Techno du futur 5 min
De l’impression 3D à la 4D : les polymères font leur révolution
C’est une certitude, les imprimantes 3D sont bien au cœur d’une nouvelle révolution industrielle. Comme il se doit, l’évolution est très rapide et pousse les polymères à se renouveler pour rester dans le bon wagon.
De l’impression 3D à la 4D : les polymères font leur révolution
De l’impression 3D à la 4D : les polymères font leur révolution

Sous pression, les polymères se fabriquent un nouveau futur

Impression mitigée pour les plastiques

Un vrai changement de paradigme s’opère dans les entreprises. Les imprimantes 3D suivent la fameuse loi de Moore, du nom du cofondateur d’Intel qui avait prédit dès les années 1970 que la capacité des ordinateurs doublerait tous les 2 ans. Certes les imprimantes se perfectionnent mais ce n’est pas tout. En effet, de nombreux groupes industriels ont bien compris le potentiel et donc tout le bénéfice qu’ils pourraient tirer en s’intéressant de très près à la fabrication additive. En conséquence, le marché se structure, les start-up grossissent et les investissements pleuvent… Pour les analystes, le marché professionnel devrait doubler en taille environ tous les trois ans. Pour la seule année 2019, il a été multiplié par trois et 2020 s’annonce du même acabit.
Les imprimantes 3D sont capables d’imprimer à partir de nombreux matériaux. Les polymères sont loin d’être les seuls, particulièrement dans le monde industriel où les métaux, la céramique et même le béton (ou encore la pâte à pizza !) trouvent de jolis débouchés. Contrairement aux plastiques destinés aux imprimantes grand public, les polymères ont eu du mal à trouver leur place sur le marché professionnel. La faute au nombre relativement restreint de polymères susceptibles d’être imprimés. Le PLA et l’ABS en ont été longtemps les seuls représentants, et leur rôle se cantonnait au prototypage. Ou presque…

 

Le PLA et l’ABS ont longtemps été les matériaux de prédilection pour les imprimantes 3D, mais leur rôle se cantonnait le plus souvent à celui de prototypage.

Les polymères cherchent à faire de nouveau impression

En retard, les plastiques ? C’était assez vrai, mais les fabricants de polymères se sont rapidement rendus à l’évidence et ont très vite réagi pour ne pas passer à côté de cette révolution. Il faut signaler que, à leur corps défendant, les fabricants de machines n’ont, dans un premier temps, rien fait pour les encourager à trouver de nouveaux développements. En effet, les pratiques commerciales des constructeurs reposaient souvent sur l’utilisation de matériaux propriétaires. En d’autres termes, leurs machines n’étaient compatibles qu’avec les polymères qu’ils vendaient. Et même si certaines marques commercialisaient des matériaux aux caractéristiques variées (durs, mous, translucides, résistants chimiquement, biocompatibles, etc.), ceux-ci se limitaient à une poignée de polymères thermoplastiques. Pour des applications industrielles spécifiques, et plus particulièrement dans les cas de pièces haute performance comme celles que l’on peut trouver dans les automobiles ou les avions, ou même pour des applications moins spécifiques, les professionnels restaient frustrés par le faible choix qui leur était proposé. Et pourtant, la demande était bien là…

Plastiques : la famille se mobilise

Ces dernières années, les choses ont très vite évolué pour les polymères. Si le PLA reste le favori du grand public, la gamme pour les professionnels s’est considérablement étoffée. Le polyétheréthercétone (PEEK), le polyamide, le polycarbonate, l’acrylonitrile styrène acrylate (ASA), le polyphénylsulfone (PPSF/PPSU), le polyéthylène téréphtalate modifié glycol (PETG), le polystyrène, etc. font désormais partie des polymères qui ont trouvé leur place dans les imprimantes. Le polyétherimide par exemple est l’un des chouchous du domaine médical grâce à sa biocompatibilité. Le PEEK et sa fabuleuse résistance aux températures élevées lui permettent d’entrer de plain-pied dans le monde de l’aviation et du spatial. Ce n’est qu’un début, car les constructeurs d’imprimantes perfectionnent également leurs technologies. Ainsi, les plastiques sortent désormais du seul prototypage pour entrer dans la composition de pièces sur mesure.

Selon les spécialistes, ce sera l’un de leurs principaux débouchés dans les années à venir. Premiers secteurs concernés, l’aéronautique et l’automobile, qui installent de plus en plus d’imprimantes dans leurs usines pour produire des pièces en petites séries. Mieux, les dernières générations d’imprimantes permettent l’impression de matériaux composites (voir notre interview d’Alessio Lorusso, le fondateur de Roboze, en cliquant ici). C’est d’ailleurs devenu pour de nombreux centres de recherche un sujet d’étude aussi passionnant que la recherche fondamentale…

 

 

L’arrivée de polymères ultraperformants comme le PEEK a amplifié le succès des imprimantes 3D auprès des industriels. La quatrième révolution industrielle est en marche !

