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Plastiques : un grand pas vers l’économie circulaire
Le sort des plastiques usagés fait l’objet de bien des débats notamment en Europe, laquelle s’est fixé l’ambitieux objectif d’en recycler 50% (55% pour les emballages) d’ici 2030. Ces objectifs poussent les industriels à innover pour trouver rapidement des solutions. Parmi celles-ci, le recyclage chimique fait une grande percée. Mais le recyclage mécanique n’est pas en reste puisque, là aussi, la technologie avance.
Plastiques : un grand pas vers l’économie circulaire
Plastiques : un grand pas vers l’économie circulaire

Recyclage chimique : le chaînon manquant

Recyclage des plastiques : des enjeux environnementaux et… économiques

En un siècle, les plastiques n’ont cessé d’évoluer et leur succès est assurément considérable. S’ils font aujourd’hui débat, il ne faut pas oublier combien ils ont changé et amélioré notre vie quotidienne – meilleure conservation des aliments, allégement du poids des automobiles, protection des biens et des personnes, etc. Chaque année, environ trois cent cinquante millions de tonnes de polymères sont produites dans le monde. Evidemment, les usages des produits plastiques, parfois d’une très longue durée, ne sont pas éternels et il faut trouver une solution pour leur fin de vie. On le sait, l’enfouissement est la moins bonne des options. La valorisation énergétique – le fait de s’en servir comme source d’énergie – est une réponse mais elle n’est pas entièrement satisfaisante car il est tout de même dommage de percevoir un déchet plastique comme un simple combustible alors qu’il pourrait être une formidable ressource de nouvelle matière. La bonne nouvelle est que la prise de conscience est réelle et les idées abondantes.

 

Les plastiques rendent de grands services : grâce à eux les durées de conservation des aliments ont été considérablement allongées, les véhicules ont perdu des dizaines de kilos et consomment donc moins de carburant, les bâtiments sont mieux isolés, etc. Dans de nombreux cas, ils sont même recyclables. Autant de raisons de les considérer comme une ressource plutôt que comme un déchet.

Le coup de booster du recyclage chimique

Le recyclage mécanique – qui consiste à trier, broyer, laver, granuler puis fondre à nouveau la matière pour la transformer en de nouveaux produits – fonctionne très bien pour des objets constitués d’un seul polymère, un bidon en polyéthylène par exemple, ou pour ceux dont il est possible de séparer correctement les différents constituants. C’est moins vrai pour ceux composés de plusieurs polymères ou matériaux intimement liés (comme certains emballages alimentaires multicouches) ou les déchets souillés ou contenant des substances indésirables. Dans les faits, c’est un peu plus complexe, car il est parfois tout de même possible de recycler en mélangeant différents composants pour en faire un nouvel objet. Seule contrainte, ces matières recyclées ont alors souvent des performances moindres ; elles sont donc réutilisées pour des applications techniquement moins exigeantes que celles d’origine et dont le marché est limité (mobilier urbain, par exemple). Ceci étant dit, aujourd’hui, sur la totalité des emballages plastiques utilisés par les ménages, 50% se recyclent sans problème particulier.

 

Un polymère, constituant de tous les plastiques, est composé d’une longue chaîne de molécules qui se répètent. Revenir au monomère, la molécule de base, est l’un des principaux objectifs du recyclage chimique.

C’est donc pour les 50%* restants que le recyclage chimique suscite tous les intérêts, notamment ceux des industriels et de nombreuses start-up. Par recyclage chimique, il faut comprendre un processus qui casse le polymère pour le transformer en molécules plus courtes. L’objectif étant de revenir, en une ou plusieurs étapes, à un monomère, soit la matière première de tout polymère. Y parvenir permettrait de produire un polymère recyclé identique au polymère vierge et ainsi de pouvoir l’utiliser à nouveau dans les applications les plus exigeantes, comme celle des emballages alimentaires.

* Sources Citeo

Le recyclage chimique s’avère une voie indispensable pour répondre aux exigences de l’Union européenne notamment, qui impose des quotas de plastiques à recycler de plus en plus élevés. Ces obligations de recyclage ne sont pas les seules ; s’y ajoutent d’autres objectifs qui prennent en compte l’intégration de matières recyclées dans de nouveaux objets dont font bien évidemment partie les emballages. Ainsi, dès 2030, les bouteilles destinées aux boissons devront être composées au minimum de 30% de matières recyclées. Dans la très grande majorité des cas il s’agira de PET et dans une moindre mesure de PEHD.

