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Jeux olympiques : les polymères de retour dans l’arène
Pas ou peu de public ! Les Jeux olympiques de Tokyo ne resteront pas dans les annales des Jeux les plus festifs. Mais pour les athlètes, le plus important sera toujours la performance et les records. Le matériel sera ainsi soumis une fois de plus à rude épreuve, tout comme les polymères qui le constituent.
Jeux olympiques : les polymères de retour dans l’arène
Jeux olympiques : les polymères de retour dans l’arène

Passage de témoin pour les plastiques recyclés

Parfois critiqués pour leur côté dispendieux, les Jeux olympiques se montrent désormais plus raisonnables. Terminée la folie des grandeurs où de nouvelles infrastructures pharaoniques étaient construites à chaque olympiade. Pour preuve, au Japon, sur les 43 sites, 25 étaient déjà existants, 8 ont été construits pour l’occasion et auront une seconde vie et 10 sont temporaires (surf, vélo sur route, cross-country, etc.).

 

Grâce aux plastiques, les organisateurs ont pu installer des structures légères sur les sites temporaires. La seconde vie de ces structures est déjà prévue !

 

 

Pour ces derniers, des structures légères, facilement démontables ont été choisies pour accueillir le public, les athlètes ainsi que les cérémonies de remise de médailles.
Ces sites, souvent installés en pleine nature, devront retrouver leur état initial après les épreuves.
Différents matériaux sont utilisés, dont, pour beaucoup, le PVC, un matériau résistant, gonflable donc capable de prendre toutes les formes et surtout facilement recyclable. Il en est de même pour les nombreuses tentes (en PVC ou en polyéthylène le plus souvent) qui abriteront du matériel, des buvettes ou encore les jurés sur les sites temporaires.
Pour être certains qu’elles auront une deuxième vie après les JO, les organisateurs ont préféré louer ces structures plutôt que de les acheter.

Les athlètes, porte-drapeaux de l’économie circulaire

Recycler les textiles synthétiques ou concevoir de nouvelles fibres à partir de déchets plastiques notamment marins est l’une des grandes tendances du moment. Le premier équipementier présent aux Jeux à avoir dégainé est le japonais Asics qui dévoilait, il y a plus d’un an, la tenue officielle des athlètes japonais.

© Asics

L’équipementier japonais Asics s’est offert un joli coup de pub en créant les tenues officielles des athlètes japonais à partir de fibres recyclées.

Ces tenues seront vues par des milliards de téléspectateurs puisque portées lors des différentes cérémonies, dont celle de l’inauguration. Les retombées commerciales attendues par le fournisseur étant conséquentes, il est capital que le design de ces tenues soit réussi. Ce à quoi les médias ne se sont pourtant pas vraiment intéressés, préférant se focaliser sur le matériau utilisé. Et pour cause, pour la première fois dans l’histoire des JO, une délégation est entièrement vêtue de tenues confectionnées avec des fibres de polyester recyclées. Le « coup » a été très bien préparé puisque, dès 2018, Asics lançait au Japon une grande campagne de collecte de vêtements de sport usagés et se concentrait sur le recyclage du polyester. Asics annonce avoir travaillé pendant quatre ans pour développer cette collection baptisée « Japonism » dont le design évoque le légendaire soleil levant. L’équipementier ne compte pas s’arrêter là puisqu’il annonce sa volonté de poursuivre le développement de ses nouveaux produits à partir de polymères recyclés et espère être en mesure de produire des chaussures 100% polymères recyclés d’ici 2030.

Les polymères aux marches de la gloire

La durabilité étant un engagement phare de cette olympiade, il ne sera pas rare de voir à Tokyo de nombreuses affiches portant le slogan : « Etre meilleur ensemble pour la planète et pour les hommes. » Une volonté qui se traduit, entre autres, par la conception entièrement en plastiques recyclés des podiums destinés à la remise des médailles. C’est une autre première dans la longue histoire des Jeux olympiques et paralympiques. Pour être certains de marquer les esprits, les organisateurs ont fait appel à Asao Tokolo, un designer japonais de renommée mondiale qui s’est entouré d’une équipe d’universitaires spécialistes des matériaux. L’idée du designer était d’évoquer l’harmonie entre les peuples que permettent des événements comme les JO. Ainsi, il ne s’agit plus des traditionnels trois cubes peints et placés les uns à côté des autres, mais bel et bien d’un ensemble de pièces qui s’assemblent entre elles, un peu comme un puzzle en trois dimensions.

© P&G 

Imaginés par un designer de renom, les podiums de remise des médailles ont été conçus à partir de polymères recyclés.

