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"L’exploration du monde des bioplastiques vient juste de commencer !"

Rencontre avec Philippe Dubois, Vice-Recteur à la Recherche de l’Université de Mons (Belgique) et Directeur scientifique du Centre de recherche MATERIA NOVA.
"L’exploration du monde des bioplastiques vient juste de commencer !"

En 2010, Philippe Dubois, spécialiste des bio-polymères de réputation internationale a été classé 18e au Top 100 mondial des chercheurs en sciences des matériaux (classement sur la décennie 2000-2010 publié par Thomson Reuters).

Le PLA dont vous êtes l’un des spécialistes est surtout connu comme plastique biodégradable. Est-ce un axe de recherches privilégié ? 

Cela fait une vingtaine d’année, en effet que notre laboratoire est impliqué dans la valorisation des bioressources, autrement dit du carbone organique renouvelable, pour produire des matériaux plastiques, et plus particulièrement des dérivés de l’acide polylactique, le PLA. Il est vrai que dans un premier temps, mais dans un temps seulement, notre objectif a été d’exploiter ces composés non seulement pour leur caractère bio-sourcé mais aussi pour leur propriété de biodégradabilité. C’est-à-dire, leur capacité d’élimination, après usage - et j’insiste sur cette condition -  par des voies naturelles, autrement dit, à l’issue d’une biodégradation après rejet dans des eaux usées ou dans un compost. Nous continuons à travailler sur cette thématique mais d’autres voies s’ouvrent à nous aujourd’hui.

En quoi la biodégradabilité présente-t-elle aujourd’hui moins d’intérêt ?

Avec le recul, je pense que l’on a surestimé cette propriété lors du lancement des premiers bioplastiques, il y une quinzaine d’années. L’arrivée sur le marché de produits, comme les sacs poubelles, dont les polymères n’étaient pas optimisés a occulté les autres fonctions que pouvaient remplir les bioplastiques. À tel point d’ailleurs, que, dans l’esprit du public, ils se confondent avec les plastiques biodégradables. Il ne faut certes pas négliger cette propriété mais il convient de savoir que ses applications concernent des produits à faible valeur ajoutée. Parce qu’avec des produits jetables, on vise des utilisations extrêmement limitées dans le temps, de l’ordre d’une journée à un mois, maximum… Alors que les bioplastiques visent, pour la plupart, des applications à durée de vie beaucoup plus longue.

Le PLA n’est donc pas destiné seulement à l’emballage ? 

Son potentiel est infiniment plus étendu ! D’ailleurs, même dans ce domaine, nous n’avons pas encore pris la mesure de ses possibilités. Au-delà des seuls emballages alimentaires, nous pouvons aujourd’hui envisager des applications plus élaborées, comme les plastiques de protection ou les mousses de calage, tout en progressant dans les autres secteurs utilisateurs de plastiques.

 

 

À quelles applications pensez-vous ? 

Je pense, par exemple, aux appareils électroniques comme les caméras, les GSM ou ordinateurs… Je pense également, à l’automobile et aux transports en commun où l’on a besoin évidemment d’applications durables et où les plastiques interviennent de façon de plus en plus significative et très positive. Or dans ces domaines, les bioplastiques peuvent aujourd’hui apporter de réels avantages.

D’une manière générale, je pense qu’il faut maintenant inverser la logique : choisir des secteurs de niche, à forte valeur ajoutée, permettant de démontrer l’intérêt des bioplastiques puis, une fois l’avantage démontré, passer ensuite à des applications à moindre valeur ajoutée.

Cette idée est-elle partagée par l’industrie ? 

Elle progresse à grands pas dans certains secteurs, et ce, malgré les réticences de certains industriels, liées à des premiers tests infructueux sur ce matériau, il y quelques années. Quand des industriels mettent en avant cet argument, j’insiste toujours sur le fait qu’ils auraient eu les mêmes soucis s’ils avaient testé le polypropylène dans les années soixante-dix, soit vingt ans après la découverte de ce polymère…  À cela, j’ajoute qu’il existe aujourd’hui différentes familles de PLA, avec des grades différents et des propriétés physico-chimiques très variées. Dans ces conditions, on ne doit plus parler du PLA mais des PLAs.
Mais l’impatience est telle qu’on veut obtenir en quelques années, avec le PLA ou les autres bioplastiques, des avancées qui ont pris parfois un demi-siècle pour les plastiques conventionnels.

Quelles solutions concrètes proposez-vous pour calmer cette impatience ?   

Nos recherches intéressent tous les échelons de la filière, depuis la production des intermédiaires de synthèse, en amont, jusqu’aux applications des plastiques dans les produits finis des différents secteurs. Nous nous efforçons ainsi de couvrir toute la chaîne de valorisation des bioressources. 

Materia Nova, notre centre de recherche travaille, en interaction étroite avec les entreprises, sur les procédés d’extraction et de transformation des composants de base de ces bioplastiques.

La diversification des bioressources non-alimentaires exploitables à cet égard, notamment les sous-produits de l’agriculture, est l’une des pistes de recherche privilégiée. Le laboratoire de l’Université de Mons, quant à lui, travaille sur toutes les transformations du monomère en différents polymères. Parmi les innovations récentes à son actif, on peut citer un procédé de polymérisation purement organique, sans rejets métalliques, destinés aux applications du polymère dans les secteurs électronique et médical.

Citons également le procédé de catalyse en continu du PLA qui est récemment passé au stade industriel dans le cadre du projet FUTERRO né du partenariat entre Total Petrochemicals et Galactic.

Et s’agissant des plastiques que nous utilisons, que peut-on attendre de vos recherches ? 

Sur ce point, Materia Nova a également réalisé des avancées significatives dans l’optimisation des différents matériaux polymères issus du PLA. Elles permettent d’optimiser certaines propriétés, comme le comportement thermique, la cristallinité ou la résistance mécanique en vue d’applications spécifiques. Par exemple, proposer des plastiques ignifugés pour le transport, la construction. 

Mieux encore, nous sommes aujourd’hui capables de produire des composites 100% PLA aux fonctions variées, en mélangeant au PLA de base, des nanorenforts structurants, eux-mêmes en PLA. Le résultat visé est de doter le matériau de propriétés barrières à l’humidité ou au gaz carbonique.

POUR EN SAVOIR PLUS

www.materianova.be

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