Les plastiques chamboulent l'industrie du jouet
Nostalgie, Nostalgie
Inutile de revenir à des temps très anciens, il y a à peine plus d’un demi-siècle, la majeure partie des jouets se composaient de métal ou de bois. La génération des actuels grands-parents les ont bien connus. Ils ne sont pas rares à la veille de Noël à aimer se replonger dans leur enfance en évoquant cette formidable petite auto en fer blanc peint ou cette si gracieuse poupée aux yeux de porcelaine…
Ces objets empreints de nostalgie ont effectivement disparu des catalogues depuis bien longtemps.
Un beau bébé plus que centenaire
Les premières matières plastiques sont apparues au XIXe siècle. Le Celluloïd a été inventé en 1869 pour remplacer l’ivoire, qui était notamment utilisé dans la fabrication des boules de billard. Dans cette même période apparaissait également la Bakélite, qui, une fois chauffée et durcie, avait le gros avantage de conserver sa forme initiale. Le pétrole était alors très bon marché, et l’industrie du jouet allait peu à peu s’emparer de ces nouveaux matériaux qui, à partir d’un même moule, permettaient de reproduire rapidement et en très grande série le même objet. Les premiers jouets en plastique, alors en Celluloïd, naissent donc dès la fin du XIXe siècle. Le plus emblématique reste certainement le baigneur aux cheveux blonds moulés et entièrement peints à la main. Toutefois c’est après la Seconde Guerre mondiale que le jouet en plastique devient incontournable.
Les Etats-Unis prennent le dessus
Dans les années 1930, l’Allemagne était l’un des premiers fabricants de jouets au monde. Ces jouets étaient massivement exportés vers les Etats-Unis. Or, la montée du fascisme et la guerre mondiale qui se prépare allaient considérablement mettre un frein à ce commerce intercontinental. Les petits Américains contempleront-ils un sapin désespérément vide ? Absolument pas, c’était mal connaître la réactivité de l’industrie américaine qui allait produire à tour de bras des jouets pour satisfaire leur considérable marché. Certes, durant la guerre, la production était encore limitée, les urgences industrielles ne se situant pas dans ce domaine… Mais, dès l’immédiat après-guerre, les fabricants américains enfonceront le clou et s’imposeront en Europe.
Le succès ne se fait pas attendre
Face à la demande toujours croissante de jouets, le bois et le métal ne sont plus adaptés à la production en masse. Dès la fin des années 1940, Fischer Price, alors une jolie PME âgée d’une petite dizaine d’années est la première firme à choisir le plastique pour l’ensemble de ses produits. Le succès est au rendez-vous, et fait des émules chez les concurrents comme Ideal, qui en quelques mois réussit le tour de force de vendre plus de trois millions de téléphones en plastique. Quant à Hasbro, il se fait un nom chez les garçons en commercialisant dans les années 1950 le fameux GI Jo qui se vendra à près de dix millions d’exemplaires pendant des années. Il faudra attendre la fin de cette décennie pour voir apparaître sur le marché celle qui allait devenir la star incontestée : la poupée Barbie dont les ventes aujourd’hui ont dépassé le milliard !
Ces chiffres « ahurissants » s’expliquent par le progrès réalisé par l’industrie plastique qui dès l’après-guerre développe de nouveaux matériaux.
C’est à cette époque que les plastiques thermodurcissables se généralisent. Ces plastiques désignent des polymères qui, sous l’effet de la chaleur notamment, se solidifient et se rigidifient et ce, de façon immuable. Le Celluloïd jugé dangereux à cause de son extrême inflammabilité laisse la place au vinyle qui imite si bien la peau et dont la texture est plus douce. Le polystyrène et le polyéthylène, très résistants, sont utilisés pour les jouets qui, tels que les dînettes, sont soumis à un usage intensif et souvent sans pitié de la part des enfants.
Toujours plus de créativité
Dès lors rien n’arrête le formidable essor des jouets en plastique.
Même la crise pétrolière des années 1970 n’en freine pas la production. Bien au contraire ! La demande est toujours là, aux fabricants de s’adapter. C’est ce qu’ils font avec, en prime, toujours plus de créativité en achetant par exemple des licences de personnages de dessins animés pour surfer sur les modes.
Formes, couleurs, fonctions, « jouabilité », résistance… sont autant d’avantages que confère le plastique. Aujourd’hui, les jouets en plastique représentent 90 % du marché.
L’industrie du jouet est bel et bien mature et ce, depuis déjà quelques décennies.
S’en contente-t-elle pour autant ? Ce serait la méconnaître et surtout sous-estimer nos enfants qui chaque année réclament leur lot de nouveautés et d’innovations.
De ce point de vue également, le plastique rend de nombreux services, car la mise en œuvre d’un nouveau jouet est d’une rapidité déconcertante tant les process de fabrication sont maîtrisés. Le reste est une question de marketing et de positionnement puisque plaire à ces consommateurs en herbe n’est pas une mince affaire !
Si les fabricants font preuve d’inventivité, c’est aussi pour permettre à celle des enfants de se développer. Les loisirs créatifs sont à la mode, et là encore le plastique y est pour quelque chose.
Prenons pour exemple Play Doh, encore une entreprise américaine, qui dès les années 1970, réinventait la pâte à modeler en imaginant une gamme de jouets mêlant plasticine (dont la formule est gardée secrète) et accessoires en plastique rigide. On y trouvait notamment ce clown facétieux aux cheveux en pâte à modeler qui lui sortaient de la tête sous la pression exercée par un piston.
De même le plus que centenaire Meccano, qui s’est fait un nom en proposant un jeu d’assemblage de pièces de métal, est aujourd’hui passé au plastique pour certaines de ses gammes.
Les bons vieux jeux de société se mettent au plastique
Un jeu de société c’est : une règle plus ou moins originale, des pions, des dés, un plateau et bien souvent des cartes… Et pourtant, même ces jeux-là font appel à la technologie du plastique pour se rendre encore plus attrayants. Tout a commencé à la fin des années 1960 quand MB (aujourd’hui Hasbro) présentait une nouvelle version de son jeu centenaire Destin. Au départ, il s’agissait d’un jeu aux règles simplistes, proches du jeu de l’oie, et à la présentation banale. Si les règles de base n’ont pas évolué, tout l’effort a porté sur le design : des bâtiments en trois dimensions et des ponts en plastique sont venus orner son plateau. Le résultat ne se fit pas attendre, ce fut un des grands best-sellers de la marque et la preuve que l’on pouvait relancer un jeu quelque peu désuet en le modernisant. Pour la concurrence, la leçon fit recette.
Aujourd’hui, le Monopoly aussi propose une version qui permet de bâtir des tours et des usines en plastique plutôt que de poser de simples petites maisons sur le plateau. Le jeu n’en devient que plus divertissant.