Les médias fondus de polymères

Force est de constater que ce sont les universités américaines qui font le plus parler d’elles. Il faut notamment mettre à leur crédit leur capacité à manier la communication et à « créer le buzz » lorsque leurs recherches débouchent sur des applications bien concrètes. Par exemple, à l’automne 2019, l’université du Maine a dévoilé son imprimante géante capable d’imprimer des objets de 30 mètres de long. Pour démontrer son savoir-faire, elle a filmé la machine en train d’imprimer un bateau de 8 mètres de long. Si l’université a conçu l’imprimante, le matériau utilisé a, quant à lui, été mis au point par le laboratoire national d'Oak Ridge. Il s’agit d’un composite à base de nanofibres de cellulose intégrées à de l’ABS. Ce matériau partiellement biosourcé est très léger, rigide et recyclable.

 

Un bateau de 8 mètres a été dernièrement imprimé en 72 heures dans un polymère composé de nanofibres de cellulose et d’ABS.

D’après leurs inventeurs, les nanofibres utilisées sont plus résistantes que l’acier et plus rigides que le Kevlar. La formulation « verte » permettrait de réduire de 90 % le bilan carbone des produits imprimés. Enfin, et pour en terminer avec ce bateau, il a été imprimé en 72 heures, preuve s’il en est des progrès réalisés par les imprimantes, puisqu’une telle performance n’aurait pas été possible il y encore 5 ans.

 

C’est également à grand renfort de communication que l’université Rice de Boston a réussi à faire parler d’elle ces derniers mois en annonçant que ses chercheurs avaient créé un nouveau polymère imprimable léger comme une plume et solide comme l’acier. Dans les faits, pour avoir ces caractéristiques, ce polymère se doit d’être imprimé en suivant une structure tubulaire.

 

Ce nouveau type de polymère imprimable résiste mieux aux impacts de balles que l’acier.

 

Quant au matériau, on sait simplement qu’il s’agit d’un composite à base de nanotubes de carbone. Pour tester sa solidité, les scientifiques ont imprimé deux cubes : le premier, monobloc très compact et le deuxième, agencé de façon tubulaire. Ils les ont ensuite soumis à un impact de balle de revolver. Le premier cube a été très endommagé tandis que le second a arrêté la balle au niveau de la deuxième couche de composite. Une telle performance s’explique par la composition chimique du matériau et, comme le montre l’expérience, par sa structure tubulaire qui permet à l’objet de se comprimer pour absorber l’énergie cinétique d’un impact. Les applications militaires de ce nouveau matériau semblent évidentes…

 

La roue du futur sera imprimée en même temps que le pneu. C’est du moins la vision de l’équipementier Michelin.

On ne manque pas d’air chez les polymères

Pour rester parmi les leaders mondiaux, il faut innover sans cesse et parfois même oser l’inconcevable. C’est, semble-t-il, l’avis du fabricant français de pneumatiques Michelin, qui présentait il y a peu le premier pneu recyclable entièrement imprimé. Les matériaux sont pour le moins incongrus, puisque ce pneu se compose de bambou, de papier, de bois, de déchets plastiques recyclés et enfin de zestes d’orange.

 

 

 

 « Concept Vision », son petit nom, est un pneu sans air, donc increvable, et constitué d’une structure alvéolaire imprimée. La bande de roulement, elle aussi imprimée en 3D, est interchangeable, il serait possible de la remplacer selon la météo et le type de route empruntée. Une condition cependant, l’avoir préalablement imprimée ou l’avoir fait imprimer dans une station-service équipée d’une imprimante. Ce n’est donc pas pour demain… mais au train où les choses évoluent dans le domaine de l’automobile et de l’impression 3D, cela pourrait aller tout de même assez vite.

La plastronique : quand les plastiques se secouent les puces

La plastronique, cette technologie récente qui permet de mouler de l’électronique dans des pièces plastiques, a depuis peu recours à l’impression. Encore une fois, c’est au Massachusetts Institute of Technology (MIT) que l’on doit cette prouesse technologique. Ses chercheurs ont réussi à imprimer des objets constitués de fibres contenant plusieurs matériaux interconnectés. Le filament se compose d’une structure formée de matériaux conducteurs enrobés d’un revêtement polymère. Outre la nature du filament, ils ont dû concevoir une buse d’impression qui permet de fondre suffisamment le polymère pour qu’il adhère, mais pas trop afin de ne pas dénaturer les parties électroniques. Pour la démonstration, l’équipe du MIT a ainsi imprimé une aile d’avion transparente contenant des composants émetteurs de lumière.

Cette technique devrait trouver ses applications, notamment dans le domaine médical où l’on pourrait imaginer des prothèses idéalement adaptées à l’anatomie du patient et qui intégreraient de l’électronique pour surveiller et contrôler le membre en place. Cette prothèse pourrait également évoluer dans le temps… Ce que certains nomment déjà l’impression 4D.

 

 

Imprimer électronique et polymères en une seule opération est un défi en passe d’être relevé par le MIT.

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