Paroles d'expert 3 min

« Mieux comprendre les interactions moléculaires est une des clés du biomimétisme »

Rencontre avec le docteur Dounia Dems, ingénieur physico-chimiste au CEEBIOS, le Centre Européen d’Excellence en Biomimétisme.
« Mieux comprendre les interactions moléculaires est une des clés du biomimétisme »
« Mieux comprendre les interactions moléculaires est une des clés du biomimétisme »

Le biomimétisme est particulièrement à la mode. Nouvellement créé, le Ceebios en est son centre  d’excellence. Pouvez-vous nous parler de cette structure ?

Le CEEBIOS est une association qui a pour objectif de promouvoir le développement du biomimétisme. L’idée est de mettre en commun nos savoirs pour susciter de nouveaux projets bio-inspirés.  Nous cherchons à imiter des systèmes et stratégies biologiques éprouvés par des milliards d’années d’évolutions. En nous inspirant de la nature, que nous nous efforçons de mieux comprendre, nous cherchons des solutions qui soient respectueuses de l’environnement. Le CEEBIOS se veut être une passerelle entre le monde universitaire et le monde industriel pour créer des synergies. De nouveaux outils méthodologiques sont développés pour appréhender cette approche de manière rigoureuse.

Il s’agit donc d’une association regroupant différentes disciplines. Quelle est votre spécialité ?

Je suis ingénieur en physico-chimie, et j’ai réalisé une thèse en chimie des biomatériaux. Je travaillais sur des matrices composites pour la régénération des tissus biologiques (nerfs, peau…). Aujourd’hui au CEEBIOS mon rôle est d’accompagner les projets innovants, de l’idée au développement avec des entreprises de R&D. Nous réalisons également une mission de formation, en particulier auprès des industriels, mais également de sensibilisation auprès du grand public. 

 

Le Ceebios a également pour mission de rapprocher le domaine scientifique du monde de industrie pour inciter ces derniers à explorer les voies du biomimétisme.

Votre démarche est très liée à l’environnement ; quelle est votre position vis à vis des polymères de synthèses ?

Dans le vivant il existe trois grandes familles de polymères : les protéines, les polysaccharides et les acides nucléiques. Ils sont composés d’éléments abondants (carbone, oxygène, hydrogène, azote et dans une moindre mesure souffre et phosphore) ce qui leur permet d’être recyclable biologiquement. De plus les processus de synthèse ont lieu à pression et température ambiantes, dans l’eau. Il est intéressant de voir qu’une composition aussi simple peut permettre des propriétés aussi intéressantes et différentes. Ce qui leur donne leurs caractéristiques telles que la multifonctionnalité, versatilité (auto-cicatrisant, adaptif), c’est leur structure à différentes échelles.

Ces polymères doivent être une source d’inspiration. Les ressources fossiles ne sont pas éternelles, et leur utilisation libère du CO2 dans l’atmosphère. Dans ce contexte, l’éco-conception est primordial et doit permettre d’améliorer les performances environnementales des produits. Le biomimétisme et les polymères naturels sont en ce sens une source d’inspiration importante.

 

Les polymères de synthèse trouvent leur place dans l’univers du biomimétisme. A plus forte raison s’ils sont facilement recyclables ou biodégradables.

Utilisez-vous systématiquement ce type de polymères ?

Pas toujours et c’est bien pour cette raison que les polymères synthétiques ont encore un grand avenir surtout s’ils sont facilement recyclables, éco-conçus, voire pour certains biodégradables. Les processus de recherche sont très longs et nous n’avons surtout pas pour ambition de tout révolutionner du jour au lendemain. D’ailleurs les industries pétrochimiques cherchent également des solutions pour rentrer dans le cercle vertueux de l’économie verte et le biomimétisme est un sujet qui les intéresse.

A ce propos, quels sont les axes majeurs de recherche dans votre secteur ?

C’est généralement assez confidentiel car ce sont des projets industriels de R&D. Je peux néanmoins citer quelques exemples. Ainsi les diatomées, une microalgue unicellulaire, nous fascinent. Ce plancton est capable de se confectionner une coque de verre à partir de la silice, dans l’eau et cela, à température et pression ambiante. Très à la mode également, la moule et son byssus, une colle qu’elle parvient à produire pour se fixer sur son support même dans l’eau de mer.

 

Les diatomées, une variété de microalgues ont la capacité à se confectionner une carapace de verre. La reproduction de ce processus est un des derniers défis des spécialistes du biomimétisme..

La nature a également beaucoup à nous apprendre sur sa conception de matériaux auto-cicatrisant, anti feu, adaptif… Ce ne sont que des exemples parmi d’autres mais je les ai choisis car ils concernent les matériaux, mon domaine d’application. 

© CNRS

 

Justement, le biomimétisme ne se limite pas aux matériaux…

Effectivement et c’est bien pour cela qu’il est passionnant. Tous les domaines sont concernés, les matériaux bien sûr, mais également plus généralement la chimie, l’énergie, la gestion de l’information, l’eau et l’architecture. Quel que soit le secteur, l’important est de permettre une communication entre discipline. En effet, il est rare d’avoir des biologistes dans ces équipes, il est donc important de réaliser des collaborations entre différents profils. L’interdisciplinarité des recherches est très certainement un atout considérable. Cependant, dans tous ces grands domaines le biomimétisme génère un grand enthousiasme et permet de faire évoluer les choses, ce qui me rend optimiste pour le futur.

 

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