Paroles d'expert 4 min

Quand le plastique fait barrage !

Rencontre avec Riad Kaddoura, directeur de la société belge Egow, spécialisée dans les solutions de protection contre les inondations et les pollutions.
Quand le plastique fait barrage !
Quand le plastique fait barrage !

Lorsque l'on s'intéresse à ce secteur d'activités, la première chose qui marque, c'est le nombre de produits développés...

C’est vrai, mais cela n’a rien d’étonnant. Il existe pratiquement autant de solutions que de types d’inondation ou de pollution.
Pour les spécialistes que nous sommes, une rivière en crue n’a rien à voir avec un océan qui se déchaîne, même si le point commun reste bien entendu la lutte contre la montée des eaux.
Dans le même ordre d’idée, on ne traite pas de façon identique une pollution par hydrocarbure que par produit chimique.

A propos de la lutte contre la montée des eaux justement, quelles sont les solutions ?

Elles sont multiples et surtout très différentes en fonction du milieu. Faire barrage à de l’eau douce est en effet moins contraignant que de faire barrage à de l’eau de mer :  la nature corrosive du sel n’est pas sans poser de problème. Cela étant dit, nombre de barrages sont constitués de PVC, car c’est un matériau simple d’utilisation, parfaitement étanche et très modulable. Le Water Rails© par exemple permet de rapidement bâtir une digue anti-inondation modulable et polyvalente. Il est employé face à des niveaux d’eau variant de 30 cm à 2 m et ce, sur une longueur illimitée. Ce système est plus précisément constitué de cylindres de PVC qui se gonflent à l’air dans un premier temps, puis se remplissent d’eau pour garantir leur stabilité. De nombreux pompiers les utilisent. Le faible poids du PVC et sa facilité de stockage une fois plié sont effectivement d’autres avantages considérables de ce matériau.

Le principe de ce barrage est finalement assez simple...

Il en existe de plus ingénieux, telle la barrière AFAP©. Celle-ci se stabilise avec le poids de l’eau qu’elle retient.
Plus la poussée est forte, plus la barrière s’élève. Elle est aussi en PVC mais ce n’est pas un simple cylindre. Elle est constituée de plusieurs alvéoles dans lesquelles l’eau peut s’engouffrer permettant ainsi à la barrière de gonfler.
Idéale pour les petites montées des eaux, elle peut même être utilisée par les particuliers.

 

 

Les particuliers aussi s'intéressent à ce type de produits ?

Oui, car ils sont nombreux à vivre dans des zones exposées aux montées des eaux maritimes ou fluviales.
En général, ces personnes souhaitent avant tout protéger leurs biens en évitant que l’eau ne pénètre dans leur logement.
À cette fin, a été développée une sorte de jupe de PVC qui vient s’accrocher sur le bâtiment à protéger. Paré-O© est le nom de ce système qui assure une isolation parfaite de la maison jusqu’à des crues de 1 m de haut. C’est la plupart du temps largement suffisant !

Parlons à présent de la lutte contre la pollution. Les innovations sont-elles nombreuses ?

Assurément. Toutefois, il faut distinguer deux types de produits : les barrages et les absorbants. Concernant les barrages, ils ressemblent assez aux barrages anti-inondations. Là encore, on utilise des cylindres de PVC. Le principe de base est de retenir la nappe polluante pour éviter qu’elle ne se disperse. Il demeure cependant d’importantes différences entre les barrages : certains sont conçus pour la rivière et d’autres pour la haute mer. Ces derniers doivent pouvoir faire face à la houle et à l’attaque des vagues. C’est pourquoi ils sont lestés et disposent de jupes descendant de plusieurs dizaines de centimètres sous le niveau de la mer. Le polluant est ainsi retenu même quand le barrage est au sommet de la vague. Ces barrages sont d’une solidité à toute épreuve puisqu’ils résistent à la traction, notamment lorsqu’ils sont remorqués par des bateaux.

Qu'en est il des absorbants ?

C’est certainement dans ce domaine que les innovations sont les plus importantes. Jusqu’à récemment, il y avait quasiment une solution pour chaque type de pollution. Aujourd’hui, l’industrie tend à proposer des absorbants de plus en plus universels. Dans le jargon, nous appelons ça les absorbants « tout-terrain ». Parallèlement, leur capacité d’absorption a énormément évolué. On en trouve maintenant sur le marché qui, pour un poids de 5 kg, sont capables d’absorber 50 l de liquide. Le ratio poids/capacité d’absorption est phénoménal. Certains absorbants sont constitués de polypropylène hydrophile ou hydrophobe. Je m’explique : le polypropylène hydrophobe n’absorbe que le polluant. Il est indiqué contre les pollutions par hydrocarbure, car le polluant et l’eau ne sont pas miscibles. Le polypropylène hydrophile, quant à lui, absorbe tous les liquides, eau comprise. Il est donc à utiliser dans les cas de pollution où l’eau et le polluant ont tendance à se mélanger.

Vous proposez aussi une solution antifuite originale en matériaux composites. Pouvez-vous en dire plus ?

Effectivement le Miko Plaster© ERB est une invention particulièrement intéressante et novatrice. Il s’agit de patchs magnétiques de kevlar/aramide renforcée qui s’appliquent sur les citernes métalliques lorsque celles-ci se fendent suite à un choc. Ce patch arrête la fuite, ou tout du moins la limite de façon considérable.
C’est une solution d’urgence qui permet d’éviter une pollution qui pourrait se révéler grave. Facile à mettre en place, ce patch se décline dans des dimensions variées pouvant dépasser 1 m2.
Je pense que chaque chauffeur routier ou chaque équipage de pétrolier devrait en avoir à bord tant ce produit est stupéfiant.

A propos des utilisateurs, sont-ils formés pour utiliser l'ensemble de ces produits ?

Une formation d’ingénieur n’est absolument pas requise ! Rappelons qu’ils sont tout simples d’utilisation. Même si notre clientèle est très large – elle va du petit garagiste aux municipalités, en passant par les professionnels du feu ou encore les industriels –, ce sont tous des professionnels qui savent comment agir en cas d’inondation ou de pollution. Reste le marché des particuliers, encore assez peu développé, mais le réchauffement climatique pourrait voir leurs besoins en solutions anti-inondation évoluer, raison pour laquelle les fabricants veillent à mettre sur le marché des produits qui soient le plus intuitif possible.

 

POUR EN SAVOIR PLUS

M Riad Kaddoura
egow@egow.be

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