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Les plastiques agitent le design
Le design est un processus intellectuel et créatif dont l’objectif est de créer un objet situé à la croisée de l’art et de la technique. Il se caractérise par sa faculté à se réinventer à chaque époque en suivant les évolutions de la société, des technologies et bien entendu des matériaux. L’arrivée en masse des polymères a changé à jamais la donne pour les designers.
Les plastiques agitent le design
Les plastiques agitent le design

Mission impossible sans les plastiques

Des centaines de polymères pour répondre à l'appel

 

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Pour le profane, le plastique, c’est du plastique… Et pourtant, il existe des centaines de variétés de plastiques aux caractéristiques bien différentes. Sans entrer dans les détails, il faut savoir que ces polymères se répartissent en trois familles principales : les thermoplastiques moulés à chaud (polyester thermoplastique, polyphénylène oxyde, ABS, polyamide, polyacétal, polycarbonate, etc.) ; les thermodurcissables qui prennent leur forme à froid (mélamine, époxydes, polyester insaturé, etc.)

et enfin les élastomères capables de subir de grandes déformations et de reprendre ensuite leur forme initiale (polyuréthane, polyisoprène, polybutadiène, etc.). On conçoit aisément combien il est difficile de s’y retrouver pour un designer. A mi-chemin entre ingénieur et artiste, ils interviennent généralement à partir d’un cahier des charges.

Leur travail consiste à élaborer une forme qui fait la synthèse du projet en tenant compte des contraintes techniques, économiques, ergonomiques et fonctionnelles. Et dans bien des cas, la résolution de cette équation complexe passe par le choix des matériaux.

L'emballage comme outil de séduction

Il y eut la bouteille de Coca-Cola designée par Raymond Loewy… puis il fallut attendre plusieurs décennies pour voir le marketing s’emparer du design des contenants et en faire une arme stratégique qui sera baptisée packaging. Jusqu’aux années 1960, ces emballages étaient en verre et leur « travail » nécessitait des investissements jugés trop lourds. Le secteur de l’emballage préféra attendre que les catalogues des fabricants de polymères se garnissent et que les systèmes de moulage se perfectionnent. Dans les faits, c’est le producteur d’huile Lesieur qui allait mettre sur le marché, en 1962, sa fameuse bouteille en PVC. Une première mondiale ! Cette même marque innovera encore en 1985 en équipant sa bouteille d’un bec verseur. Aujourd’hui l’emballage est le premier débouché des matières plastiques.

 

 

 

Le bouchon : tout sauf banal

 

 

Les plus belles innovations techniques, c’est aux bouchons et plus particulièrement au polypropylène qu’on les doit. Certains sont munis d’un bec verseur et d’une charnière quasiment incassable. Si tout cela semble bien banal aujourd’hui, on n’imagine pas à quel point les designers et les ingénieurs se sont penchés sur leur conception. D’ailleurs leur utilisation ne se limite pas aux seuls liquides alimentaires. L’industrie cosmétique s’en est aussi emparée.

Quand on connaît le poids du marketing dans ce secteur, on imagine sans problème que ces bouchons constituent un véritable « plus produit ».

Enfin, quel plus bel exemple de mariage réussi entre la technologie et le design que celui des bouchons de sécurité ? Munis d’une bague dite d’inviolabilité, ces bouchons sont destinés à interdire l’accès des produits toxiques et pharmaceutiques aux enfants. Ils ne s’ouvrent que si on les presse et tourne simultanément.

Le principe en est simple : une bague située à l’intérieur du bouchon vient se bloquer sur le pas de vis du goulot. Exercer une pression sur le bouchon permet à la bague de s’écarter. D’une grande simplicité, certes, mais qui a nécessité de nombreuses études pour trouver la bonne pression à exercer. Toute l’astuce a consisté à jouer sur l’épaisseur de la bague. Heureusement, le polypropylène est un polymère qui autorise tous les moulages, y compris les plus fins.

 

 

 

 

Bic invente l'usage unique

 

 

Lorsque, en 1950 Marcel Bich met sur le marché le premier stylo jetable, il est loin de s’imaginer le retentissement que son invention va avoir. Soixante ans plus tard, cent milliards de stylos sont vendus de par le monde. Ce stylo va même faire l’objet d’études sociologiques comme celle d’Umberto Eco qui affirme que le Bic cristal est « l’unique exemple du socialisme réalisé. Il annule tout droit à la propriété et toute distinction sociale ».

Avec seulement 5,8 g, ce stylo a toutes les qualités. Son corps rigide transparent réalisé en polystyrène permet d’un simple coup d’œil de voir le niveau d’encre, laquelle est injectée dans un tube lui aussi transparent réalisé en polypropylène. La forme hexagonale de ce stylo lui assure une bonne préhension. Quant au capuchon, il est aussi en polypropylène, un polymère assez souple pour épouser la forme du corps du stylo et ainsi garantir une parfaite étanchéité. Enfin, dernier détail, le bouchon est percé afin de minimiser les risques d'asphyxie en cas d’ingurgitation.

Vingt-cinq ans après son succès, l’entreprise Bic révolutionne de nouveau notre mode de consommation en s’attaquant au rasoir. Voici le premier rasoir jetable baptisé tout simplement « rasoir Bic ». Le pari n’est pas gagné d’avance car nous sommes encore dans une période où les hommes utilisent le même rasoir pendant plusieurs années, ne changeant que la lame lorsqu’elle est usée.

Pour réussir, Bic choisit la simplicité : un corps en plastique moulé sur lequel est fixée une lame en métal. C’est encore une fois le polystyrène qui est sélectionné. Un polymère facilement moulable, rigide, sec au toucher et très peu onéreux. Pour aller encore plus loin, les générations suivantes voient leur corps se creuser pour gagner en légèreté et en finesse. Aujourd’hui, le rasoir Bic reste l’un des rasoirs les plus vendus au monde et il est certainement celui qui bénéficie du meilleur rapport qualité/prix.

