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Plastiques biosourcés : la revanche du carbone végétal
Les plastiques issus de la biomasse se présentent comme une alternative intéressante aux plastiques traditionnels. Ils font partie de la grande famille des bioplastiques, une appellation générique dont on ne sait pas toujours ce qu’elle englobe… Tâchons d’y voir un peu plus clair à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique passe aussi par la décarbonation de l’industrie des plastiques.
Plastiques biosourcés : la revanche du carbone végétal
Plastiques biosourcés : la revanche du carbone végétal

Les bioplastiques prennent racine

Un bel avenir en perspective

En moins d’un siècle, les ressources fossiles, pétrole, gaz et même charbon, se sont imposées comme matières premières pour la fabrication de presque tous les plastiques. Alors qu’en 2020, près de 370 millions de tonnes de plastiques ont été produites dans le monde, leur fabrication ne requiert qu’environ 4% des ressources fossiles extraites chaque année. Mais le renchérissement de ces matières premières et les impératifs environnementaux de lutte contre le réchauffement climatique font de la fabrication de plastiques à base de matières premières renouvelables une voie de développement pas vraiment nouvelle, mais qui connaît plus qu’un regain d’intérêt. Dans ce contexte, les « bioplastiques » ont des atouts en main. Des exemples d’applications existent déjà et devraient accroître significativement la part de ces « plastiques verts » dans les toutes prochaines années.

 

Maillon essentiel dans la décarbonation des plastiques, tout indique que les polymères biosourcés vont monter en puissance au cours des prochaines décennies.

Selon European Bioplastics, les capacités mondiales de production de bioplastiques devraient passer d'environ 2,4 millions de tonnes en 2021 à environ 7,6 millions en 2026. Ainsi, la part des bioplastiques dans la production mondiale des plastiques dépassera la barre des 2%, contre moins de 1% actuellement. Ce qui est encore trop peu pour permettre, en Europe, à l’écosystème des plastiques de prétendre au zéro émission nette de gaz à effet de serre en 2050. C’est tout du moins ce qu’affirme une étude récemment publiée par le cabinet de consultants en environnement SystemiQ. Si l’étude confirme la nécessité de poursuivre les investissements pour optimiser le recyclage tant mécanique que chimique des polymères, elle constate que ce ne sera pas suffisant. Pour les auteurs de l’étude, la solution passe également par le développement des plastiques biosourcés, dont la part dans la consommation européenne devra représenter près de 20% des plastiques utilisés pour que l’objectif du zéro émission puisse être tenu.

Vous avez dit « bioplastiques », mais encore ?

Plastiques biosourcés, biodégradables, bioplastiques, biopolymères, etc., depuis une quinzaine d’années, la famille des bioplastiques ne cesse de s’agrandir. Toutefois, sous le préfixe « bio » sont regroupés des polymères aux caractéristiques bien différentes.
D’une part, on y trouve les plastiques « biosourcés » car issus en partie ou en totalité de ressources de la biomasse *, qu’elle soit végétale (plantes, bois, algues…) ou animale (micro-organismes). 

 

Qu’ils soient biosourcés ou issus d’hydrocarbures, l’existence des polymères repose avant tout sur la chimie organique, celle du carbone. Le carbone est le quatrième élément le plus abondant dans l’univers.

Qu’il soit traditionnel ou biosourcé, un polymère est un produit de la chimie du carbone, dite organique. C’est ce carbone qui est traditionnellement extrait des produits pétroliers après vapocraquage sous forme d’éthylène, de propylène, d’acétylène, de benzène et autres molécules de base pour la fabrication des plastiques. Tout l’intérêt des plastiques biosourcés est d’aller chercher ce même carbone dans la biomasse dont il est extrait par différents procédés chimiques ou biochimiques.

Toutefois, ce qui a fait et explique encore aujourd’hui la prédominance des matières premières fossiles dans la fabrication des matériaux plastiques est leur extrême concentration en carbone avec laquelle aucune source de biomasse ne peut rivaliser.

* La biomasse est la matière fabriquée par des organismes vivants comme les plantes, les animaux, les champignons, les bactéries. A noter qu’aujourd’hui, la très large majorité des plastiques biosourcés sont produits à partir de biomasse végétale.

Autre branche de la famille, les plastiques « biodégradables », qui eux, peuvent être issus soit de ressources renouvelables, soit de ressources fossiles comme le gaz et le pétrole. Le PBAT (polybutylène adipate-co-téréphtalate), par exemple, qui représente près de 20% de la production mondiale de bioplastiques, est un polymère d’origine fossile, qui est biodégradable.
Dans le premier cas, on s’intéresse seulement à l’origine des matières premières à partir desquelles les plastiques sont fabriqués. Dans le second, on s’intéresse à leur dégradation, donc à leur fin de vie (ce qui n’est pas l’objet de ce dossier). Une chose à savoir néanmoins : un plastique biosourcé n’est pas forcément biodégradable… et réciproquement.

