Au quotidien 8 min
Sécurité routière : les plastiques taillent la route
Affirmer que les plastiques utilisés dans les véhicules le sont à des seules fins d’allègement est un raccourci bien rapide… Les polymères contribuent également à la sécurité des automobilistes et des autres usagers de la route.
Sécurité routière : les plastiques taillent la route
Sécurité routière : les plastiques taillent la route

Véhicules : les polymères tiennent le choc

En matière de sécurité routière, on distingue la sécurité active de la sécurité passive. L’une ne va pas sans l’autre. La première a pour objectif d’éviter les accidents, la seconde, d’en limiter les conséquences pour les occupants des véhicules. Aujourd’hui, la sécurité active est en grande partie assurée par l’électronique dont sont bardés les véhicules modernes : systèmes de freinage ABS, radars, dispositifs de freinage d’urgence ou d’évitement de franchissement de ligne et même, sur les véhicules haut de gamme, systèmes de télédétection par infrarouge, appelés Lidar. Bien qu’efficaces et ayant contribué à la baisse significative du nombre de tués ou de blessés sur les routes, ces dispositifs ne sont pas une « assurance vie ».

Si les polymères ont leur rôle à jouer dans l’électronique, on les retrouve aussi dans les pneus, qui pour la plupart sont renforcés par des fibres textiles en polyester ou en polyamide ainsi que par différentes résines dites plastifiantes, toutes ces matières permettent de conférer aux pneumatiques des propriétés exceptionnelles de performance et de durabilité.

© Ambiguous

Le caoutchouc naturel entre toujours dans la composition des pneumatiques. Il est cependant mélangé avec des polymères synthétiques dont les formules sont gardées secrètes. Il est renforcé par des fibres métalliques et textiles en polyester ou en polyamide

Autre exemple emblématique, les balais d’essuie-glaces qui sont en élastomères, des polymères très souples. Ils vont bien épouser la forme du pare-brise et assurer une fonction essuyage optimale pour une visibilité maximale. Ils résistent mieux que le caoutchouc naturel aux rayons UV et se dégradent ainsi moins rapidement.
Tout aussi primordiale, la sécurité passive fait l’objet de toutes les attentions des constructeurs et, le moins que l’on puisse dire, c’est que les polymères y occupent une place de choix pour leurs capacités à amortir les chocs.

Effet accordéon, les plastiques connaissent leur partition

Jusqu’aux années 1940, les voitures sont conçues autour d’un lourd châssis métallique constitué de barres d’acier sur lesquelles sont posés les éléments de carrosserie, le moteur, les roues et l’habitacle. C’est du costaud, et le véhicule peut facilement résister à des chocs à moyenne vitesse. Ce n’est hélas pas toujours vrai pour les occupants. Il faut un peu de temps aux ingénieurs pour comprendre pourquoi certains ne survivent pas à un accident alors que la voiture est à peine déformée. On connaît désormais l’explication et elle est assez simple : une voiture rigide n’absorbe pas les chocs et la très puissante énergie qu’ils génèrent est immédiatement transmise dans l’habitacle. Parties molles s’il en est, ce sont les occupants qui l’encaissent et l’issue est souvent fatale…

© Sovxx

Depuis les années 1950, les constructeurs ont abandonné le traditionnel châssis au profit d’une structure monocoque qui se déforme graduellement en cas de choc, faisant ainsi office d’amortisseur

Il faut donc rendre les véhicules plus déformables, absorbant ainsi l’énergie. Pour ce faire, dès les années 1950, les constructeurs abandonnent peu à peu le traditionnel châssis pour une structure dite monocoque, encore nommée châssis-coque, une sorte de cage constituée des éléments de carrosserie et du plancher. En acier, cette structure est conçue pour se déformer en cas de choc avant ou arrière et laisser intact l’habitacle que certains qualifient de cellule de survie. C’est ce que l’on appelle l’effet accordéon ! Un véhicule moderne est conçu pour se déformer progressivement. Selon l’intensité du choc, ce sont en premier lieu les pare-chocs qui l’amortiront, puis viendra le châssis qui se déformera en des endroits précis pour éviter que le moteur ne termine sa course sur les genoux des passagers situés à l’avant, ou encore que la colonne de direction ne vienne fracturer le crâne du conducteur. Même chose pour le capot qui plie et est éjecté vers le haut pour prévenir tout effet guillotine. L’objectif de ces nombreuses avancées technologiques est de « sanctuariser » l’habitacle, qui doit rester rigide pour protéger les occupants. Certaines voitures de sport ou très haut de gamme sont d’ailleurs dotées d’une cellule de survie en matériau composite carbone/époxy, connu sous le nom de polymère à renfort fibre de carbone (CFRP), un matériau bien plus léger et rigide que l’acier, complexe à mettre en forme et surtout plus onéreux. Exception qui confirme la règle, BMW sortait en 2013 son I3, le premier véhicule électrique de sa gamme équipé d’une cellule partiellement en PRFC. Ce véhicule fut tout de même produit à 250 000 exemplaires, mais son prix n’avait rien à voir avec les modèles concurrents comparables en taille et en puissance…
Si les véhicules sont plus sûrs aujourd’hui, ils le doivent en partie aux polymères, des matériaux assez souples pour amortir les chocs mais également les irrégularités des routes.