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La collecte des bouteilles en PET est plutôt satisfaisante en Europe. Une bonne nouvelle, car d’ici 2030, ce polymère, après recyclage, sera réintroduit à hauteur de 30% dans les nouveaux emballages.

Ces bouteilles destinées aux industries agroalimentaires devront répondre à des normes sanitaires parmi les plus draconiennes. Ainsi, les polymères recyclés devront avoir exactement les mêmes qualités que les polymères vierges. Dans ce domaine, le recyclage chimique permet de satisfaire un tel niveau et c’est bien pour toutes ces raisons qu’il est destiné à se développer.

Les polymères s’offrent une cure de jeunesse

Pour comprendre les réactions en cause lors du recyclage chimique, il faut se rappeler que les plastiques sont constitués de longues molécules nommées polymères. En fait, il s’agit d’une chaîne dont les maillons – les monomères – se répètent. La nature du polymère dépend donc du monomère de base. La plupart des plastiques sont issus de ressources fossiles, notamment du gaz et du pétrole, et des sous-produits comme l’éthylène ou le propylène provenant du raffinage lors de la fabrication de carburants. Par recyclage chimique, on entend aujourd’hui deux technologies principales. D’une part la dépolymérisation, qui permet de revenir directement au monomère en rompant la chaîne à des endroits bien précis. D’autre part, le cracking (par pyrolyse, gazéification) qui est également une opération de découpage, non sélective, et qui conduit donc à une multitude de produits. Pourquoi plusieurs procédés ? Tout simplement parce que selon la nature du polymère et son aptitude à se décomposer en ses éléments de base, certains procédés seront plus adaptés que d’autres. Ainsi, la dépolymérisation sera possible avec notamment le PS, le PET ou le PMMA ; alors que le cracking sera nécessaire au recyclage des polyoléfines (PE, PP).

Dépolymérisation : retour aux sources pour les plastiques

Comme son nom l’indique, la dépolymérisation consiste à revenir à un état de monomère en découpant le polymère à des endroits bien précis. Il s’agit donc de retrouver l’état originel des plastiques, ce que les spécialistes nomment plastic to monomer. Trois technologies font actuellement l’objet de toutes les recherches.

La dépolymérisation thermique consiste à chauffer les plastiques à une température de l’ordre de 450°C pour obtenir une solution liquide contenant plus de 95% du monomère d’origine. Elle fonctionne particulièrement bien pour le PMMA et le PS. Le canadien Pyrowave ou l’américain Agylix proposent ainsi des procédés permettant, via cette technologie, de recycler le polystyrène (pots de yaourts, caisses isothermes, cintres, etc.) en styrène, qui pourra à nouveau servir pour la production de polymères styréniques. 

On parle de dépolymérisation chimique (solvolyse) lorsque l’on utilise un réactif pour décomposer la matrice polymère. Selon le réactif utilisé, la technique change de nom : hydrolyse lorsque le réactif est l’eau ; alcoolyse lorsqu’il s’agit d’un alcool ; glycolyse lorsque l’on utilise du glycol. Cette dernière est de loin la plus populaire. Les différentes techniques de dépolymérisation chimique sont en général utilisées sur des polymères issus de polycondensation comme le PET ou le PA. Le PET, le polymère notamment des bouteilles d’eau, est l’un des polymères dont le recyclage chimique suscite le plus d’intérêt ; il pourrait en effet permettre aux industriels du secteur d’atteindre les niveaux, élevés, d’incorporation de matière recyclée que la réglementation ou leurs propres engagements ont fixés.

 

Fruit d’un partenariat entre Ioniqa Technologies, Indorama Ventures, Mares Circulares et The Coca-Cola Company, les futures bouteilles de la marque américaine pourraient être fabriquées à partir de déchets plastiques marins. Les premiers prototypes tiennent toutes leurs promesses mais il faudra encore patienter quelques années avoir de les voir dans les rayonnages.

Parmi les exemples les plus notables, le néerlandais Ioniqa Technologie s’est ainsi rapproché de Coca-Cola afin d’être en mesure d’ici 2030 de fournir assez de rPET pour satisfaire les « futures normes » liées à l’emballage plastique. Le japonais Jeplan propose aussi de recycler par glycolyse le PET du textile ou des emballages, une solution qui permet de traiter les polymères opaques ou colorés. Enfin, c’est cette technique qui a été développée par l’italien Aquafil désormais bien connu pour son Econyl®, un polyamide fabriqué à partir de filets de pêche ou de moquettes usagés.

