Déchets plastiques en mer : quels sont les vrais risques ?
Ce qu'on nomme communément le «7em Continent» est-il représentatif des nuisances occasionnées par les plastiques ?
C’est un symptôme de la situation actuelle. Tant du point de vue océanographique que médiatique. Sur le plan scientifique, ces concentrations de déchets dans les gyres océaniques et leur localisation, dans le Pacifique, dans l’Atlantique Nord et l’océan Indien relèvent de phénomènes bien connus, liés au régime des courants marins.
Les déchets flottants d’origine terrestre observés depuis longtemps dans la mer des Sargasses par les marins ont d’ailleurs alimenté en partie les légendes liées à cette zone de convergence océanique.
Or si nous comprenons bien le mécanisme général de ces phénomènes très spectaculaires qui concentrent des milliers de tonnes de plastique venus des continents, nous connaissons moins bien leur impact sur l’environnement.
Qui est responsable de cet afflux de déchets plastiques dans les milieux marins ?
Le mode de consommation des sociétés développées, aucune doute ! La présence de ces plastiques dans le milieu marin est, pour une très grande part, le résultat de produits industriels mis sur le marché, consommés ou usagés avant d’être jetés comme leurs emballages. Nombres d’études réalisées sur le plastique ingéré par les oiseaux en mer du Nord montrent qu’un dixième seulement provient de produits non transformés. Finalement, la responsabilité des industriels est indirecte. Seuls les consommateurs peuvent inverser la tendance, en changeant leurs comportements et en exigeant des industriels une production plus durable.
Sinon quels sont les risques pour la mer et les environnements aquatiques ?
Les plastiques constituent un risque majeur pour le milieu océanique pour deux raisons essentielles qui sont d’ailleurs liées. D’abord leur volume puisqu’ils représentent 75 à 80% des déchets marins. Et ensuite, à cause de deux qualités, appréciables par ailleurs : la légèreté, propice au mouvement dans les milieux aquatiques et la résistance à la biodégradation qui favorise leur concentration dans la durée.
L’un des problèmes pour la biodiversité marine est que ces propriétés physiques n’empêchent pas le morcellement des déchets, à terme, en milliards de microparticules. Ils entrent alors dans la chaine alimentaire avec les conséquences que l’on sait. En mer du Nord, par exemple, on estime que chaque estomac d’oiseau contient en moyenne 0.6 g de plastique soit l’équivalent de 60 g pour un homme. Mais, selon moi, ce n’est pas le plus grave.
Les autres espèces sont-elles plus menacées ?
La menace, à cet égard, n’est pas du même ordre. Les prélèvements sur les oiseaux montrent que les transferts par la chaîne alimentaire sont relativement faibles, compte tenu du flux de plastiques disponible. Quant aux risques toxicologiques liés à la lente dégradation chimique des molécules, même s’ils sont difficilement quantifiables, ils semblent mineurs. Finalement, c’est surtout la fragmentation des déchets plastiques qui inquiète les scientifiques parce qu’elle perturbe considérablement l’équilibre des milieux océaniques. En effet, ils constituent autant de vecteurs pour le développement et la diffusion des espèces invasives. C’est le cas, par exemple, de certaines algues qui prolifèrent, en Méditerranée, sur les fragments de plastiques ou, dans le Pacifique Nord, de l’Halobates sericeus, cette araignée d’eau qui a trouvé dans ces déchets un incubateur idéal et un moyen de transport efficace.