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Les plastiques veillent au grain
Nourrir huit milliards d’êtres humains ! Telle est la responsabilité endossée par les agriculteurs. Face à des contraintes environnementales exigeantes, notamment en Europe, le monde agricole doit trouver des solutions pour verdir ses pratiques en maintenant un bon niveau de rendement. La solution passe par les polymères.
Les plastiques veillent au grain
Les plastiques veillent au grain

Les agriculteurs se font un film

Responsables de l’alimentation de centaines de millions de personnes en Europe et de plusieurs milliards dans le monde, les agriculteurs sont pragmatiques et vont à l’essentiel en choisissant les méthodes qui leur semblent être les meilleures pour leurs cultures. C’est la raison pour laquelle ils se sont appuyés durant des décennies sur les intrants de produits phytosanitaires. Ceux-ci ont permis de protéger les espèces végétales cultivées contre les insectes nuisibles et les maladies, mais aussi à en améliorer les rendements. Ainsi, durant une cinquantaine d’années, les agriculteurs (mais aussi les consommateurs) pensaient bien avoir trouvé la martingale.

A l’aube du XXIe siècle, la population, influencée par les alertes des mouvements écologistes, a commencé à remettre en question ce type d’agriculture. Les intrants étaient soupçonnés de polluer les nappes phréatiques, de mettre à mal la biodiversité et, à moyen terme, de tuer les sols.

L’expression « agriculture raisonnée » fit alors son apparition, et les autorités commencèrent à « durcir » l’utilisation des produits phytosanitaires. Quant aux agriculteurs, ils ont rapidement pris conscience des enjeux et se sont mis en quête de solutions pour conserver leurs rendements. Parmi ces solutions figurent les plastiques agricoles

© CPA

Les films polymères de paillage captent l’humidité et protègent les plants des « mauvaises herbes ». Moins d’eau, moins d’intrants. La bonne recette pour une agriculture raisonnée.

Cultures : les polymères les prennent sous leurs ailes

Avant tout, il est utile de saisir ce qui se cache derrière la dénomination de plastiques agricoles. Il s’agit d’abord de films destinés au paillage, à l’ensilage, à la protection des meules, à la couverture des serres, de filets de protection des cultures arboricoles (les fruits) et maraîchères (les légumes), de diverses ficelles et, dans une moindre mesure, de flexibles d’irrigation. La totalité de ce marché représente 720 000 tonnes par an en Europe, soit 1,5% de la demande globale des plastiques. A eux seuls, les films représentent plus de 75% des plastiques agricoles.

© Maurice Faugère, CPA

Les plastiques agricoles sous différentes formes rendent de nombreux services aux agriculteurs, notamment en améliorant les rendements tout en s’affranchissant de certains produits phytosanitaires.

Le polypropylène et les polyéthylènes haute et basse densité constituent à eux trois près de 99% des agroplastiques.

Ce sont des polymères bien connus, notamment parce qu’ils sont solides et que l’on sait parfaitement les recycler. Les polymères biosourcés ou biodégradables, comme le PLA ou le PBAT (polybutylène adipate téréphtalate), sont également présents. Même s’ils ne représentent qu’une petite proportion de la production (autour de 1%), ils gagnent chaque année du terrain (lire notre interview).