 

Depuis des années, la presse spécialisée se fait régulièrement l’écho de la dépolymérisation enzymatique et des fameuses enzymes gloutons capables d’absorber des quantités inouïes de plastiques. Il s’agit d’un raccourci, car ces enzymes ne se nourrissent pas de polymères mais se contentent, et c’est déjà très bien, de casser la chaîne moléculaire pour revenir à un monomère. Pour le moment, cette transformation tient toutes ses promesses pour des polymères comme le PET et le PLA. Son seul défaut est sa lenteur, puisqu’il faut plusieurs semaines à ces enzymes pour briser les chaînes.

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Des enzymes mangeuses de polymères… En réalité les enzymes se contentent de casser les chaînes polymères pour revenir au matériau de base. Cette technique est particulièrement efficace pour le PET et le PLA.

Cependant, le français Carbios a annoncé dernièrement avoir réussi à modifier génétiquement les enzymes pour qu’elles soient en mesure de « digérer » les polymères en moins de 20 heures dans une cuve maintenue à 60°C.


Cracking par pyrolyse, gazéification : coup de chaud pour les polymères

Si passer du monomère au polymère est relativement simple, le contraire ne l’est pas toujours… Dans certains autres cas, cela passe par la technologie de la pyrolyse. Ce processus consiste à craquer le polymère pour obtenir de plus petites molécules.

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Après avoir été chauffés à de fortes températures, les polymères sont craqués et seront ensuite transformés en un nouveau polymère vierge.

Pour ce faire, les polymères sont chauffés à des températures comprises entre 350 et 650°C en l’absence d’oxygène. Il en ressort notamment une huile qui, une fois transformée (dans un vapo-craqueur), sera réutilisée pour former un nouveau polymère vierge. Il existe également une technique dite de gazéification qui consiste à chauffer très rapidement les polymères à des températures pouvant aller jusqu’à 1 200°C pour en tirer ainsi un volume de gaz encore plus important.

La principale différence avec la technique de pyrolyse concerne le volume d’oxygène bien plus élevé dans le cadre de la gazéification. Ce procédé aboutit à la production d’un gaz de synthèse. Ces techniques, en particulier celle de recyclage par pyrolyse, sont actuellement développées par de nombreuses sociétés productrices de plastiques : Sabic, BASF (Chemcycling), ou encore Dow. La technologie de gazéification fait aussi l’objet d’un projet important aux Pays-Bas avec la technologie Enerkem.  

La dissolution : un procédé à part pour les fondus de polymères

Autre procédé, la dissolution permet d’isoler les chaînes moléculaires sans pour autant les casser. Il n’y a donc pas de modification chimique du polymère. Autrement dit, cette technique permet un recyclage du polymère sans passer par la case monomère. Cette technologie, qui ne peut donc pas être strictement qualifiée de recyclage chimique, présente cependant de nombreux avantages. Le polymère est purifié et peut être ainsi débarrassé d’additifs ou de contaminants. Sur le papier, il s’agit quasiment du procédé idéal car il réclame très peu d’énergie, et les solvants utilisés, comme l’acétone ou le styrène, peuvent être facilement récupérés après usage.

Dernièrement, l’allemand APK a annoncé avoir réussi à créer un solvant capable de séparer les emballages multicouches pour revenir aux différents polymères assez purs pour entrer dans la composition de nouveaux emballages destinés à l’alimentation ou aux cosmétiques. Aux Etats-Unis, Purecycle Technologies s’intéresse au PP (polypropylène), un des polymères les plus utilisés dans le monde : il se dit en effet capable de recycler d’ici 2021 par procédés chimiques 50 000 tonnes/an de PP même si celui-ci est particulièrement souillé. Chez Polystyvert, son voisin canadien, on dissout le polystyrène dans une huile essentielle pour lui redonner les caractéristiques d’une résine vierge. Le tour de force repose sur le procédé de purification qui permet d’éliminer tous les types d’impuretés. Une belle avancée quand on sait que le polystyrène gris souvent utilisé dans le bâtiment est aujourd’hui très peu recyclé.

Liens :
https://ioniqa.com/
www.jeplan.co.jp/en/
www.aquafil.com/
https://carbios.fr/
www.sabic.com
www.basf.com/
https://dont-waste.dow.com/en-us
https://purecycletech.com/
https://enerkem.com/
www.polystyvert.com

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