Lancé dès 2019, le projet de podium en plastiques recyclés a mis à contribution le peuple japonais. En partenariat avec le groupe Procter & Gamble, 2 000 bacs de collecte d’emballages usagés ont été spécifiquement installés un peu partout dans le pays. Au total, 24,5 t de plastiques usagés, soit l’équivalent d’environ 400 000 bouteilles de lessive de 900 g chacune, ont été collectées en neuf mois.

Si les organisateurs des JO de Tokyo affirment être les premiers de l’histoire des Jeux olympiques et paralympiques à s’appuyer sur la participation du public, c’est également un moyen de sensibiliser encore plus la population à l’importance et à l’intérêt du tri des déchets dans un pays qui, cela dit en passant, figure déjà parmi les meilleurs élèves de la planète.

Ces polymères en fin de vie ont ensuite été fondus, teintés puis filés pour alimenter une imprimante 3D. Les podiums ont été imprimés sous la forme de petits cubes de 1,5 kg chacun qui s’assemblent un peu comme des Lego®. Légers, simples à transporter, ils sont très maniables. Au total, 98 podiums ont été fabriqués.

Le comité d'organisation de Tokyo 2020 s’est fixé comme objectif d'utiliser des matériaux recyclés et de réutiliser ou de recycler 99% de tout ce qui aura été conçu spécifiquement pour les Jeux. A l’issue de l’événement, les cubes des podiums seront distribués ou vendus pour être conservés en souvenir, voire exposés par leurs propriétaires. Asao Tokolo espère également que les ambassades présentes à Tokyo les garderont. « Ce genre de choses constitue un héritage, je crois. Je serais heureux si les enfants qui regarderont ces podiums dans cinquante ans se disent que les adultes de cette époque-là ont fait des efforts pour leur laisser une planète propre. » » Et,  pour ceux qui ne trouveraient pas preneur, ils seront à nouveau recyclés pour entrer dans la composition des emballages de Procter et Gamble. La boucle sera ainsi bel et bien bouclée.

Les plastiques font le poids

En 2019, le constructeur automobile Toyota dévoilait l’APM (pour Accessible People Move), une navette électrique qui transportera les athlètes, les officiels et, le cas échéant, les personnes à mobilité réduite du village olympique vers les lieux de compétition. Les organisateurs en sont très fiers. Toyota a mis tout son savoir-faire dans ce véhicule de 5 places capable de rouler une centaine de kilomètres à 19 km/h. Bourrée d’astuces, la navette peut accueillir un fauteuil roulant une fois les sièges arrière repliés. Une rampe d’accès dépliable a même été prévue. Au total, ce seront 200 APM qui circuleront cet été à Tokyo. Certaines seront transformées en mini-ambulances capables de transporter une personne blessée sur une civière ainsi que du personnel médical.

© Toyota

Spécialement développé par Toyota pour les JO, l’APM, ce minivéhicule électrique, est un véritable couteau suisse.

Pour réaliser de telles prouesses, il fallait concevoir ce véhicule dans un matériau léger, facilement moulable et surtout robuste. Lequel ou lesquels ? Toyota garde le secret, mais il est plus que probable que les polymères soient de la partie car cette navette dispose d’une carrosserie complètement ouverte des deux côtés (sans portes ni fenêtres), l’intérieur devant donc résister aux pluies torrentielles, fréquentes l’été à Tokyo.

L’autonomie très respectable de l’ATM est très certainement liée à son poids que nous imaginons très faible. D’autres constructeurs ont choisi de fabriquer des véhicules de ce type à partir d’un châssis en aluminium sur lequel viennent se greffer des éléments de carrosserie en composites (une fibre de verre, par exemple, et une résine époxy) ou éventuellement un polyester renforcé par de la fibre de verre.

Ces quelques exemples montrent que les organisateurs des JO de Tokyo sont en passe de gagner leur pari des Jeux olympiques les plus « durables » de l’histoire. Bien que parfois montrés du doigt, les plastiques ont une part non négligeable dans le succès de cette entreprise, d’autant plus que des bacs destinés à la collecte des déchets recyclables (plastiques, papier, aluminium, etc.) seront répartis sur tous les sites olympiques.

Tokyo espère bien que les organisateurs des prochains JO tiendront compte des innovations environnementales développées lors de cette olympiade. La barre est haute, et Paris, l’hôte de 2024, planche sur le sujet depuis plusieurs années. Une chose est d’ores et déjà certaine, les polymères qui ne cessent de gagner en performances techniques et en durabilité, seront des partenaires incontournables de la réussite.

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