Les plastiques recyclés créent la surprise
Recycler, c’est bien, mais encore faut-il trouver des débouchés pour ces « nouveaux » matériaux. Les ingénieurs et les designers bouillonnent d’idées pour leur offrir de nouvelles applications, qui sont souvent inattendues…
Vent d'enthousiasme sur la plaisance
Jusqu’alors il n’était pas rare de voir s’entasser au fond des ports de vieilles coques de bateaux de plaisance. En composite fibres de verre-polyester, ces coques finissaient par être brûlées en plein air ou encore broyées, compactées et mises en décharge, car on ne savait pas comment traiter ce mélange de fibres et de polyester. Une entreprise norvégienne a finalement trouvé la solution. Elle a mis au point une technique qui permet de séparer le polyester de la fibre de verre. Le procédé chimique établi permet en seulement deux heures de dissoudre près de 80% de la matière, et cela à une température inférieure à 220 degrés, ce qui rend le processus très facile à mettre en œuvre dans l’industrie. La silice extraite de la fibre de verre intéresse au plus au point les cimentiers qui en ont grand besoin. Quant au polyester, il trouve une seconde vie dans des pieds de chaises de jardin ou encore sous la forme de renforts pour le mobilier sanitaire, par exemple.
Les plastiques font le mur
En Belgique, c’est le projet Recy House qui détonne. L’objectif du projet était de démontrer qu’il est possible d’édifier un bâtiment quasi uniquement avec des matériaux recyclés. Bien entendu, ces derniers doivent répondre aux exigences d’une construction moderne, ne pas compromettre les performances finales ni augmenter le coût de la construction. Il aura fallu tout de même près de cinq années aux ingénieurs pour trouver des solutions. Ce qui passait au départ pour un projet fou est aujourd’hui réalité. Si les murs ont été montés à partir de granulats, les polymères ont été largement mis à l’honneur : les tuiles sont à base de plastiques d’emballage, les fenêtres en PVC recyclé, les sols proviennent du caoutchouc recyclé, et l’isolation est en polyéthylène recyclé… Les concepteurs insistent sur un point : il s’agit de matériaux à part entière, réalisés à partir d’un processus industriel de traitement de déchets, et non de matériaux de récupération. Pari gagné !
Ceinture noire pour les matelas
Un matelas, c’est une toile de coton, des ressorts métalliques et beaucoup de mousse de polyuréthane. Chaque année, des milliers de matelas qui arrivent en fin de vie sont mis au rebut. Une jeune entreprise néerlandaise a décidé de s’intéresser à ces vieux matelas. Après avoir passé des accords avec des chaînes hôtelières, des magasins spécialisés, des centres de loisirs et des municipalités – aux Pays-Bas, les communes se chargent de récupérer les matelas usagés –, la jeune PME organise la collecte. Les matelas arrivent ensuite dans une usine entièrement automatisée où ils sont démontés mécaniquement. La mousse de polyuréthane est nettoyée, broyée et compactée. Elle est ainsi prête pour une nouvelle vie, notamment dans l’automobile en tant que mousse de garnissage. Plus original encore, elle est aussi transformée en tapis de judo.
L’entreprise néerlandaise a réalisé une étude sur l’impact économique et écologique de son modèle industriel. Tous les indicateurs étant au vert, elle espère désormais vendre son process dans d’autres pays de l’Union.
Au-delà de l'économie circulaire pour Sony
C’est aussi la voie suivie par le géant Sony. Il y a un an, le japonais annonçait qu’il s’apprêtait à commercialiser un polycarbonate recyclé issu de ses propres produits usagés. Sony a décidé de créer un business autour de ce polymère écologique et va même jusqu’à le vendre à ses concurrents ! Le SoRPlas (Sony Recycle Plastic) est déjà utilisé par Sony depuis 2011, dans ses téléviseurs notamment. Constitué à 99% de polycarbonate recyclé, le SoRPlas est un parfait exemple d’économie circulaire. Il est produit à partir de déchets de DVD et autres disques optiques, et de films optiques pour téléviseurs. Cette matière première reçoit simplement une petite quantité d’additifs à base de sulfate de sodium comme retardateur de flammes et éventuellement un colorant.
William : de la musique techno à la haute technologie
Si les imprimantes sont aujourd’hui à la portée de beaucoup de bourses, que penser des prix exorbitants des bobines de plastique – une dérive proche de celle constatée sur les cartouches d’encre destinées aux imprimantes traditionnelles ? La parade est peut-être trouvée avec l’Ekocycle, une imprimante nouvellement arrivée sur le marché qui autorise l’usage de fils composés à partir de bouteilles en plastique recyclées. Les initiateurs de ce projet écoresponsable sont pour le moins inattendus, puisqu’il s’agit de Coca-Cola et du chanteur techno-addict Will.i.am, en collaboration avec la société 3DS. L’Ekocycle semble bien être une des solutions intéressantes et un nouveau débouché pour les bouteilles en PET usagées. Si la révolution annoncée par les imprimantes 3D est à la hauteur des espérances, parions que les bobines de PET recyclé seront vite très demandées.
La mode se prend les pieds dans les filets de pêche
Créer de la valeur ajoutée, c’est bien tout le problème des designers qui ont choisi d’utiliser des matières recyclées dans leurs réalisations. On connaissait déjà la griffe espagnole Ecoleaf, qui transforme de vieux filets de pêche de Nylon en textiles. Mais cette fois-ci, c’est l’allemand Adidas, un poids lourd du secteur, qui se lance dans l’aventure. La marque vient en effet de sortir un prototype de chaussures entièrement tressées à partir de déchets plastiques qui proviennent des océans, et plus spécifiquement de filets de pêche… L’idée est toute simple, puisqu’il s’agit de détresser les filets et de tisser le fil obtenu. Ajoutons que choisir le tissage est aussi un moyen de lutter contre le gaspillage puisqu’il n’y a pas de découpes, donc pas de chutes. Ici n’est utilisé que ce qui est nécessaire à la fabrication d’une chaussure. Adidas y croit dur comme fer et prévoit même d’élaborer une gamme de vêtements à partir de ce nouveau matériau. Affaire à suivre…
L'Upcycling : nouvelle déesse des fashions victims
Peut-on évoquer le recyclage lorsque l’on parle d’upcycling ? Oui, mais nous avons bien conscience d’en être à la frontière car, avec cette technique, les matériaux ne sont pas transformés, ils sont simplement utilisés différemment. Certains designers parviennent à les sublimer en créant des objets audacieux et originaux.
Dans le domaine de la mode, les déchets industriels ont aussi un avenir. Et plus particulièrement le PVC. Citons des marques déjà évoquées dans nos colonnes comme la française Reversible ou encore la suisse Freitag, qui connaissent un franc succès avec des sacs réalisés à partir de bâches de camion. Encore plus fort, la marque anglaise Eako propose le même type d’objets conçus aussi en PVC mais à partir de lances d’incendie de pompiers. Les idées fleurissent de par le monde, jusqu’en Colombie, où l’entreprise Cyclus produit avec succès des portefeuilles à partir de chambres à air usées en caoutchouc synthétique.
Purs produits du marketing ? Non, car derrière ces créations il y a de véritables designers qui savent innover dans la forme de leurs objets et surtout marier harmonieusement les couleurs imprimées sur les bâches. Autre avantage, chaque création est unique et ça, dans le domaine de la mode, c’est capital…