Agriculture raisonnée : les plastiques agricoles ramènent leur fraise

Il semble avant tout indispensable de rappeler quelques-unes des fonctions de ces plastiques, notamment en ce qui concerne les films de paillage. Tous les jardiniers amateurs connaissent cette technique du paillage qui consiste à étendre, en bordure des plants, une couche d’un matériau naturel ou synthétique à même le sol pour atténuer les effets climatiques – en limitant l’évapotranspiration, par exemple –, mais aussi pour éviter la prolifération des adventices en tout genre comme les mauvaises herbes. Si autrefois les agriculteurs utilisaient de la paille ou des copeaux de bois, c’est nettement moins le cas aujourd’hui, d’abord pour des raisons de productivité car, à l’échelle d’une culture maraîchère de plusieurs hectares, l’opération requiert une main-d’œuvre considérable. La préférence va désormais aux films de plastique qui peuvent se poser mécaniquement. Grâce au paillage, la température et l’humidité du sol augmentent, favorisant ainsi le développement des racines et la croissance des plantes. Cette simple couche de polymère permet d’éviter de nombreux arrosages et ainsi d’économiser l’eau, une ressource qui se fait précieuse dans les régions maraîchères du Sud. Un véritable atout d’un point de vue écologique ! Ce n’est pas le seul, car cette couche protège également naturellement les cultures des mauvaises herbes et autres organismes nuisibles comme certains champignons vecteurs de maladies. C’est autant de produits phytosanitaires en moins qui viendront souiller les sols… Enfin, ces films agricoles permettent d’atténuer les chocs thermiques pas toujours favorables à la culture en cas de variations météorologiques soudaines.

© Maurice Faugère, CPA

Les films de paillage ou ceux des minitunnels peuvent être posés et déposés mécaniquement. Certains sont conçus pour se biodégrader dans le sol en quelques mois.

Les films de paillage ne sont pas de simples bâches améliorées. Pour être simples à mettre en place, ils doivent être légers et assez résistants, afin de ne pas se déchirer. Ils sont le plus souvent en polyéthylène et extrêmement minces – moins de 100 μm d’épaisseur, soit 1/10e de millimètre. La limite semble bien être atteinte car, même si le polyéthylène autorise plus de finesse, des films trop fins pourraient devenir à la longue plus fragiles, et surtout beaucoup plus délicats à manipuler lors de leur récupération.

Des plants élevés dans le coton

Lorsqu’il est question de protéger les cultures, les films polymères agricoles deviennent incontournables. Grâce à l’utilisation des plastiques, les agriculteurs maîtrisent mieux les caprices de la météo. En effet, aux films de paillage viennent souvent s’ajouter des tunnels, des films qui, suspendus à quelques centimètres du sol, protègent les cultures des intempéries. Orages, grêle, vent, pluies abondantes, l’agriculteur sait que, grâce à ces dispositifs, les intempéries ne viendront plus compromettre sa production. Deux fois plus épais que les films de paillage, les films dits de tunnels sont plus résistants. Blancs ou transparents, ils amplifient la chaleur et laissent passer la lumière, qualités  propices au bon développement des plants. De plus, en étant simplement suspendus, ces tunnels de polyéthylène permettent à l’eau de pluie, via un système de rigoles, de « sustenter » les cultures directement en leur pied et d’éviter ainsi tout risque de mildiou. Et si le polyéthylène a depuis bien longtemps fait ses preuves, les fabricants de films commencent à en proposer en EVA (éthylène-acétate de vinyle), un polymère plus élastique facilitant la mise en tension lors de la pose.

© Maurice Faugère, CPA

Les filets de protection en polyéthylène sont la solution idéale pour abriter des orages, notamment de grêle, les cultures arboricoles, comme ici celle des pommes.

Moins connus mais tout aussi spectaculaires, les filets arboricoles sont également utilisés pour protéger les arbres fruitiers de la grêle, de certains insectes et des oiseaux souvent friands de fruits. En polyéthylène haute densité, ils sont anti-UV et ont une durée de vie d’une bonne dizaine d’années. Les filets anti-insectes ont des mailles plus fines et sont quant à eux fabriqués à partir de fils en polyamide ou en PLA (un polymère compostable industriellement). En fonction de leur composition, ils n’auront pas la même légèreté, taille d’ouverture, durée de vie et respirabilité. Outre leur fonction première de protection, les agriculteurs constatent sous ces filets la formation d’un microclimat favorable à la croissance des plantes.

