En direct du small bang
Ascenseur pour les nanos
En matière de nanotechnologies on distingue approche descendante et approche ascendante. La première, appelée top-down, est basée sur la miniaturisation, à partir de blocs de matière que l’on divise autant de fois que nécessaire pour arriver à un objet de taille nanométrique. Pour cela, on utilise des techniques dérivées des procédés lithographiques utilisés en microélectronique pour la fabrication des circuits imprimés
L’autre approche, dite bottom-up, est basée sur l’auto-assemblage d’atomes ou de molécules, semblable aux processus à l’œuvre dans la nature. Cette chimie supramoléculaire a ses architectes qui, en manipulant les blocs élémentaires de matière dans l’infiniment petit, créent des polymères nanostructurés.
Des combinaisons gagnantes avec les polymères hybrides
Pour obtenir un copolymère, on associe des monomères différents mais jamais des polymères différents. À quelques exceptions près, en effet, la plupart sont non miscibles à l’échelle moléculaire. Pas question donc de les mélanger simplement. Sinon ils s’organisent en réseaux hétérogènes… Dans un conglomérat aux qualités moindres que les polymères d’origine.
Depuis une vingtaine d’années, des alliages sont néanmoins possibles entre polymères de nature différente… Appelés copolymères à blocs, ils sont obtenus en exploitant certaines liaisons covalentes présentes dans les chaines moléculaires comme des points d’ancrage autour desquels, par exemple, un polymère peut se greffer sur un autre ou encore plusieurs polymères peuvent se restructurer sans perdre leurs propriétés.
La société Arkema a développé plusieurs copolymères hybrides de ce type comme la gamme des matériaux Apolhya, obtenue en greffant en continu, par extrusion réactive, un polyamide sur la chaîne d’une polyoléfine. Cette nanostructuration permet de renforcer les performances mécaniques du plastique au-dessus de 150°C, température limite de la plupart des polyoléfines. Elle améliore aussi sa transparence mais, surtout, le rend compatible avec d’autres polyoléfines ou polyamides.
Autres copolymères nanostructurés, les Nanostrength combinent quant à eux deux blocs rigides de polyméthacrylate (PMMA) autour d’un bloc central souple de polybutylacrylate. En jouant sur la proportion de l’un ou l’autre de ces composants dans les chaînes du polymère hybride, on peut combiner leurs propriétés respectives.
Quand le carbone joue en solo
On connaît l’affinité du carbone avec de nombreux éléments, à l’origine des innombrables composés organiques présents dans les polymères naturels ou synthétiques. Pourtant, s’il joue un rôle essentiel, en équipe, pour réaliser ces combinaisons, le numéro 6 du tableau des éléments excelle aussi en solo, à l’échelle nanométrique.
Outre les particules de noir de carbone, abondantes dans les caoutchoucs ou les encres, et celles, plus rares, de diamants, utilisées pour optimiser les radiothérapies anti-tumorales, le carbone dérivé du graphite de nos crayons est à la base de trois nanomatériaux à haut potentiel.
Premier par ordre d’apparition, les fullerènes suscitent un intérêt croissant depuis leur découverte, en 1985, par trois futurs Nobel, Harold Kroto, Robert Curl et Richard Smalley.
Leur structure sphérique constituée d’un maillage hexagonal de 60 atomes de carbone offre autant de solides points d’ancrage sur lesquels greffer des polymères très résistants ou doués de propriétés magnétiques, optiques et surtout électriques qui, actuellement, ouvrent la voie à des panneaux photovoltaïques « tout plastique » moins couteux et plus performants.
Le grand succès des nanotubes
Le même type de maillage est à l’origine des nanotubes de carbone organisés en cylindres simples ou emboîtés, fermés à chaque extrémité par des coupoles semblables à celle des fullerènes. Depuis leur découverte en 1991, par le japonais Sumio Iijima et celle surtout de leurs extraordinaires performances mécaniques et électriques, ces nanomatériaux rencontrent un succès croissant, en raison notamment de leurs propriétés électriques.
Elles varient en effet selon l’orientation des mailles, le type d’enroulement, le nombre de couches. Certains nanotubes sont isolants, d'autres semi-conducteurs, d'autres encore conducteurs métalliques. Ce qui permet, entre autres intérêts, de remplacer le noir de carbone, dans des proportions infiniment moindres, pour fabriquer des plastiques et des peintures antistatiques exposés aux risques d'inflammation.
Côté résistance, leur palmarès n’est pas moins impressionnant : six fois plus légers que l’acier, ils sont dix fois plus solide mais avec une élasticité bien supérieure. Ce qui en fait un renfort très prisé pour de nombreuses matrices polymères, dans les équipements à structure composite comme les cadres de vélos, les carrosseries haut-de-gamme et de plus en plus, les pièces aéronautiques.
Un surdoué pour les nanocomposites du futur
Dernier né de la famille, en 2004, grâce aux travaux de deux futurs Nobel (2010), André Geim et Konstantin Novoselov, le graphène nourrit quant à lui les ambitions les plus folles. Avec sa structure en « nid d’abeilles » d’un atome d’épaisseur, il est le matériau le plus mince… Et le champion des superlatifs : 200 fois plus résistant que l’acier, supraconducteur plus performant que le cuivre, matériau le plus transparent et le plus imperméable, au liquide comme au gaz...
Compte tenu de ses propriétés, le graphène apparaît comme le meilleur candidat pour remplacer le silicium ou produire des nanocomposites adaptés à toutes les applications où la transparence et la résistance sont requises : des écrans flexibles ultra-minces, des emballages et des optiques équipés de circuits électroniques ou des vitrages ultrarésistants…