Parmi les polymères biosourcés, il faut encore en distinguer deux sous-catégories.

Les premiers, les plus classiques, sont la version renouvelable de polymères pétro-sourcés. Ainsi, un polyéthylène biosourcé (PE biosourcé) par exemple sera composé d’éthylène produit à partir de canne à sucre ou d’un autre végétal. Ses caractéristiques et performances sont rigoureusement identiques à celles de son homologue base fossile. Comme lui, il est 100% recyclable et pas plus biodégradable.

Les seconds sont produits exclusivement à partir de biomasse et n’ont pas d’équivalents fossiles.

 

Certains plastiques biosourcés sont produits à partir de bactéries. Ces procédés de fabrication sont relativement récents et augurent de très belles perspectives.

Ils ont une structure chimique et des propriétés techniques propres. Produits relativement récents à l’échelle industrielle, ces polymères sont pour la plupart issus de l’amidon ou du sucre de plantes. Parmi les plus connus, l’acide polylactique (PLA), le polybutylène succinate (PBS), le polyamide 11 (Rilsan®) ou encore les derniers nés, les polyhydroxyalcanoates (PHA), des polyesters naturels produits par certaines bactéries. Tous ces bioplastiques base biomasse sont encore jeunes. Leur marge de progrès est fort prometteuse, à l’instar des plastiques traditionnels dérivés du pétrole, dont les propriétés ont été optimisées au fil de décennies de recherche.

Les bioplastiques veulent être encore plus verts

Si certains les considèrent comme la panacée, quelques freins subsistent encore à leur développement dont, en premier lieu, leur coût plus élevé que celui des polymères traditionnels. La solution passerait par la production de masse qui permettrait mécaniquement de les rendre moins onéreux à produire.
Surtout si vouloir réduire l’impact CO2 de la production de plastiques et en faire des renouvelables est une noble cause, il faut veiller à ce que le remède ne soit pas pire que le mal.

Les biosourcés sont principalement produits à partir de plantes vivrières, tels le maïs ou la canne à sucre, riches en glucides, donc en carbone. En 2021, environ 0,7 million d’hectares de terres était utilisé pour produire l’ensemble des plastiques biosourcés. Cela représente un peu plus de 0,01% de la superficie agricole mondiale. Avec une production de l’ordre de 7,5 millions de tonnes attendue en 2026, la surface dédiée aux bioplastiques atteindrait un peu moins de 0,06% de cette superficie *. A elle seule, et toujours selon SystemIQ, l’Europe aura besoin de plus de 9 millions de tonnes de biosourcés à l’horizon 2050. Afin de ne surtout pas entrer en compétition avec les ressources pour l’alimentation humaine et animale, les industriels de la chimie verte font de l'approvisionnement durable de leurs matières premières une condition préalable et essentielle à la production de polymères durables.

* Sources : European Bioplastics

 

L’approvisionnement en matières premières végétales durables est désormais une priorité pour de nombreux fabricants de bioplastiques.  

Pionnier dans la production de polymères biosourcés, le brésilien Braskem produit déjà son PET biosourcé exclusivement à partir des résidus de la production de canne à sucre durable car cultivée dans des régions où la pluviométrie est assez abondante, ne nécessitant donc pas de systèmes d’irrigation autres que ceux alimentés par la pluie.

Les technologies évoluant, elles permettent aujourd’hui de se concentrer sur l'utilisation de cultures non alimentaires telles que la cellulose (bois) ou les algues, et sur les sous-produits non comestibles de la production de cultures vivrières. Ainsi, l’américian Trinseo vient-il de commercialiser un bioABS, baptisé Magnum Biomax destiné au marché automobile et qui contient 80% de biosourcé. Produit à partir d’huile de cuisine usagée et de résidus de l’industrie papetière, cet ABS vert est 100% identique à sa version pétrosourcée, mais avec une empreinte carbone six fois moindre et sans empiéter sur les cultures destinées à l’alimentation.

Il faut dire que ces dernières génèrent de grandes quantités de sous-produits cellulosiques, tels que la paille, les tiges de maïs ou la bagasse. Souvent laissées dans les champs après récolte, elles se biodégradent en quantité souvent plus importante que nécessaire à la restauration des sols. Selon les régions du monde, ces déchets verts sont incinérés pour produire de l'énergie. Une autre option, plus intéressante, serait de valoriser ces ressources végétales via des procédés biotechnologiques à des fins industrielles, parmi lesquelles la production de bioplastiques.

 

Les matières premières de deuxième génération (non propres à la consommation humaine ou animale) sont sur le devant de la scène. La recherche s’intensifie pour les transformer en biopolymères.

 

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