Le polyéthylène met le garde-manger sous abri

Au gré de quelque promenade dans la campagne, il n’est pas rare de tomber sur un monticule recouvert d’une immense bâche plastique. Visuellement, cela peut être choquant. Cette bâche en polyéthylène n’est pourtant pas là par hasard, comme on peut s’en douter.

Son rôle est déterminant pour les éleveurs, puisqu’elle permet de conserver les fourrages et les grains destinés à l’alimentation du bétail. Ainsi stockés à l’abri de l’eau et de la lumière, ces derniers gardent toute leur fraîcheur et, partant, toutes leurs protéines. L’hiver venu, le bétail pourra continuer à s’alimenter avec des produits naturels. L’éleveur n’est donc plus obligé d’enrichir l’alimentation de son cheptel avec des compléments alimentaires qui ne sont pas toujours vus d’un très bon œil par les consommateurs.

 

© Maurice Faugère, CPA

Les bâches d’ensilage, le plus souvent en polyéthylène, ont certes peu de chance de recevoir un premier prix d’esthétisme ! En revanche, elles permettent une parfaite conservation du grain, qui servira, l’hiver venu, à nourrir le bétail.

Simples à fabriquer, ces bâches peuvent être en polyéthylène (PE), recyclé ou pas. En recyclé, elles seront plus épaisses donc un peu plus compliquées à manipuler, mais leur efficacité restera la même. Enfin, il y a encore peu de temps, les agriculteurs se servaient de pneus usagés pour lester les bâches afin d’éviter qu’elles ne s’envolent par grand vent. Cette technique est peu à peu abandonnée. Outre son manque flagrant d’esthétisme, la dégradation des pneus présente un risque alimentaire pour le bétail. En se décomposant, les pneus très usagés peuvent libérer de la limaille de fer. L’opération de lestage est désormais réalisée à partir de sacs en PE haute densité remplis de sable ou de gravillons et disposés en périphérie du silo.
Ce sont d’ailleurs les mêmes types de films, qui, pour les mêmes raisons, servent à enrubanner les meules de foin. Ajoutons qu’une fois enrubannées, les meules se manipulent beaucoup plus facilement et ne risquent pas de se décomposer lors du transport.

Films de serre : loin d’être bêtes comme chou

Longtemps en verre, les serres agricoles ont délaissé depuis plusieurs décennies ce matériau fragile, onéreux et surtout lourd, qui nécessitait des infrastructures imposantes pour le supporter. Si le verre trouvait encore il y a peu sa place dans les petites serres destinées aux particuliers, le polycarbonate tend désormais à le remplacer systématiquement. Tout aussi transparent et irréprochable, esthétiquement parlant, ce polymère est de plus incassable, léger et très facile à manipuler quand il est question de monter soi-même sa serre.
Quant aux professionnels de l’agriculture, ils utilisent désormais des couvertures en polyéthylène pour protéger les cultures. Poids et facilité de mise en œuvre ne sont pas leurs seuls avantages, loin s’en faut ! Il est en effet possible d’y ajouter différents additifs selon les propriétés attendues. Ainsi, certains de ces films sont anti-UV et absorbent notamment les UVB responsables de la germination de champignons aux effets ravageurs pour la culture. Ils peuvent également avoir un revêtement à effet antipoussière afin de ne pas bloquer la transmission de la lumière, et permettent également d’absorber le rayonnement infrarouge émis par les plantes sous la serre, limitant ainsi la montée en température. A l’inverse, ils peuvent aussi être enrichis d’une charge minérale ou d’un copolymère EVA (éthylène-acétate de vinyle) pour limiter les pertes thermiques nocturnes, par capture du rayonnement infrarouge renvoyé par le sol. Enfin, selon les régions, ils sont plus ou moins opaques afin d’obtenir une lumière idéale pour la culture maraîchère.

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Selon les additifs dont ils sont enrichis, les films de serres en polyéthylène s’adaptent aux conditions climatiques de chaque région.

 

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