Buildtog : le premier standard européen d’immeuble passif
C’est certain, l’avenir de l’habitat passera par la maison passive, c’est-à-dire un bâtiment dont le besoin en énergie de chauffage est inférieur à 15 kWh/m2/an. Créer un standard d’immeuble passif à caractère social et le décliner partout en Europe est le défi de Buildtog. Ce programme a été conçu par l’agence d’architecture ANMA et déjà la France, l’Allemagne, la Suède, l’Italie et le Royaume-Uni ont répondu présent.
Rencontre avec Stefan Reuther, l’architecte responsable de l’adaptation de Buildtog en Allemagne.
Vous êtes l’architecte allemand retenu pour le concept Buildtog en Allemagne. Quelle est la genèse de ce projet ?
L’idée du projet Buidtog est née au sein du Réseau européen du logement social et public (Eurhonet), qui était à la recherche d’une solution innovante afin de concevoir le logement social européen de demain. Le concept Buildtog repose donc sur la construction d’un bâtiment passif standard, mais adapté aux données climatiques (taux d’ensoleillement, courbe des températures…) et techniques – comme les réglementations nationales de sécurité – des pays concernés par le projet. Ainsi, dans chaque pays, une agence d’architecte a été missionnée pour décliner ce bâtiment.
Quel a été le rôle de l’agence d’architecture française de Nicolas Michelin ?
ANMA, l’agence de Nicolas Michelin, a conçu les plans de base et le design. Quant à nous, en Allemagne, nous avons décliné ses plans en fonction des contraintes urbanistiques et climatiques de Darmstadt, ville qui accueillera ces logements. Dès la phase préliminaire de planning et la transmission des plans, nous avons rencontré ANMA qui suit de très près l’avancement du projet. À Darmstadt, les travaux devraient commencer en juillet 2012. Nous sommes toujours en phase de dépôt du permis de construire, et le planning est très serré !
Comment avez-vous adapté aux spécificités de votre pays le design d’ANMA ?
Un des sujets passionnants dans cette coopération européenne est la confrontation des particularités nationales. Avant de démarrer ce projet, je ne pensais pas qu’il y aurait autant de différences entre les pays. Par exemple, les appartements sont beaucoup plus grands en Allemagne qu'en France. Au départ, Nicolas Michelin avait du mal à croire qu’un appartement ici soit le plus souvent composé d’un salon de 25 m² et d’une chambre à coucher de 18 m². Par ailleurs, les normes de sécurité incendie sont beaucoup plus strictes chez nous. Nous notons des différences sur la réglementation des plans d’évacuation comme sur les matériaux autorisés. Ce ne sont là que quelques exemples, mais la liste est bien plus longue.
Les Allemands sont considérés comme précurseurs et très innovants dans la gestion et l’économie d’énergie. Est-ce une réalité ? Avez-vous quelques exemples ?
Cette vision est à nuancer... En Allemagne, il y a effectivement une certaine volonté politique de réduire la consommation d'énergie dans le secteur résidentiel. Cela dit, Darmstadt reste une référence dans ce domaine puisque c’est là que fut construite la première maison passive dans le quartier de Kranichstein. En outre, plusieurs institutions – comme l’institut du logement et de l’environnement (IWU) et l’institut de la maison passive (Passivhaus Institut) – chargées de développer des logements innovants sont basés dans cette ville. Toutefois le projet de coopération Buildtog est lui aussi très riche d’enseignements.
Les différents bailleurs concernés sont amenés à confronter leurs idées, chacun ayant pour objectif de réduire sa consommation d’énergie selon ses spécificités nationales. Par exemple, les Suédois n'ont pas de problème de canicule, les Italiens ont des besoins particuliers en matière d’isolation et les Français disposent d’un mixte énergétique différent. Tout cela rend passionnant cette coopération européenne, car nous apprenons les uns des autres.
Leur surcoût est-il un problème pour la construction de ces logements passifs ?
Selon notre expérience, les coûts supplémentaires sont de l’ordre de 5 à 15 %, mais ils sont atténués par la baisse des dépenses énergétiques. En Allemagne, nous bénéficions toujours d'aides gouvernementales qui permettent de réduire, voire de compenser ces coûts supplémentaires. Cela dit, l'aspect financier n’est pas tout, car une maison passive pollue moins et est très agréable à vivre. Température idéale, bonne ventilation et insonorisation sont quelques-unes de ces qualités...
BASF est partie prenante dans ce nouveau concept de logement. Quel a été son apport ?
BASF, par le biais de sa société Luwoge Consult, est impliqué dans ce projet. Ils apportent un conseil en toute indépendance pour tout ce qui a trait à la gestion de l’énergie. Ce sont eux, par exemple, qui ont proposé le standard de la maison passive comme objectif énergétique du projet Buildtog.
Quels sont les avantages environnementaux des matériaux comme le Neopor© (isolant extérieur développé par BASF) ?
Les matériaux tel le Neopor© ont une très grande capacité d’isolation thermique et autorisent la construction de parois relativement minces. Concernant leur impact sur l’environnement, on considère que les économies énergétiques qu’ils induisent sur cinquante ans compensent largement l’énergie nécessaire à leur fabrication. La balance est donc positive. Pour nous, architectes, c’est important, puisqu’il est aussi de notre responsabilité de proposer des solutions écologiques qui permettent une réduction significative de la consommation d’énergie, y compris dans l’habitat résidentiel.
Ces nouveaux matériaux nous donnent une plus grande liberté créative. Il y a quelques années, les murs devaient être si épais que cela empêchait toute fantaisie architecturale. Aujourd’hui certains projets de bâtiments passifs reçoivent même des prix pour leur design, preuve s’il en est, que maîtrise de l’énergie et conception harmonieuse ne sont pas incompatibles pour le grand bonheur des architectes que nous sommes.
Les plastiques ont-ils d’autres applications dans ces constructions ?
Absolument, nous utilisons des matières comme le PVC pour les fenêtres et les portes. Le plastique est l’un des meilleurs matériaux pour limiter les ponts thermiques (points de jonction où la rupture de l’isolation provoque des pertes de chaleur) grâce à son haut pouvoir isolant. La chasse aux ponts thermiques est l’une des clés pour atteindre les fameux 15 kWh/m2/an. Je rappelle qu’un bâtiment classique consomme de 80 à 100 kWh/m2/an.
Le parcours de Stefan Reuther en quelques lignes.
Stefan Reuther s’intéressait aux économies d’énergie dans la construction bien avant que cela ne devienne une préoccupation sociétale. Déjà, en tant qu’étudiant, il a participé au premier projet de construction d’une maison passive en Allemagne. Après plus d’une quinzaine d’années d’expérience dans la réalisation de tels projets, son agence est considérée comme ayant une bonne longueur d’avance dans ce domaine.
Stefan Reuther (âgé de 46 ans) est diplômé de l’Université Technique de Darmstadt. Il est directeur général de l’agence d’architecture Planungsgruppe Drei, qui compte une trentaine de salariés.