Poppy : le robot téléchargeable et imprimable
Pouvez-vous nous parler de l'Inria Flowers Team ?
Il s’agit d’un centre de recherches dédié aux sciences et technologies du numérique. Notre laboratoire est spécialisé en robotique développementale. Nous avons deux axes de recherches principaux : la reproduction du mouvement humain et le développement d’algorithmes qui rendront les robots plus intelligents, en aiguisant leur sens de la curiosité, par exemple. Autrement dit, il s’agit de leur apprendre à découvrir leur environnement de façon autonome, comme un très jeune enfant. Nous espérons qu’un jour, ils seront capables d’analyser une situation et donc d’adopter la meilleure attitude en fonction de celle-ci. C’est un premier pas vers des robots disposant d’une plus grande adéquation avec leur environnement social.
Comment est né le projet Poppy ?
C’est un projet très récent. Il y a deux ans, l’un des doctorants travaillait sur une thèse ayant trait à la marche robotique. Il analysait tout ce qui se passe dans un corps humain lorsque celui-ci se déplace. Son objectif était de reproduire ce processus sur un robot. Et ce robot, ce fut Poppy ! A peine né, Poppy avait déjà certaines particularités, notamment les jambes incurvées. Ce qui n’est pas un hasard vu que, aussi étonnant que cela puisse paraître, les jambes de Poppy sont ce qui se rapproche le plus des jambes d’un humain.
Les différents éléments de Poppy sont fabriqués à partir d'une imprimante 3D. Le concept est assez novueau. Est-il réellement révolutionnaire ?
La conception assistée par ordinateur n’a rien de nouveau, je le concède. En revanche, travailler sur un concept de robot qui puisse être fabriqué à partir d’une imprimante 3D est réellement novateur. Nous avons choisi cette option pour différentes raisons. Bien sûr, le volet financier est important. Cette technique est très satisfaisante et permet de former des pièces en s’affranchissant des moules, complexes et coûteux. Ce faible coût de production nous autorise à tester et à considérer le corps comme une variable expérimentale. Nous pouvons explorer librement différentes morphologies sans se dire que nous venons de jeter par la fenêtre des milliers d’euros. Enfin, le dernier intérêt, et non des moindres, est de pouvoir mettre nos plans à la disposition de quiconque. Libre à ceux qui le souhaitent de les télécharger et de les imprimer.
Quel type de plastique utilisez-vous ?
Il s’agit d’un polyamide. Ce matériau est réellement parfait. Les pièces sorties des imprimantes sont d’une finesse incroyable. Nous travaillons au micron près et je dois dire que les cotes sont parfaitement respectées. De plus, ce plastique a une rigidité très satisfaisante pour l’usage auquel nous le destinons. Il garde ce petit plus de souplesse qui nous permet de parfaitement l’ajuster sans pour autant le torturer.
Nous utilisons aussi du PLA (acide polyactique). L’impression 3D de ce type de polymère n’est pas aussi fine que celle que nous obtenons avec le polyamide. Toutefois, le coût du process est près de quarante fois moins onéreux. Il a donc notre préférence quand il s’agit de tester telle ou telle pièce. Une fois le choix effectué, nous utilisons bien plus volontiers du polyamide.
Quel est le coût de fabrication d'un Poppy ?
Il faut compter globalement autour de 7 500 euros. Ce sont les moteurs qui se taillent la part du lion, car ils coûtent 5 500 euros. Pour fonctionner, Poppy a besoin de vingt-cinq moteurs… Toutefois, nous cherchons d’autres moteurs pour faire baisser le coût mais, jusqu’à présent, nous n’avons rien trouvé de concluant.
Poppy est avant tout destiné à la recherche. Est-ce pour le faire évoluer que vous avez décidé de le rendre accessible à tous via une plate-forme de téléchargement sur internet ?
Exactement, et déjà de nombreux laboratoires à travers le monde se sont accaparé Poppy pour travailler sur leurs propres projets. Par exemple, une équipe de Bristol souhaite rendre les mains de Poppy beaucoup plus fonctionnelles. Nous aurons bien évidemment accès à leurs recherches et surtout à leurs résultats. Petit à petit, notre robot s’améliore grâce à la participation du plus grand nombre. Poppy n’est qu’une base, libre à chacun de le perfectionner !
Pensez-vous qu'il sera un jour accessible au grand public ?
Mais il l’est déjà ! Malgré notre jeunesse, nous sommes déjà contactés par des industriels qui envisagent de le commercialiser. Nous en sommes encore très loin. Cependant, nous savons que le robot a été construit dans différentes écoles et lycées, l’objectif pour les professeurs étant de montrer à leurs élèves comment fonctionne un robot. Et puis, avouons-le, cela reste très ludique. Nous savons qu’une troupe de danseurs s’y intéresse également. En attendant, Poppy reste avant tout cantonné à la recherche et ce n’est déjà pas si mal…
Comment voyez-vous l'avenir des robots de type humanoïde ?
Le laquais, ce n’est pas pour demain. Les robots humanoïdes sont de superbes outils de recherches. Ils permettent à la fois de s’interroger sur des problématiques robotiques complexes comme l’équilibre, la locomotion et l’interaction sociale et physique mais aussi comme moyens pour mieux comprendre l’homme. Ainsi, certains chercheurs en sciences humaines peuvent valider leurs théories en procédant à des expériences sur des robots humanoïdes. Evidemment, on pense aussi à des applications plus proches du quotidien comme l’assistance aux personnes handicapées ou l’intervention en milieux difficiles. Pour cela, la recherche est encore nécessaire et on espère que Poppy sera l’un des outils qui l’aideront à avancer.
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