Pare-chocs : la levée de boucliers des polymères

A l’origine, les pare-chocs ne sont ni plus ni moins qu’une barre de métal. Ils n’ont qu’une seule fonction : celle de protéger les éléments de carrosserie. Protection efficace, certes, à condition que les chocs ne soient pas trop violents… Mais leur rigidité est telle qu’ils peuvent causer d’importants dommages tant aux occupants du véhicule qu’aux piétons ou aux cyclistes. Ils perdurent pourtant plus de 70 ans… Jusqu’aux années 1960 exactement, où le géant américain General Motors se penche sur les plastiques pour concevoir les pare-chocs de ses véhicules. Deux raisons à cela : facilement moulables, ils ouvrent la porte à de nombreux design et, surtout, leur souplesse constitue pour les ingénieurs de GM un atout de premier choix pour mieux amortir les chocs.
Autre avantage, en cas de collision à petite vitesse, ils ne cassent pas et reprennent leur forme originelle après déformation. Le premier véhicule au monde à être équipé d’un tel accessoire est la luxueuse Pontiac GTO sortie en 1968. Son pare-chocs avant est fabriqué à partir d’un polymère baptisé Endura par General Motors.

© Crwpitman

La Pontiac GTO est la première voiture au monde à recevoir un pare-chocs en plastique. Celui-ci est à base d’un polymère baptisé Endura par General Motors.

Reste à convaincre les futurs propriétaires habitués aux barres chromées qui font encore fureur… Le patron de la marque n’hésite pas alors à se mettre en scène dans une publicité, frappant ce pare-chocs avec une masse pour montrer sa résistance. La voie est défrichée, et peu à peu tous les constructeurs vont remiser le métal au profit des polymères.

En Europe, c’est Renault qui les inaugurent en 1972 sur sa toute nouvelle R5. Contrairement aux Américains, le constructeur préfère utiliser des fibres de verre imprégnées de résine polyester. Il s’agit là de la toute première voiture populaire produite en très grande série à opter pour des pare-chocs en plastique. Renault doit même construire de toutes pièces une unité destinée au moulage en série de cet élément, ce qui est en soi une innovation de taille.

En 1980, face à la mondialisation galopante, les principaux constructeurs de la planète signent un accord pour l’homologation des véhicules sur les marchés européen et nord-américain (qui sont encore les deux principaux marchés mondiaux). Cet accord stipule que les pare-chocs, que l’on nomme désormais boucliers, doivent être en mesure d’absorber de l’énergie selon une norme nouvellement développée. C’est ainsi que les polymères se généralisent, car eux seuls sont capables de satisfaire ce règlement, lequel se durcit encore en 2009 avec l’intégration de mesures de protection des piétons, mesures qui interdisent, par exemple, les angles saillants. Ce n’est évidemment pas un problème pour les polymères, qui sont capables d’épouser par moulage toutes les formes.

Aujourd’hui, les boucliers sont principalement constitués de polypropylène, de polycarbonate (PC) et d’acrylonitrile butadiène styrène (ABS), des polymères ultra-résistants. Viennent s’y intégrer des blocs de mousse le plus souvent de polypropylène expansé (PPE), un matériau qui allie la légèreté et une capacité d’absorption hors pair. En se déformant progressivement, ces mousses participent activement à l’effet accordéon attendu.

© shutterstock_1699083907

La facilité de moulage des polymères comme le PP, le polycarbonate ou l’ABS permet aux boucliers d’être partie intégrante du design. Une seule contrainte, éviter les angles saillants pour protéger les piétons.

C’est d’ailleurs ce même matériau que l’on peut également trouver dans les sièges, les sièges enfants, les appui-têtes et les portières. En effet, si la cellule de survie doit rester le plus rigide possible pour ne pas se déformer lors de l’impact, ce n’est pas le cas pour le mobilier comme les sièges qui, en plus d’être confortables, doivent être suffisamment souples pour absorber le surplus d’énergie généré par le choc. C’est particulièrement vrai lorsque celui-ci provient de l’arrière, et que les occupants d’un véhicule sont projetés vers les dossiers et les appui-têtes de leur fauteuil.

Tableaux de bord et pare-brises : l’action d’éclat des plastiques

Si le PPE (polypropylène expansé) vient garnir de façon invisible de nombreux éléments, d’autres ne se cachent pas. C’est le cas des tableaux de bord qui sont, à eux seuls, un véritable catalogue de polymères : polypropylène (PP), acrylonitrile butadiène styrène (ABS), polychlorure de vinyle (PVC)… Choisis pour leur faible poids et pour leur facilité à prendre toutes les formes, couleurs et textures, ces éléments ont avant tout le principal mérite de ne pas éclater, de ne pas se fragmenter, de ne pas voler en éclat sous l’effet d’un choc, même violent, et ainsi, de ne jamais blesser les passagers du véhicule.

