Solar Impulse : l'Envol du Futur
Soleil Nocturne
Cela s’appelle Solar Impulse : élan solaire. Elan comme essor, pas comme le mammifère.
Car Solar Impulse est un oiseau. Ou plutôt un paradoxe, à la limite de la provocation à force de culot.
Il en faut, en effet, de l’audace pour imaginer de faire faire le tour du monde à un avion sans carburant.
Dépassé, Icare !
D’ailleurs Solar Impulse ne se brûlera pas les ailes, il fait du soleil un allié et se fait de la terre une amie : il ne touche pas à ses réserves de ressources fossiles et lui épargne toute pollution.
Et pourtant il tourne !
Ou plutôt il vole. Enfin il volera. Et de jour comme de nuit.
Faire voler de nuit un avion propulsé exclusivement à l'énergie solaire ?
Un but inaccessible, sauf pour une bande d’allumés qui ne rechignent pas à repousser, dans tous les domaines, les limites de toutes les technologies déjà considérées comme la pointe du progrès...
C’est bien ce que fera ce concept révolutionnaire : matériaux, gestion énergétique, interface l'homme – machine, tout sera repensé, bouleversé, démultiplié.
Solar Impulse est un appareil d'une envergure démesurée pour son poids et d'une qualité aérodynamique inégalée à ce jour, capable, malgré sa légèreté, de résister à des contraintes extrêmes.
Des capteurs solaires aux hélices, il optimisera les différents maillons de la chaîne de propulsion, intégrera un environnement hostile aux matériaux comme au pilote et respectera, ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, les contraintes de poids et de résistance. Un exercice de haut vol!
C'est l'histoire d'un mec et même de plusieurs
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, cette entreprise délirante a été soigneusement planifiée et même validée par une étude de faisabilité. Pas n’importe où : à l'Ecole Polytechnique de Lausanne en 2003. Cela a donné du cœur au ventre à une équipe de 50 personnes épaulées par plus d’une centaine d’experts et de conseillers, animée par Bertrand Piccard et André Borschberg, qui a développé le concept pendant les trois années suivantes. Tout naturellement, le design et la fabrication du prototype a suivi, encore trois ans, de 2007 à 2009.
Aujourd’hui il est prêt, dans son atelier, et les vols tests, notamment le premier vol de nuit, sont prévus l’année prochaine. SI tout se passe comme prévu, l’avion (il s’appelle déjà HB-SIB) sera construit en 2011 et il tentera le tour du monde en cinq étapes à partir de 2012.
Comment ça marche un vol sans essence ? ca marche !
Depuis 2005, des vols en conditions météo réelles ont été effectués à Bruxelles et à Genève, pour la simulation de 2007.
Ces vols virtuels permettent d'évaluer l'aptitude de l’avion à stocker assez d'énergie pour effectuer le vol de nuit complet et se retrouver chaque matin au soleil pour recharger ses batteries et poursuivre sa mission. C’est souvent au prix d’un vol sinueux pour éviter les zones nuageuses.
Le Solar Impulse gagnera de l'altitude pendant la journée pour redescendre pendant la nuit, économisant ainsi une quantité importante de l'énergie de ses batteries.
Le prototype HB-SIA a une cabine non pressurisée, qui suffit pour valider les technologies. Pour les premières missions-tests, les pilotes d'essais aux commandes examineront le domaine de vol. D’abord de jour et ensuite de nuit. Une mission de 36h qui sera déjà une première historique.
Vols Habités
En 2011, le deuxième Solar Impulse possèdera une cabine pressurisée pour effectuer des missions de longue durée, des traversées sans escale d'un continent et de l'océan Atlantique.
Et en 2012, décollage pour un survol de la terre proche de l'équateur mais essentiellement dans l'hémisphère Nord en cinq escales (pour changer de pilote et présenter l'aventure au public et aux autorités politiques et scientifiques). Chaque étape du vol durera de 3 à 4 jours, le maximum que peut supporter un pilote solitaire.
Lorsque l'efficacité des batteries permettra d'en réduire le poids, l'avion pourra embarquer deux pilotes pour des vols de très longues durées, voire pour un tour du monde sans escale.
Commes les frères Wright en 1903
La réussite de l’ensemble du projet tourne autour de l’énergie.
A midi, chaque m2 de surface terrestre reçoit l’équivalent de 1000 Watts, soit 1.3 CV de puissance lumineuse.
Répartie sur 24 heures, l’énergie du soleil ne fournit qu’une moyenne de 250 W/m2. Avec 200 m2 de cellules photovoltaïques et 12 % de rendement total de la chaîne de propulsion, la puissance moyenne produite par les moteurs de l’avion n’atteint plus que 8 CV ou 6 KW. C’est à peu de chose près ce dont disposaient les frères Wright en 1903 lorsqu’ils ont réalisé le premier vol motorisé.
La bonne nouvelle, c’est que là, personne n’aura besoin de pédaler : l'énergie solaire, optimisée grâce aux plastiques, du panneau photovoltaïque à l’hélice, fera voler Solar Impulse jour et nuit sans carburant !