 

 

Un nouveau polymère pour la bagagerie

C’est grâce à l’innovation que le bagagiste Samsonite a renoué avec les bénéfices. Le responsable de ce retournement de situation est le process Curv® mis au point à la fin des années 2000. Une technologie qui consiste dans un premier temps à étirer jusqu’à quinze fois des bandes de polypropylène afin de les rendre incroyablement fines et résistantes pour ensuite les tisser. Cette technique donne lieu à un nouveau matériau ultraléger et ultrarésistant : le Curv®. Les bagages réalisés dans ce matériau offrent dix fois plus de résistance qu’une valise classique en polycarbonate et cinq fois plus qu’une valise à base de granulés de polypropylène fondu. Recyclable, ce polymère d’un genre nouveau est d’une très faible densité. Un bagage de 55 l ne pèse que 1,8 kg contre plus de 3 kg pour un modèle en polycarbonate classique… Un record à battre et un encouragement à l’innovation !

 

 

Stefano Giovanni dépoussière le balai

Il fallait oser s’attaquer au balai, ustensile d’une banalité affligeante qu’on pensait figé dans le temps. Pourtant, le designer Stefano Giovanni l’a fait et il lui a même donné un nom : le Mago. Giovanni commence par allonger la longueur du manche. Seul problème, en utilisant les matériaux traditionnels, ce balai aurait été bien trop lourd. Il choisit donc d’utiliser pour ce manche un polypropylène qui, grâce à la technologie d’injection assistée de gaz, a l’avantage d’être creux.

Le résultat est époustouflant puisque le balai pèse seulement 1,1 kg. Et, pour enfoncer le clou, cet objet de tous les jours a un aspect satiné qui le rend résolument beau et lui assure une très bonne préhension. Enfin, les soies sont d’un polyester d’une grande finesse offrant un bon balayage et une rigidité qui permet au balai de tenir debout tout seul. Bien sûr, il se décline dans toutes les couleurs possibles et imaginables.

 

 

Car, sweet car

Il n’aura fallu que quelques années aux plastiques pour s’imposer à l’intérieur de nos voitures. Pour les ingénieurs, les plastiques ont une qualité essentielle : celle de réduire les poids et donc la consommation. Les designers y voient quant à eux un moyen de créer des tableaux de bord aux formes variées, aux touchers soyeux, lisses, agréables où le conducteur se sentira à son aise. Dans ce domaine, tout est pris en compte, jusqu’au moindre petit « clic » que l’on entend lorsque l’on actionne un bouton. Mais le plus extraordinaire concerne les sièges qui du point de vue du design, doivent immédiatement inspirer confiance, sécurité et confort. C’est le rôle principal des mousses de polyuréthane qui sont assez rigides pour garantir un bon maintien et assez souples pour que l’on se sente comme dans son salon.

 

 

Dans un très proche avenir, le métal qui constitue encore la carcasse d’un siège devrait laisser la place aux polymères. Une révolution due aux nouvelles techniques de plasturgie, et plus particulièrement aux composites à fibres continues et à leurs nouveaux procédés de transformation. Ces sièges devraient peser environ 20 % de moins qu’un siège automobile classique et s’aminciraient d’environ 30 mm, un atout important pour l’allégement du véhicule. Quant aux designers, ils vont pouvoir s’appuyer sur leur talent pour « travailler » la sensation d’espace si chère aux automobilistes. Pour mémoire, une voiture des années 1960 contenait environ 10 kg de matières plastiques ; aujourd’hui, plus de 200 kg !

Sans les plastiques, l'espace resterait un monde inaccessible

Sans les polymères, la conquête spatiale et notamment les premiers pas sur la Lune auraient été une tout autre aventure et peut-être même une aventure impossible. En effet, dès les premiers vols spatiaux, dans les années 1960, les fabricants de scaphandres se sont tournés vers les industriels des plastiques pour concevoir les combinaisons. Le cahier des charges était des plus exigeants car il y allait de la survie des astronautes. Dans l’espace, les contraintes sont énormes, il peut y faire tour à tour très froid puis très chaud, on peut être bombardé de micrométéorites ou de rayons cosmiques à très fort niveau énergétique… Bref, la vie est loin d’y être de tout repos et pour un maximum de protection, les matériaux de la combinaison sont choisis pour garantir à l’astronaute une parfaite isolation d’avec le monde extérieur et prévenir la formation de moisissures ou la croissance d’éventuelles bactéries.

 

La liste des fibres entrant dans sa composition est un véritable catalogue : du Kevlar, connu pour être à l’épreuve des balles, du Normex pour assurer une bonne protection mécanique, du Nylon pour sa souplesse, du Dacron pour sa rigidité, etc.
Le casque est constitué de plusieurs éléments. Une coque en fibre de verre qui offre un champ de vision sans aucune obstruction. La transparence de la visière est garantie par l’utilisation de polycarbonate, un polymère qui remplace avantageusement le verre car il est plus solide et très résistant y compris à l'impact. Le polycarbonate utilisé est colaminé d’un polysulfone pour garantir à son tour une résistance jusqu’à des températures de l’ordre de 200°. Enfin, pour mieux réverbérer la lumière et la chaleur, la visière est enduite d’un dépôt de film d’or de moins d’un nanomètre d’épaisseur.

Plastiques et Design

Retrouvez encore plus d’informations notamment sur les propriétés des polymères et leurs usages dans l’excellent livre de Richard Thommeret, Plastiques et Design, Editions Eyrolles, 2013.

 

 

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