Planète 5 min
Plastiques biosourcés : la revanche du carbone végétal
Les plastiques issus de la biomasse se présentent comme une alternative intéressante aux plastiques traditionnels. Ils font partie de la grande famille des bioplastiques, une appellation générique dont on ne sait pas toujours ce qu’elle englobe… Tâchons d’y voir un peu plus clair à l’heure où la lutte contre le réchauffement climatique passe aussi par la décarbonation de l’industrie des plastiques.
Plastiques biosourcés : la revanche du carbone végétal
Plastiques biosourcés : la revanche du carbone végétal

Biopolymères : les jeunes pousses s’imposent

Le monde des plastiques s’engage lui aussi pour relever le défi écologique des années à venir. Les plastiques végétaux voient fleurir d’intéressantes innovations dont certaines préfigurent sans aucun doute ce que seront les plastiques de demain. Revue de détail.

Le PLA met les pieds dans le plat

L’acide polylactique (PLA) est l’un des plus anciens bioplastiques, ce qui explique, au moins en partie, pourquoi il est aujourd’hui la star incontestée des plastiques végétaux. Le PLA représente près de 20% des bioplastiques produits en 2021. Son procédé de fabrication s’appuie sur l’acide lactique, obtenu par la fermentation de sucres (saccharose, glucose, etc.) présents dans les plantes (canne à sucre, betterave, par exemple) ou extraits de leur amidon (maïs, blé, pomme de terre…). L’acide lactique est ensuite distillé et polymérisé pour devenir de l’acide polylactique. Il est compostable dans des conditions de compostage industriel (au-dessus de 60°).

 

Star des plastiques biosourcés, le PLA est très présent dans l’emballage alimentaire et dans les imprimantes 3D.

Le PLA est majoritairement utilisé dans l’emballage alimentaire (66% de sa production), notamment pour ses propriétés barrière (protection contre l’oxydation) et parce que sa transparence permet aux consommateurs de visualiser les aliments.
Très souple, il peut être rigidifié en ajoutant de la chaux – on parlera alors de PLA cristallisé.

On en fait également des barquettes, des films alimentaires ainsi que des verres et des gobelets. Les couverts ou les couvercles de gobelets sont le plus souvent du PLA cristallisé. Ces emballages sont principalement utilisés dans la restauration rapide pour des aliments à faible durée de conservation. C’est assez logique, puisque ce polymère n’est pas parfaitement imperméable, ce qui limite son emploi pour protéger des produits de longue conservation. 
Il s’est aussi fait une place de choix dans l’univers des tissus non tissés (lingettes, enveloppes de couches-culottes), des matériaux utilisés dans les imprimantes 3D notamment, car son point de fusion est plus bas que celui des autres polymères. Il est ainsi le matériau principal de nombreuses prothèses imprimées en 3D. En chirurgie, il entre également dans la composition de certains fils de suture, et son utilisation dans la conception de stents est actuellement à l’étude. Le PLA est parfaitement recyclable, mais les filières restent encore à développer.

Le PHA en quête d’avenir

Assez proches dans leur technique de fabrication, les polyhydroxyalkanoates (PHA) et les polyhydroxybutyrate (PHB) sont, selon les experts, promis à un très bel avenir, malgré un coût encore élevé.

Ces polyesters végétaux ont sur le PLA l’avantage d’être biodégradables en milieu naturel. Ils pourraient ainsi rendre de grands services dans le domaine de la santé pour concevoir des matériaux résorbables : fils de suture, capsules de substances actives… En 2020, l’Union européenne lançait un grand programme de recherche transnational afin de trouver la « recette » pour fabriquer du PHA à partir de la biomasse de micro-algues. L’objectif était de développer un PHA qui soit compétitif et durable d’un point de vue à la fois environnemental et économique.

 

Très récent, le PHA est sans nul doute promis à un très bel avenir, notamment dans le domaine médical où ses qualités de biodégradabilité sont parfaites pour concevoir des matériaux résorbables, comme les fils de suture.

