Techno du futur 4 min

Les textiles intelligents

Flirtant avec les nanotechnologies, la biochimie et l’électronique de pointe, une vieille industrie acquiert une nouvelle vitalité pour transformer notre manière de travailler, vivre, voyager, protéger notre corps et la planète.
Les textiles intelligents
Les textiles intelligents

Un pyjama douillet qui surveille les signes vitaux d’un bébé et qui déclenche un signal sonore en cas de problème ; une tenue de sécurité ignifugée légère et refroidie par un gel, des voitures et des avions plus légers et moins gourmands en énergie, des routes plus lisses, de l’eau plus pure, des maisons plus chaudes et des procédés médicaux moins invasifs et plus sûrs…  les textiles intelligents tissent leur toile dans presque tous les domaines de l’activité humaine.

 

Le développement rapide des textiles dits « intelligents » ou « techniques » est une révolution non seulement pour l’industrie textile, mais aussi pour toute une foule d’autres secteurs comme les transports, le bâtiment, la prévention des accidents du travail, l’agriculture, la santé, l’électronique grand public  et, bien sûr, la mode.

Pour la plupart fabriqués à base de polymères conçus pour remplir des fonctions très sophistiquées, ces textiles incorporent généralement des composants high tech qui vont du produit biochimique à la cellule photovoltaïque.

En l’espace de dix ans, le chiffre d’affaires mondial représenté par les textiles intelligents est passé de 65 à 85 milliards d’euros et devrait atteindre plus de 100 milliards en 2010.

L’Europe est le plus gros consommateur et l’un de ses principaux producteurs, aux côtés des Etats Unis, du Japon et de la Corée. Durement touchée dans ses activités traditionnelles par la concurrence à bas coût de l’Inde, de la Chine et de l’Extrême-Orient, l’industrie textile européenne y voit comme un El Dorado. Partout au sein de l’UE fleurissent les initiatives de mise en commun des ressources de R&D.

Les composites décollent

Les avionneurs sont devenus des clients convaincus : ces matériaux représentent en gros 25% du poids d’un Airbus A380 et c’est encore bien peu par rapport aux derniers modèles d’appareils. Le Boeing 787 Dreamliner sera construit pour moitié en « composites.
Généralement fabriqués à partir de fibre de carbone ou de fibre aramide et d’une résine époxyde, les composites se retrouvent partout, de la pale d’hélicoptère au pont de sous marin en passant par le réservoir de carburant de la fusée Ariane 5.

C’est en grande partie grâce à sa quantité de composites que le 747 est devenu l’avion de ligne le plus rapidement vendu de toute l’histoire de l’aéronautique si l’on en croit Boeing, d’abord séduit par leur légèreté et l’économie de carburant qu’elle induit.

Mais les constructeurs leur ont découvert depuis d’autres avantages dont l’absence de corrosion ainsi qu’un meilleur confort pour les passagers du fait de l’amélioration des conditions de pression dans la cabine et de la possibilité d’avoir des hublots plus grands. Des caractéristiques issues de la nature physique des composites, un mélange de résine et de fibres plus ou moins longues, qui assurent la rigidité de la pièce. 
Résultat : la part des composites atteindra 53% du poids du futur Airbus A350 XWB qui volera en 2013. 
Et la marche en avant des composites dans l’aviation ne s’arrête pas là : les industriels cherchent maintenant à intégrer de nouvelles fonctions dans les  composites, telles que isolation thermique, acoustique, électrique … ainsi, chez Airbus, les recherches s’orientent vers l’incorporation de nanoparticules dans les composites  qui protégeraient les avions de la foudre.

Les fibres, c'est bon pour la santé

Un autre secteur considéré comme très prometteur pour les textiles intelligents est celui de la santé. Depuis quelque temps déjà, on utilise des fibres textiles pour fabriquer les petits tubes, ou endoprothèses vasculaires, qui rétablissent le diamètre des artères bouchées en chirurgie vasculaire, ou pour renforcer les ligaments déchirés.
Nouvelle révolution : la possibilité d’incorporer des composants électroniques à des vêtements d’aspect par ailleurs tout à fait normal.

La société italienne Smartex est l’une des plus en avance dans ce domaine. En 2006, dans le cadre du projet Wearable Health Care System (WEALTH)  financé par l’Union européenne, elle a mis au point une chemise capable de surveiller les signes vitaux des personnes cardiaques. Cette chemise, qui mesure à peu près tout, de la température du corps au rythme cardiaque, transmet les données à un ordinateur par liaison sans fil.

La même société étudie actuellement un gant capable de traduire en mots le langage des signes et un tissu qui devrait permettre aux personnes à mobilité réduite de manœuvrer leur chaise roulante par d’infimes transferts de poids. Smartex fabrique la plupart de ses vêtements à partir d’un fil de base composé d’acier conducteur et de polyester.

Du Ciel à la Terre 

L’un des aspects intéressants de cette révolution est qu’elle implique une très large interdisciplinarité. La mise au point du pyjama Mamagoose en fournit un excellent exemple. Destiné à prévenir le syndrome de la mort subite du nourrisson, ce pyjama est équipé de capteurs qui surveillent les mouvements du bébé, sa respiration et son activité cardiaque et qui déclenchent une alarme en présence d’indices de danger pendant son sommeil.

Sa création par la société belge Verhaert est issue d’un partenariat entre l’Agence spatiale européenne (ASE), l’Agence spatiale allemande et l’Université de Bruxelles. Les applications de contrôle biométrique et respiratoire, à l’origine utilisées pour étudier les effets de la faible gravitation sur les astronautes, ont été apportées au projet par l’intermédiaire du Programme de transfert des technologies de l’ASE.

Ce programme a d’ailleurs joué un rôle majeur dans un autre programme, le SPACE2TEX, conçu pour adapter des technologies textiles spatiales à un nouveau système très efficace de traitement des déchets. L’idée consiste à appliquer des bioréacteurs à membranes capables de recycler 100% des eaux usées dans l’espace au même travail sur terre. Selon les partenaires du projet, cette technologie réduit les coûts de fonctionnement et de maintenance de 70% et permet aussi d’économiser l’eau et l’énergie.

Le consortium SPACE2TEX regroupe quatre associations européennes et nationales, 26 PME italiennes, françaises, tchèques, portugaises et allemandes et quatre organismes de recherche. Cette initiative s’inscrit dans le cadre des actions des entreprises du textile pour minimiser leur impact environnemental (et les coûts associés). La première application prévue de la technologie SPACE2TEX est de recycler les eaux usées des entreprises de finition des textiles, une activité hautement polluante.

Une technologie «Tendance»

Alors que certains stylistes créent des vêtements qui changent de couleur ou émettent de la lumière, les principales applications commerciales semblent désormais concerner le secteur de l’électronique personnelle.

Le Royaume-Uni est particulièrement en pointe dans le domaine des vêtements communiquant.

La société galloise G24 Innovations développe des vêtements qui incorporent des capteurs solaires photoélectrochimiques souples qui doivent permettre à la personne qui les porte de recharger sans effort un téléphone portable, un lecteur MP3 ou d’autres d’appareils du même genre.

Eleksen, autre société britannique, est devenue le leader mondial des textiles tactiles interactifs. Sa technologie ElekTex® concerne un pavé tactile conducteur logé dans un attrayant petit clavier sans fil qui communique avec un ordinateur portable via Bluetooth et qui est assez petit et souple pour pouvoir se ranger roulé dans une poche.


De la mode à la protection de l’environnement en passant par l’automobile, le bâtiment ou la santé, les textiles surdoués tissent notre avenir et sont en passe d’accomplir une véritable révolution

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