Energie : Le plastique fait mieux que le pétrole
Les 12 000 cellules photovoltaïques en silicium monocristallin de 150 microns d’épaisseur ont été sélectionnées pour leur capacité à combiner légèreté et rendement.
Leur efficacité aurait pu être encore meilleure, à l’instar des panneaux utilisés dans l’espace, mais leur poids aurait alors été beaucoup trop élevé, pénalisant l’avion pendant le vol de nuit.
Cette phase étant la plus critique, les batteries sont au cœur des progrès à venir. Encore lourdes, elles obligent à réduire drastiquement le poids du reste de l’avion (avec des plastiques de haute performance), à optimiser toute la chaîne énergétique et à maximiser le rendement aérodynamique par un grand allongement et un profil d’aile conçu pour les basses vitesses. Encore une gageure qui n’est réalisable que grâce à des plastiques sophistiqués.
Avec une densité énergétique de 200 Wh/kg, il faut 400 kg d’accumulateurs pour un vol de nuit, soit plus du quart de la masse totale de l’avion. Une amélioration de la capacité des batteries permettra, à terme, d’embarquer un deuxième pilote, de diminuer l’envergure de l’avion ou d’augmenter sa vitesse de vol.
Structure et Matériaux
61 m d’envergure pour un oiseau de 1600 kg tout équipé, c’est du jamais vu et même de l’inespéré, compte tenu des contraintes de rigidité, de légèreté et de contrôlabilité en vol.
Le Solar Impulse est construit autour d’une sorte d’ossature en matériaux composites constitués de fibres de carbone et de nids d’abeilles assemblés en sandwich dans une matrice plastique.
L’aile est recouverte sur l’intrados d’un film flexible et sur l’extrados d’une peau composée de cellules solaires plastiques encapsulées. 120 nervures en fibres de carbone réparties tous les 50 cm profilent ces deux couches pour donner à l’ensemble sa forme aérodynamique.
Système de propulsion
Sous les ailes, 4 nacelles contiennent chacune un moteur et une batterie au lithium polymère constituée de 70 accumulateurs et d’un système de gestion contrôlant le seuil de charge et de température.
L’isolation thermique est conçue pour conserver la chaleur dégagée par les batteries et leur permettre ainsi de fonctionner malgré la température à 8500 mètres d’altitude : -40°C.
Chaque moteur a une puissance de pointe de 10 CV et est muni d’un réducteur limitant à 200-400 tours /minute la rotation d’une hélice bipale de 3,5 mètres de diamètre.
Le décor est de Roger Hart, la recherche est de Solvay
Solvay, première entreprise belge spécialisée dans la chimie en général et les plastiques en particulier, apporte à Solar Impulse son expertise dans plusieurs domaines notamment dans les plastiques ultra-légers et ultra-performants.
Au total, le Solar Impulse utilise 12 polymères et produits de Solvay et comprend 6.000 pièces produites avec eux.
Il y en a dans la boîte de commande de puissance, l’unité de contrôle sur moniteur, dans les fixations de batteries et les coussinets et bagues de précision. Et puis dans les billes pour roulements, boulons, vis, rondelles, axes, charnières, cales et autres pièces mécaniques de toutes formes et dimensions.
Les ultra polymères les plus utilisés pour ces applications sont le polyamide-imide Torlon®, le polyetherethercetone Primospire®, le polyphenylene Primospire® autorenforcé.
Le lubrifiant à base de PFPE, disposant d’une plage de température très étendue, permettra des vols dans des conditions de températures extrêmes (froides ou chaudes). C’est aussi la raison pour laquelle les nacelles du poste de pilotage et des moteurs ont été réalisées en mousse de polyuréthane.
Les polymères et les produits chimiques de Solvay permettront aussi d’augmenter les économies d’énergie et d’améliorer l’efficacité énergétique. Ils figurent dans les batteries au lithium dont ils augmentent la densité énergétique et constituent les films de protection ultra résistants pour les cellules photovoltaïques.
L'avion zero carburant
Envergure : 63,40 m (celle d’un Airbus A340)
Longueur : 21,85 m - Hauteur : 6,40 m
Motorisation : 4 moteurs électriques de 10 CV chacun
Cellules solaires : 11628 (10748 sur l’aile, 880 sur le stabilisateur horizontal)
Vitesse moyenne : 70 km/h - Altitude maximale : 8500 m
Poids : 1600 kg (celui d’une voiture moyenne)
Vitesse au décollage : 35 km/h (la puissance d’un scooter !)
«Si un avion est capable de voler nuit et jour sans carburant, propulsé uniquement par l’énergie du soleil, que personne ne vienne ensuite prétendre qu’il est impossible de faire la même chose pour des véhicules, des chauffages, des climatiseurs ou des ordinateurs. A travers ce projet, nous sommes convaincus que l’esprit pionnier et les visions politiques peuvent changer la société et venir à bout de la dépendance aux énergies fossiles.»
(Bertrand Piccard)
Pour en savoir plus:
Sur Solar Impulse : www.solarimpulse.com
Sur Solvay : www.solvay.com.