 En attendant, Mars, le géant de l’industrie agroalimentaire, annonçait l’an passé un partenariat avec le fabricant américain de biopolymères Danimer Scientific pour la conception d’un emballage de friandises conçu en PHA. Les premiers emballages de ce type devraient être dans les rayons très prochainement…

Le Rislan® fait de la résistance

En 1947, Arkema commercialisait le Rislan®, un nouveau polymère à base d’huile de ricin. Il s’agit d’un polyamide 11 qui vient concurrencer le fameux Nylon développé par l’américain DuPont de Nemours. Sa carrière est plus qu’honorable. Reconnu pour sa robustesse, il est utilisé dans la conception de câbles ou de tuyaux haute pression. Il est même devenu un nom générique, puisque les bricoleurs nomment généralement le collier de serrage en plastique un rislan ! Plus extraordinaire encore, ce matériau, qui figure parmi les « ancêtres » des plastiques biosourcés modernes, a réussi à se renouveler et fait même partie des polymères que l’on s’arrache. Du moins les sportifs ! En effet, Arkema a décliné ce polymère en un élastomère thermoplastique nommé Pebax®. Léger, élastique et résistant au choc, on le retrouve dans les semelles de chaussures de sport ou de chaussures de ski. Pour la petite histoire, Usain Bolt, le coureur triple médaillé au JO de Rio en 2016, portait des chaussures équipées de semelles en Pebax®, des semelles vertes à l’image de son maillot. Inutile de dire que chez Arkema, ses victoires étaient un peu les leurs !

 

Le Rislan® a gagné ses lettres de noblesse en participant à la victoire de nombreux champions olympiques comme Usain Bolt. 

Le biopolyéthylène se sucre au passage

Le polyéthylène (PE) est la matière plastique la plus utilisée dans le monde. Peu onéreux à produire, polyvalent et particulièrement résistant, il trouve des applications dans tous les secteurs industriels : emballage, bâtiment, automobile… Il est traditionnellement produit à partir de ressources fossiles, par polymérisation de l’éthylène. Brique de base du matériau, l’éthylène peut également être obtenu à partir de l’éthanol tiré de la fermentation de plantes riches en sucres (comme la canne à sucre ou le maïs). La production de canne à sucre présente l’avantage d’être moins dommageable pour l’environnement que celle de la betterave sucrière ou du maïs, qui nécessite plus d’intrants et d’eau. Seul bémol, le coût de production du bioPE est plus onéreux que celui du PE pétrosourcé. Cependant, différentes études montrent que les consommateurs sont prêts à payer un peu plus cher leurs produits s’ils sont pour origine des matières premières renouvelables.

© banque images

Décarbonation oblige, les fabricants de jouets s’intéressent de très près aux plastiques biosourcés.

 

L’américain Mattel, le géant du jouet, annonçait il y a peu vouloir concevoir d’ici 2030 l’ensemble de ses produits à partir de polymères biosourcés ou recyclés.

 

Le premier jouet à voir le jour en polyéthylène biosourcé était son emblématique Rock-a-Stack, lancé dans les années 1960.

 Lego, l’autre poids lourd du secteur, déclare depuis quelques années déjà souhaiter remplacer l’ABS de ses célèbres briques par un « polymère vert ». En attendant, il a choisi le bioPE pour tous les éléments botaniques de ses décors (feuilles d’arbres, buissons et troncs). Ces derniers ne représentent que 2,2% de sa production.

Les fameuses briques ne sont pour le moment pas concernées par le bioPE, lequel  n’offre pas les mêmes propriétés (brillance, solidité, résistance) que l’ABS qui entre actuellement dans leur composition, les rendant quasi indestructibles et parfaitement sûres dans leur utilisation par les enfants.
C’est la raison pour laquelle la société a investi plus de 130 millions d’euros dans un centre de recherche sur les bioplastiques.

 

Clin d’œil ? Les feuilles des arbres des produits Lego sont aujourd’hui en bioPE, un polyéthylène biosourcé.

