Energie fossile pour matériaux modernes
Les polymères ont la plastique généreuse
« Plastique » : pourquoi ce nom, dont on trouve la trace dès le XVIe siècle ? On désignait alors sous le mot de « plastique » toute matière, comme la cire ou l’argile, susceptible de reproduire par modelage ou moulage un objet type. C’est donc tout naturellement que ce mot s’est imposé dès le début du XXe siècle pour désigner les premiers polymères synthétiques. En effet, pour se voir qualifier de plastique, un matériau doit pouvoir être déformé à une température relativement basse afin de prendre une forme désirée. Contrairement à l’acier, qui doit être chauffé à 1 500 °C pour être mis en forme, la plupart des matières plastiques sont malléables au-dessous de 200 °C. Moulées ou effilées, elles peuvent prendre presque toutes les formes possibles. Cette propriété est à l’origine de leur succès phénoménal.
Le carbone : Source de vie et...de plastiques
Sans le carbone, point de vie ! En effet, les scientifiques nous apprennent que sans le carbone, la vie est tout simplement impossible. C’est pour cette raison que les différents robots qui explorent la planète Mars en ce moment sont notamment à la recherche de traces de carbone. Pour les plastiques, c’est à peu près la même chose : sans carbone, ils n’existeraient pas ! Le carbone est en effet leur constituant essentiel. Les plastiques sont une substance polymère – un ensemble de molécules de masse élevée – constituée par la répétition de plusieurs molécules à base de carbone, d’oxygène, d’hydrogène et d’azote. Un polymère peut être naturel, comme la cellulose, ou synthétique après polymérisation d’un monomère, tel le propylène qui donne le polypropylène.
Plastiques et pétrole : Un mariage de raison
Sans le pétrole, point de plastiques ? Absolument pas ! Les plastiques peuvent être fabriqués à partir de nombreuses matières premières à la condition qu’elles contiennent du carbone. Cependant le pétrole est un hydrocarbure, il comprend donc une grande quantité d’atomes de carbone. Encore abondant, même lorsque le prix du baril atteint des sommets, il reste la solution la moins onéreuse pour fabriquer des polymères. Aujourd’hui, plus de 95% des matières plastiques sont constituées à partir de matières dites fossiles comme le pétrole, le gaz naturel, le gaz de schiste, ou encore, dans certains pays comme la Chine, le charbon. Ceci dit, le pétrole reste de loin l’élément de base puisqu’il entre dans la composition de 55% des plastiques que nous utilisons. Pour fabriquer des polymères à partir du pétrole brut, il faut avant tout le distiller en le chauffant.
Opération quasi miraculeuse qui permet de séparer les différentes composantes du pétrole en fonction de leurs futures utilisations. Ainsi, après distillation, on obtient du goudron, des huiles, des essences, du gaz et du naphta. C’est à partir du naphta que seront fabriquées les matières plastiques. Pour simplifier, on peut dire que, à partir du pétrole brut et après une simple opération de chauffage, on extrait un ensemble de composés de base indispensables à l’élaboration de la plupart des matériaux de notre quotidien.
On craque pour les plastiques
Après obtention de ce naphta, la grande aventure des plastiques peut commencer. Celui-ci est transformé par vapocraquage – un process qui casse les molécules pour les transformer en gaz. Pour ce faire, le naphta est chauffé dans un bain de vapeur à 800 °C puis il est très rapidement refroidi à 400 °C, ce qui entraîne des modifications chimiques. On obtient ainsi des molécules plus petites et un nouveau corps gazeux. Celui-ci est composé de corps simples aussi nommés « produits chimiques de base ». Ce sont principalement de l’éthylène, du propylène, du benzène et du butylène, des petites molécules contenant entre deux et sept atomes de carbone. Les polymères les plus courants sont fabriqués à partir de ces monomères. Ces derniers sont les briques de départ des différentes matières plastiques qui vont réagir entre elles pour former des chaînes de molécules : dans le jargon de l’industrie pétrochimique, cette opération s’appelle la polymérisation.
Chaîne d'union possible si atomes crochus
La polymérisation permet de lier des monomères entre eux. Les polymères les plus courants, tels le polyéthylène des sacs plastiques ou le polypropylène des boucliers de voiture, sont fabriqués à partir d’un monomère majoritaire, respectivement l’éthylène et le propylène dans les exemples ci-dessus. D’autres sont constitués à partir d’une combinaison de deux monomères différents, comme le PET (pour polytéréphtalate d’éthylène) des bouteilles plastiques.
Au final, c’est bien à partir de quatre monomères de base que l’on obtient la quasi-totalité des plastiques de notre quotidien et plus particulièrement l’éthylène et le propylène qui permettent de fabriquer le PVC et les polyoléfines, regroupant le polyéthylène et le polypropylène. Ils représentent plus de 70% des thermoplastiques consommés dans le monde ! C’est donc réellement à l’éthylène et au propylène que l’industrie des plastiques est accro.
Faut-il compter les jours du pétrole ?
Aujourd’hui encore, le pétrole reste la plus importante source de matière première pour fabriquer les polymères. A l’échelle mondiale, il commence cependant à perdre du terrain et se voit de plus en plus concurrencé par d’autres ressources comme le charbon chinois ou les gaz non conventionnels américains dont on extrait pour moins cher de l’éthylène et du propylène quand les cours du pétrole sont au plus haut. Ceci est assez logique puisque eux aussi sont des hydrocarbures. Ainsi, en 2014, le coût de l’éthylène s’élevait à 400 euros par tonne aux Etats-Unis, contre près de 1 000 euros par tonne en Europe, laquelle Europe ne dispose pas des mêmes ressources. Or, avec leur gaz de schiste, les Etats-Unis perdent peu à peu leur dépendance au pétrole et les grandes quantités de gaz de schiste exploitées leur permettent de fabriquer plus d’éthane et donc plus d’éthylène, la molécule la plus utilisée dans le monde des plastiques. Il se dessine ainsi une nouvelle carte géopolitique des matières premières dans laquelle l’Europe devra trouver les moyens de préserver sa compétitivité.