

Intégrer des cellules photovoltaïques souples dans un film polymère permettrait d’alimenter en énergie les serres agricoles. Nombreux sont les centres de recherche qui se sont emparés du sujet. Les premières applications devraient voir le jour avant la fin de la décennie.

L’idée d’intégrer des panneaux solaires en polymères souples semi-transparents dans des films de serre fait donc son chemin. Nombreux sont les centres de recherche qui se sont emparés du sujet, et les projets avancent, même s’il n’est pas si simple d’encapsuler ces cellules photovoltaïques dans des films de polyéthylène. La solution passe par le photovoltaïque organique, un procédé relativement nouveau (cf https://plastic-lemag.com/-Dici-2030-nous-esperons-que-chaque-batiment-sera-dote-dune-source-independante-delectricite-verte-), qui consiste à imprimer et à superposer un matériau semi-conducteur à base de carbone sur un film polymère. Si, pour le moment, leur rendement énergétique est inférieur à celui de leurs cousines à base de silicium, les cellules organiques font des progrès. De plus, elles devraient à terme être assez peu onéreuses à fabriquer. Leur poids, leur souplesse et leur transparence restent leurs atouts majeurs, puisque ces panneaux peuvent prendre toutes les formes et épouser parfaitement l’arrondi des serres. Les avantages de leur transparence, notamment, sont évidents. Reste à savoir si elles seront capables de produire une énergie suffisante pour chauffer des serres… En attendant, elles pourront trouver des premières applications dans les cultures aéroponiques, puisque ces dernières ne réclament pas de chauffage. Il suffit juste d’un peu d’énergie pour alimenter les pompes du système d’irrigation.

Pour aller encore plus loin, dans le Bassin méditerranéen a été créé le projet Azmud, autour d’un consortium composé de huit partenaires de cinq pays différents de la région. Ce projet bénéficie du financement de l’Union européenne. Coordonné par l’espagnol Aimplas, il cherche à améliorer la performance des serres grâce à des polymères innovants. Ainsi est-on parvenu à mettre au point un film en polypropylène dans lequel ont été encapsulées des particules carbonées.

Une fois connecté à une source électrique, ce film chauffe suffisamment pour réchauffer les plantes en cultures hydroponiques et pour les aider dans leur croissance. Certes, il nécessite un apport d’électricité, mais celui-ci est plus que raisonnable par rapport au chauffage traditionnel des serres.

De plus, ce film a été développé pour avoir une durée de vie de trois à quatre mois avant de se biodégrader dans la serre selon la norme requise par l’Union européenne concernant les films de paillage. Enfin, son opacité a été travaillée pour bloquer les rayons UV, responsables de la prolifération des mauvaises herbes, ce qui ne nuit en rien à la culture des plantes maraîchères.

 

© Maurice Faugère, CPA

Soucieux de protéger leurs terres, les agriculteurs voient les plastiques agricoles comme un moyen de se passer de nombreux produits phytosanitaires. Des systèmes de collecte ont été mis en place en Europe pour récupérer et recycler les films agricoles usagés.

Limitation de l’empreinte carbone, respect de la biodiversité, meilleure gestion de l’eau et de la qualité de la terre… l’agriculture du futur est en marche ! Bien que raisonnée, elle ne devrait pas voir ses rendements diminuer. Cette agriculture du futur passe par l’utilisation de drones capables de cartographier avec précision les champs et la nature du terrain, mais aussi par les données satellitaires toujours plus précises pour prévoir la météo sans oublier des solutions beaucoup plus simples qui s’appuient sur l’efficacité et la constante évolution des plastiques agricoles ainsi que la volonté des agriculteurs de mettre en place de bonnes pratiques.

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