Le bioPET prend de la bouteille

La canne à sucre a également la préférence des fabricants de polyéthylène téréphtalate (PET) biosourcé. Il y a peu de temps, ce PET n’était encore que partiellement biobasé. Il était en effet fabriqué à partir d’acide téréphtalique issu du pétrole et d’éthylène glycol, produit issu le plus souvent de la canne à sucre. Pour rappel, le PET est le matériau le plus utilisé pour fabriquer les bouteilles destinées aux boissons. De plus, c’est un polymère qui se recycle très bien.

Le bioPET a connu un succès fulgurant ces dernières années sous l’impulsion de Coca-Cola qui, dès la fin des années 2000, lançait ses premières bouteilles en bioPET (celui-ci contenant encore de l’acide téréphtalique issu du pétrole). La marque s’était fixée pour objectif de parvenir à produire des bouteilles à partir d’un acide téréphtalique 100% végétal au cours de la décennie suivante. Ce fut chose faite grâce à son association avec l’américain Virent, une start-up spécialisée dans les biocarburants. La PlantBottle, leur bouteille 100% biosourcée, est fabriquée à partir d’un paraxylène issu de plantes qui a été converti en acide téréphtalique. Une première mondiale qui devrait faire des émules chez ses nombreux concurrents. En Europe et au Japon, Coca-Cola espère ne plus utiliser de PET d'origine fossile d’ici 2030. Dans ces pays, la bouteille du futur pourrait être composée à 70% de PET recyclé mécaniquement et le reste de bioPET.

 

Coca-Cola est la première marque à avoir mis sur le marché une bouteille entièrement biosourcée.

Le PVC ne manque pas de sel

Le polychlorure de vinyle (PVC) est lui aussi l’un des polymères les plus utilisés dans le monde. Il est depuis longtemps déjà incontournable dans le secteur du bâtiment où il entre dans la composition de tuyaux, de fenêtres, de portes, de câbles électriques, de bardages, etc. Pour produire le PVC, deux matières premières sont nécessaires : le chlorure de sodium (du sel marin ou de cuisine) et l’éthylène. Produire de l’éthylène vert à partir de plantes n’est plus ce que l’on pourrait appeler une nouveauté. Ce qui l’est en revanche, tout du moins dans le cadre du PVC, c’est d’en créer à partir de résidus de pâte à papier ou d’extraits d’huiles de cuisson usagées. Aliaxis, l’un des leaders mondiaux des produits de canalisation, propose désormais une gamme de tuyaux conçus avec 50% de ce PVC bio-attribué*, complétés par 20% de PVC recyclé. Les 30% restants sont constitués de charges minérales assurant les performances acoustiques. Bien entendu, ces tuyaux ont les mêmes caractéristiques techniques que ceux en PVC traditionnel.

* Bio-attribué : Le PVC biosourcé est issu d'origine non fossile à 100%. Le PVC bio-attribué permet le mélange avec une faible part de matière fossile, sur le principe du bilan massique, constituée de résidus d'huile de friture et de pâte de papier.

 

Le PVC biosourcé tire son origine de résidu de pâte à papier ou d’huiles de cuisson usagées.

 

Cet article vous a plu ? Vous allez aimer les suivants !
  • La deuxième vie des plastiques
    Planète 3 min
    La deuxième vie des plastiques

    Recyclage et valorisation énergétique, les plastiques en fin de vie sont plein de ressource. Pour autant que des politiques volontaristes leur permettent de libérer tout leur potentiel. Et que leur mi...

  • Plastiques recyclés pour fashion victims
    Planète 3 min
    Plastiques recyclés pour fashion victims

    A l’heure où l’éthique et la responsabilité sociale des entreprises est de plus en plus en vogue et où chacun est préoccupé par l’environnement, couturiers, maisons de prêt-à-porter, fabricants de vêt...

  • Retour aux sources pour les plastiques
    Planète 5 min
    Retour aux sources pour les plastiques

    La gestion des déchets, notamment plastiques, est un enjeu crucial pour les années à venir. Et si les polymères, trop souvent montrés du doigt, étaient dans les faits bien plus une solution qu’un prob...