Vers la Plaisance pour tous
Et le Plastique fut
Des siècles, des millénaires durant, un bateau, c’était avant tout un outil de travail destiné à la pêche, au transport de marchandises, voire à la guerre. La notion de plaisance, de plaisir est un concept que ne pouvaient imaginer nos ancêtres. Si les techniques de fabrication se sont affinées au fil du temps, le bois est longtemps resté le matériau principal de par son abondance et sa facilité de mise en œuvre. A l’aube des grandes révolutions industrielles du XIXe siècle, le métal vint peu à peu garnir les coques des plus gros navires. La construction navale allait se contenter de ces matériaux pendant des décennies, jusqu’au jour où le polyester fit son apparition.
Du verre dans le plastique
Les années 1940 : l’industrie chimique entame une révolution encore d’actualité aujourd’hui. De nouvelles matières apparaissent, toutes destinées à devenir des best-sellers. Rapidement, des fibres de verre imprégnées de résine liquide (polyester insaturé ou UP) donnent naissance aux premiers matériaux composites, particulièrement solides et bon marché, qui trouvent naturellement des débouchés auprès de l’industrie manufacturière.
C'est l'histoire de l'œuf et la poule
Pourquoi la navigation de plaisance a-t-elle connu un tel essor dans les années 1950 ? Est-ce la nouvelle offre, rendue possible par les matériaux synthétiques, ou la demande, qui a suscité pareil engouement ? Sans trop se mouiller, la réponse est un peu des deux…
En effet avant « l’explosion » du polyester, quelques chantiers commençaient à proposer des bateaux construits en série en contreplaqué marine – un bois composite et traité qui une fois peint ne se dégrade pas au contact de l’eau –, preuve s’il en est que la demande était bien là.
Certes, les bateaux en contreplaqué marine allaient au devant d’un fort succès mais ce matériau avait tout de même quelques défauts qui allaient s’avérer rédhibitoires pour cette nouvelle génération de marins. Et pour cause, la peinture s’usait très rapidement au contact des vagues et du sel qui agissaient sur elle comme du papier de verre. Résultat, le bois n’était plus protégé. Chaque année, c’était corvée de ponçage et de peinture. De quoi gâcher bien des week-ends avant de respirer les embruns. La coque plastique et sans entretien allait ainsi se généraliser pour la plus grande joie des plaisanciers.
Un accueil enthousiaste !
Les nouveaux marins sont des jouisseurs. Ce qu’ils veulent, c’est profiter tout de suite sans se préoccuper d’autre chose que de leur plaisir. Une coque en polyester voire en époxy – un autre type de résine thermodurcissable plus souple et particulièrement adaptée aux formes complexes – les satisfait grandement. La « vieille marine » en bois, ils ne veulent plus en entendre parler si ce n’est pour agrémenter l’intérieur de leur bateau. Cet état d’esprit fera la joie des chantiers récemment créés. Dans les années 1960, de nouvelles marques, de nouveaux modèles apparaissent régulièrement et exhibent leurs « derniers-nés » lors des divers Salons nautiques qui fleurissent de part le monde.
Un moule, des bateaux
Dans l’industrie nautique, parler de grande série est un abus de langage. Un navire à gros succès sera fabriqué à quelques milliers d’exemplaires. Nous sommes très très loin des cadences de l’industrie automobile. Les chaînes de production n’ont toutefois pas grand-chose à voir. Fabriquer un bateau, c’est avant tout fabriquer une coque. Avant l’essor du couple polyester/fibre de verre, les process industriels étaient insignifiants. Même si la notion de modèle existait déjà, chaque bateau était une pièce unique qu’il était parfaitement possible de personnaliser dès la commande. L’arrivée des plastiques va tout chambouler. Dorénavant, les bateaux seront moulés. Un même moule permet de produire des centaines d’unités toutes identiques. Parallèlement, la concurrence s’accélère, et pour rester dans la course, les chantiers doivent sans cesse faire preuve d’innovations.