Oui mais après ?
Réagir face au succès
L’utilisation des plastiques agricoles se systématise en Europe. Si le polycarbonate des serres ou le PVC des tuyaux a une durée de vie quasi illimitée, il n’en est pas de même pour les films de paillage ou d’ensilage. Ceux-ci sont principalement constitués de polyéthylène, auxquels peuvent être ajoutés, suivant les utilisations, divers adjuvants tels que stabilisants, collants/anticollants ou antiblocking/glissants… La majorité des films agricoles ne sont pas biodégradables. Ils demandent donc à être ramassés après utilisation, et surtout à être éliminés, ne serait-ce que pour éviter une pollution purement visuelle. En effet, le polyéthylène, c’est surtout du carbone et de l’hydrogène, un plastique neutre qui ne risque en aucun cas de contaminer chimiquement les sols.
La profession s'organise
Bien conscients des enjeux et surtout responsables, les professionnels du plastique agricole ont décidé de prendre le taureau par les cornes en se dotant d’une organisation européenne pour mettre en place les filières de récupération des plastiques usagés. Créée en mars 2012, l’association APE pour Agriculture Plastic Environment regroupe d’ores et déjà 85 % des professionnels européens du secteur. Leur objectif : arriver à collecter 500 000 tonnes de plastique souillé – soit 70 % du gisement – d’ici 2022 (contre 235 000 tonnes aujourd’hui). Et plutôt que d’organiser un grand schéma européen, souvent irréalisable, l’APE a choisi de réfléchir à des solutions opérationnelles nationales voire régionales.
La France montre l'exemple
Dans ce domaine, la France fait déjà figure de bon élève. Serait-ce lié à l’importance de son activité agricole ? Certainement, mais ce n’est pas la seule raison. En Europe on peut aussi citer l’Irlande, la Suède et même l’Islande, qui ont déjà mis en place leurs propres filières de récupération des films agricoles usagés (FAU)…, des pays qui, en proportion, sont nettement moins agricoles.
Non, c’est avant tout une question de volonté des professionnels du secteur et des pouvoirs publics.
C’est ainsi que, en 2001, a été créée en France Adivalor, une filière de récupération des déchets agricoles reposant sur la démarche volontaire.
Son fonctionnement repose sur le principe de responsabilité partagée entre les acteurs privés de l’agro-fourniture : les agriculteurs, à qui il est demandé de préparer et d’entreposer les FAU, les distributeurs, qui ont en charge l’organisation de la collecte, et enfin les metteurs en marché, qui financent, via une écocontribution spécifique, la récupération et le traitement des déchets ainsi que le programme d’action d’Adivalor.
Valoriser les déchets
Les problèmes de recyclage des films agricoles ne sont pas tant liés à leur matière première mais plutôt à leur degré de salissure. Et pour cause, il faut savoir qu’un film de paillage usagé est généralement couvert de terre. Cette terre peut représenter quasiment 50 % du poids du déchet. Autrement dit, un film pesant initialement 100 kg peut peser jusqu’à 200 kg après usage. Il ne serait pas difficile de les recycler en les transformant en une nouvelle matière une fois nettoyés, mais c’est économiquement peu rentable. Ainsi, ces films finissent généralement leur vie dans des incinérateurs. Ce qui n’est pas une mauvaise chose ! A l’heure où le cours des matières premières énergétiques est au plus haut, la valorisation énergétique permet de chauffer des villes, des serres et de produire de l’électricité. Reste les films de serres et de tunnels. Ceux-ci ne sont généralement pas souillés.
Selon les filières existantes, ils ont toutes les chances d’être transformés en palettes de transport par exemple. C’est déjà le cas en Espagne, grande utilisatrice de ce type de films où les taux de collecte avoisinent les 70 %. Souvent monomères, les films sont très appréciés des recycleurs tant il est facile de les recycler.
Et demain ?
S’il y a bien un point qui fait l’unanimité chez les professionnels du secteur agricole – exploitants et industriels –, c’est que l’avenir semble prometteur. Et pour cause, malgré la relative jeunesse de l’usage des plastiques agricoles, la prise de conscience est déjà là. Globalement, ils sont plutôt fiers du chemin parcouru. A juste titre d’ailleurs ! Une association comme l’APE devrait largement contribuer à renforcer le succès des plastiques agricoles en élaborant des plans pour mieux gérer leur fin de vie. Quant aux industriels, ils explorent de nouvelles pistes en vue de développer des plastiques biosourcés – d’origine végétale – et biodégradables. Certains sont déjà commercialisés et, bien que plus chers, gagnent déjà des parts de marché. Une raison à cela : leur prix d’achat n’est pas la seule composante économique à étudier.
Les producteurs préfèrent parler d’un rapport coût-rentabilité sur l’ensemble du cycle de vie des films en question. Effectivement, le rapport n’est plus si défavorable ; comme l’ont compris certains agriculteurs qui gèrent leur exploitation en véritables chefs d’entreprise.