 

L’intérieur des véhicules est un florilège de polymères. Plusieurs raisons à cela : ils sont légers, prennent de jolies textures et surtout n’éclatent pas en cas de choc, protégeant ainsi les occupants

 C’est pour la même raison que les pare-brises sont aujourd’hui en verre dit feuilleté. Ils sont constitués d’un invisible film plastique (le plus souvent du polybutyral de vinyle) pris en sandwich entre deux plaques de verre. En cas d’explosion, le verre reste collé au film, il n’est pas projeté dans le véhicule et ne risque pas de couper gravement les passagers.

Airbags : l’affaire est dans le sac pour les polymères

La plus grande innovation en termes de sécurité routière de ces dernières décennies est bien cachée ! Il s’agit de l’airbag, ce coussin en polyamide 6-6, mieux connu sous son nom de marque, le Nylon, qui se gonfle en quelques microsecondes après un choc. Bien qu’ils ne soient pas obligatoires dans tous les pays, les coussins gonflables sont aujourd’hui présents dans tous les recoins des véhicules. On peut en compter une douzaine selon les modèles : volant, tableau de bord, portières, pavillon de toit, etc. L’invention n’est pourtant pas nouvelle.

© shutterstock_2054587511

Pas moins d’une douzaine d’airbags, des sacs en polyamide 6-6, équipent les véhicules haut de gamme. Ils protègent ainsi tous les passagers, à l’avant comme à l’arrière.

Ce sont de nouveau les constructeurs américains qui le développent dans les années 1950. Au départ, l’idée est de se passer des ceintures de sécurité qui sont alors de simples ceintures ventrales peu pratiques. Déjà en polyamide, les premiers airbags sont installés sur une flotte de Chevrolet, mais le succès n’est pas au rendez-vous.

 Il faut attendre les années 1980 pour que l’invention soit reprise et perfectionnée par l’allemand Mercedes pour ses modèles de grand luxe. L’airbag a sans conteste sauvé des milliers de vies. Une condition cependant  – c’est là le pied de nez de l’histoire –, avoir bouclé sa ceinture de sécurité.

Jamais sans ma ceinture

On le sait peu mais un airbag associé à la ceinture de sécurité a un fonctionnement extrêmement étudié. Un airbag n’est pas un simple ballon, il est constitué d’une multitude d’alvéoles. Lorsqu’il se gonfle, la pression est extrême et rares sont les textiles capables d’y résister, d’où l’utilisation du polyamide 6.6. Bref, une fois gonflé, il devient aussi dur qu’un bloc de pierre et, s’il n’est pas attaché, l’occupant de la voiture est projeté contre lui. C’est pourquoi les alvéoles sont prévues pour éclater immédiatement après le gonflage, rendant le coussin plus mou. C’est là que la ceinture de sécurité est indispensable. Munie d’un prétensionneur, elle plaque dans un premier temps le passager contre le fauteuil. Puis, quelques millisecondes après, la ceinture se relâche, autorisant le mouvement du corps qui vient finir sa course dans les airbags qui se dégonflent déjà, jouant ainsi à plein leur rôle protecteur.

 

Avec leurs trois points d’ancrage, les ceintures en polyamide, confortables et douces au toucher, se font oublier depuis des décennies.

Le port de la ceinture de sécurité est une vieille histoire. Elle apparaît en 1896 dans sa toute première version sous la forme d’un harnais qui équipe certaines voitures de course. Son objectif est alors d’éviter l’éjection du pilote dans les virages. Elle n’est encore qu’une simple sangle abdominale de coton finement tissé. Seul problème, en cas de choc violent, cette sangle provoque de graves traumatismes au foie et à la rate.

Il faut attendre 1959 pour qu’elle connaisse sa première évolution majeure. On la doit à un ingénieur de Volvo, qui installe trois points d’ancrage dans le véhicule, permettant avec une seule bande de tissu de faire une sangle à la fois abdominale et diagonale. La ceinture moderne est née et va équiper dans la foulée les automobiles de la marque, faisant de Volvo l’un des pionniers de la sécurité. Pour l’anecdote, le constructeur a choisi de laisser son invention dans le domaine public afin qu’elle profite à tous les usagers de la route, qu’ils conduisent une Volvo ou n’importe quel autre véhicule. Depuis, les ceintures ont assez peu évolué. Le système d’enrouleur conçu par Peugeot équipe encore aujourd’hui toutes les ceintures du monde, lesquelles sont dotées du système de prétension qui tend la ceinture en cas de choc, comme nous l’avons vu plus haut. Son matériau de prédilection est, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le polyamide, un polymère indéchirable une fois tissé, souple et confortable.

Cet article vous a plu ? Vous allez aimer les suivants !