Villagepump, la nouvelle source d’eau potable des communautés isolées
Aviez-vous une expérience de la potabilisation de l'eau avant de concevoir la pompe ?
Oui ! Outre ma formation initiale de designer industriel, j’ai participé à plusieurs projets dans le cadre de l’aide au développement dont l’un, dans le cadre de la société Nedap NV, qui a abouti à la conception d’un premier modèle de pompe. Dénommée Naïade, elle était déjà destinée à l’alimentation en eau potable des communautés rurales dans les pays en développement.
Le nouveau concept mis au point par votre société Villagepump est-il un prolongement de ce modèle initial ?
Y-a-t-il continuité ou rupture par rapport à ce premier projet ? Difficile à dire. Je pense que l’approche théorique est semblable dans le sens où elle entend privilégier la simplicité, l’autonomie et la sécurité sanitaire. Mais la mise en œuvre technique est très différente. Dans les faits, la pompe Naïade s’est révélée plus complexe que prévu dans la mesure où elle associe l’énergie photovoltaïque, la filtration par membrane synthétique et la désinfection par UV… Soit un cocktail technologique un peu trop sophistiqué pour les usagers. Avec le concept Villagepump, j’ai voulu rectifier le tir en privilégiant la simplicité. Sachant que la sélectivité des membranes à ultrafiltration permet désormais de faire l’impasse sur les UV, j’ai voulu proposer une pompe actionnée manuellement à partir d’un mécanisme aussi simple à entretenir ou à réparer qu’un vélo.
Quelle sont les technologies clés de ce nouveau concept ?
Pour résumer, je dirais que le mécanisme de pompage est dérivé des pompes à bras domestique utilisées dans toute l’Europe dès la fin du XIXe siècle et qui sont encore utilisées en Afrique. Mai au lieu de pomper une eau réputée potable, comme c’était le cas autrefois, elle est conçue pour aspirer et traiter les eaux de mauvaise qualité fluviales, pluviales ou souterraines, jusqu’à une vingtaine de mètre de profondeur.
La principale innovation, à cet égard, a conduit à intégrer à ce système un dispositif de filtration directe, c’est-à-dire sans stockage préalable de l’eau à traiter dans un réservoir. D’où la difficulté à trouver un matériau de membrane adapté à des exigences contradictoires. Il devait être suffisamment perméable aux molécules d’eau pour ne pas entraver l’aspiration et fatiguer l’utilisateur… À l’inverse, nous devions passer à l’ultrafiltration pour éliminer, selon les normes OMS, les bactéries, les protozoaires et les virus… Dernière contrainte enfin, éviter l’encrassement des fibres afin de limiter les rinçages et d’espacer le remplacement de la membrane.
Quelle solution avez-vous adopté ?
Compte tenu des contraintes de coûts de fabrication et, surtout de maintenance, nous avons évidemment opté pour une membrane organique. Cependant, par souci de durabilité, nous avons sélectionné une fibre à base de polyéthersulfone, un polymère très haute performance, donc relativement onéreux, mais réputé pour ses propriétés de résistance mécanique, thermique et chimique.
Son efficacité est en outre renforcée grâce à l’adjonction d’un système de pré-rinçage automatique qui préserve la membrane des éléments plus gros susceptibles de l’endommager.
Est-ce le seul élément en plastique de la pompe ?
Non ! Par souci d’hygiène et de solidité, nous avons fait appel à d’autres matières plastiques pour réaliser les pièces du circuit hydraulique associées directement au mécanisme. Les valves d’alimentation et de rinçage sont en Noryl, un alliage de polymères utilisé dans l’automobile et d’agro-alimentaire. La carrosserie, quant à elle, est constituée d’une double coque en résine acrylique.
Quelle est la capacité de cette Villagepump ?
L’ensemble du dispositif permet à une personne adulte de produire entre 400 et 500 litres d’eau potable à l’heure. Suivant les régions et l’utilisation plus ou moins intermittente, ce rendement permet d’assurer l’alimentation en eau potable d’au moins une centaine de familles.
Elle n'est donc pas destinée à un usage individuel ?
Ce n’est pas l’objectif. L’idée est plutôt de fournir un système de potabilisation à de petites collectivités en recommandant néanmoins d’en confier l’entretien à un technicien formé à cet effet. Pour le reste, chaque communauté est libre de l’exploiter librement.
Au Congo, par exemple, nous avons équipé un groupe scolaire d’une pompe qui fournit également l’eau potable aux familles du village, moyennant une contribution.
En Asie, il n’est pas rare qu’un particulier fasse l’acquisition d’une Villagepump et l’exploite, au service du public, dans le cadre d’un micro-business.