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Travailler ensemble pour mettre fin à la pollution des déchets
Rencontre avec Philippe Montagné, directeur régional projets EMEA (Europe, Afrique et Moyen-Orient) de l’AEPW.
Travailler ensemble pour mettre fin à la pollution des déchets
Travailler ensemble pour mettre fin à la pollution des déchets

« La coopération est la meilleure voie pour trouver la solution ! »

L’Alliance to End Plastic Waste (AEPW) a été conçue pour développer et déployer des solutions contre la pollution des déchets plastique. Partant du principe qu’aucun acteur ne peut lutter seul, son credo est de trouver des partenariats avec toutes les parties prenantes.

Pouvez-vous présenter en quelques mots l’Alliance to End Plastic Waste ?

L’Alliance a été créée en 2019 avec pour premier objectif d’améliorer les systèmes de collecte et de gestion des déchets plastique, plus particulièrement dans les pays les moins organisés.

Notre rôle est de sélectionner puis de déployer partout dans le monde des projets, construits avec des acteurs locaux que nous accompagnons. Ces projets doivent être économiquement viables, devenir autonomes et être répliqués, si possible. Nous aimons nous définir comme un do tank (à l’opposé d’un think tank) qui catalyse sur le terrain des initiatives en faveur du traitement des déchets plastique. J’ajoute que collecter et trier les déchets ne suffit pas. Dans tous les pays où nous sommes présents, ces déchets sont ensuite recyclés mécaniquement pour être revendus à des transformateurs. L’objectif est de boucler la boucle localement, autrement dit de favoriser l’économie circulaire.

 

Pourquoi avoir choisi le mot Alliance ?

Nous nous nommons Alliance car nous sommes un regroupement de 74 entreprises impliquées dans la chaîne de valeur des plastiques. On y trouve les principaux producteurs mondiaux de polymères, des transformateurs, des professionnels de la gestion des déchets ainsi que quelques grandes marques de produits grand public. Si nous sommes si nombreux, c’est parce que nous pensons que chacun détient un petit bout de la solution pour améliorer la gestion des déchets plastique. En nous regroupant, nous développons une forme d’intelligence collective, nourrie de nos expertises respectives pour régler un problème que l’homme a créé. Réfléchir à plusieurs permet souvent de voir émerger de nouvelles solutions, voire de faire évoluer les technologies.

 

Une trieuse de bouteilles PET à Abidjan dans un centre de collecte de Coliba Africa.

Nous participons bien évidemment à cette réflexion mais sommes surtout là pour donner des moyens aux projets qui en sortiront. Finalement, nous sommes une courroie de transmission entre toutes les parties prenantes, et plus particulièrement avec les sociétés locales de gestion des déchets, les autorités et ce que nous appelons le secteur informel, c’est-à-dire ces dizaines de milliers de chiffonniers (waste pickers) qui collectent dans les rues ou dans les décharges tout ce qui peut être recyclé.

Comment lancez-vous vos projets ?

Notre manière de travailler a évolué depuis la création de l’Alliance. Au début, nous lancions des appels à projet dans un pays cible. Il nous fallait beaucoup de temps pour analyser la valeur des propositions reçues, dont beaucoup n’étaient pas réalistes. Aujourd’hui, forts de notre expérience, de manière proactive, nous recherchons d’abord des partenariats avec les professionnels du traitement des déchets ou recycleurs locaux – quand ils existent –, ou bien nous lançons une faisabilité de projets par un acteur local expérimenté. Depuis la naissance de l’Alliance nous avons lancé environ 75 projets à travers le monde (voir les projets en photo en chapitre 3 de l'article).

 

Centre de collecte Coliba à Abidjan, Côte d’Ivoire

Vos projets ont-ils tous la même importance ?

Nous classons nos projets selon trois catégories :
– Les courtermistes (appelés early impact), dont l’impact sera visible en moins de 18 mois et pour lesquels nous souhaitons tester une idée, un nouveau concept ou un nouveau partenaire. Nous les montons en quelques semaines et engageons des sommes de l’ordre de 200 à 300 k€ pour chacun d’entre eux.

Collecteuses de déchets plastique sur les plages du Bazaruto National Park au Mozambique

 

– Les solutions modèles, dont le déploiement peut prendre jusqu’à 3 ans, avec des sommes engagées qui sont souvent au-dessus du million d’euros (sous forme de prêt ou de don). Citons, par exemple, la construction d’une unité de recyclage de déchets en plastique flexible au Ghana, ou la construction d’une unité de traitement des déchets PET au Kenya.

Dans l’usine de recyclage de LDPE d’ASASE à Accra au Ghana.

– Enfin, les projets phares que nous appelons dans notre jargon interne « flagships ». Ils sont nettement plus ambitieux par leur taille, car ils peuvent concerner une mégalopole ou une province de plusieurs millions d’habitants et nécessitent l’aval et le support des autorités locales et gouvernementales. Ils sont plus longs à mettre en place et comportent une prise de risques financiers. Ils concernent différents pays, comme l’Indonésie où nous installons un système de collecte de tous les déchets et plusieurs centres de tri manuel dans la province de Malang (2,5 millions d’habitants).

 

Unité de lavage dans l’usine de recyclage de Mr GreenAfrica à Nairobi au Kenya.

Idem au Vietnam où nous organiserons le système de collecte des déchets et leur retraitement dans les villes de Hanoi et d’Hô Chi Minh. Ou encore en Afrique du Sud, où nous intervenons à Durban et Johannesburg pour collecter et trier les déchets recyclables avec nos partenaires locaux et en pleine collaboration avec les services municipaux de ces deux mégalopoles.

Selon nos principes, chaque catégorie de projets (early impact, solution model ou flagship) doit comprendre un volet de sensibilisation de la population à la valorisation des déchets recyclables. C’est pourquoi nos partenaires interviennent presque toujours dans les écoles pour sensibiliser à ces sujets les enfants, lesquels, à leur tour, éduquent leurs parents. Dans de nombreux pays, les écoles deviennent des points de collecte des recyclables.

Comment financez-vous vos actions ?

Chaque membre de l’Alliance participe à sa stratégie et contribue évidemment au financement de l’Alliance en fonction de son chiffre d’affaires. Aujourd’hui, nous disposons d’un budget qui tourne autour des 80 millions de dollars par an pour développer et déployer nos projets à travers le monde. En 2023, nos actions ont permis de collecter 79 000 tonnes de déchets contre 30 000 en 2022 et « seulement » 10 000 en 2021 et d’en valoriser 86 000 tonnes. Nous espérons atteindre la barre des 120 000 tonnes en 2024. Cela commence à être visible et démontre que les solutions existent.
Il y aura toujours des gens pour critiquer ce que l’on fait : notre ambition est de montrer qu’avec un peu de moyens et d’organisation on peut régler le problème des déchets plastique par l’économie circulaire avec un business model gagnant. Le problème n’est pas les plastiques mais la gestion de leur fin de vie.

Pour en savoir plus :
https://endplasticwaste.org/en

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