Paroles d'expert 6 min

Le plastique affirme ses couleurs sur le Vendée Globe

Le skippeur italien Alessandro Di Benedetto est un homme heureux ; dans quelques jours il alignera son monocoque au départ du Vendée Globe, la course autour du monde sans escale et en solitaire. Heureux qui, comme Ulysse, va faire un beau voyage… grâce à l’industrie plastique. Rencontre avec Alessandro Di Benedetto et Didier Elin, président de Team Plastique.
Le plastique affirme ses couleurs sur le Vendée Globe
Le plastique affirme ses couleurs sur le Vendée Globe

Etre présent sur la ligne de départ est déjà une victoire en soi tant la recherche de sponsor est compliquée. Comment avez-vous trouver les vôtres ?

J’ai eu beaucoup de chance ! Je me suis trouvé au bon endroit au bon moment. C’était en 2010 et je venais de boucler un tour du monde en solitaire sur un petit voilier de 6,5 m. Mon équipe et moi fêtions mon retour dans un restaurant, quand un monsieur que je ne connaissais pas est venu me féliciter. C’était Didier Elin, le patron de la société Team Plastique.

Didier Elin, c'est vraiment de cette façon que les choses se sont faites ?

Absolument, mais je ne me suis pas laissé embarqué dans l’aventure tout de suite. Alessandro m’a fait part de son projet de participation au prochain Vendée Globe et m’a « aimablement » proposé d’être son sponsor. C’était tentant mais cela me paraissait impossible tant le budget requis semblait inaccessible à une PME comme la nôtre. Je n’ai toutefois pas fermé la porte et ai accepté d’y réfléchir… J’ai étudié la question de très près en pensant qu’il pouvait y avoir là, pour nous, les sous-traitants, une formidable opportunité de communiquer et d’être, pour une fois, sur le devant de la scène.

 

Team plastique... Le nom de votre entreprise était un peu prédestiné, non ?

On peut le dire, et pourtant jamais je n’aurais imaginé, lors de la création de la société, il y a vingt-cinq ans, que son nom serait apposé sur la coque d’un bateau de course. Team Plastique est une seule et même entreprise spécialisée dans le thermoformage plastique sur mesure. Toutefois, si nous sommes le sponsor principal, d’autres entreprises partagent notre aventure (voir encadré).

 

 

Les plastiques tienent une part très importante dans la fabrication d'un bateau. Vous êtes-vous impliqués dans la construction de celui-ci ?

Pas dans la construction, pour la simple et bonne raison que nous avons acheté un bateau déjà existant. C’est même le plus ancien de cette édition du Vendée Globe, puisqu’il est sorti des chantiers en 1998. Toutefois, un bateau de course est une mécanique de précision qu’il convient de sans cesse améliorer. C’est sûr qu’en étant du métier les choses ont été plus simples. Nous maîtrisons les matériaux et leurs mises en forme. Après avoir mis quelques kilogrammes supplémentaires dans la quille, nous avons dû renforcer certaines structures. Nous avons également changé tous les réservoirs. Avoir un spécialiste du rotomoulage avec nous a considérablement aidé à la tâche. Autres travaux importants : le changement de moteur. Celui-ci a nécessité la fabrication de nouveaux supports bien évidement en plastique.

Voyez-vous aussi l'occasion de donner une image plus «green» des plastiques ?

Assurément, même si je désespère qu’en 2012 nous ayons encore besoin de nous justifier. Team Plastique est ISO 14001. Selon sa définition, cette norme donne à la direction, au personnel et aux parties prenantes extérieures l’assurance que l’impact environnemental fait l’objet de mesures et d’améliorations. Dans nos entreprises, tous les déchets sont triés et recyclés. Certes la norme ISO nous y oblige, mais nous la respectons aussi parce que nous avons un tempérament écologique et savons que nos ressources sont limitées. Nous sommes tout sauf des inconscients.

 

Un avis que partage aussi Alessandro ?

Je suis parfois effaré quand je croise, au gré de mes navigations, des déchets flottant entre deux eaux. Bien entendu, cela me met en colère, mais qui est le responsable, le fabricant ou l’usager qui l’a jeté ? Arrêtons de nous voiler la face, les matériaux plastiques ne sont pas plus polluants que les autres. On cite souvent le verre en exemple. D’où croyez-vous que vienne l’énergie nécessaire à son recyclage ? Des matériaux fossiles bien évidemment ! Combien de temps mettra une canette de bière à disparaître une fois au fond des mers ? Et qu’on n’aille pas me dire que cela fait un excellent refuge pour les crabes. C’est archi-faux ! Les industriels sont des gens écoresponsables, il y va d’ailleurs de leur intérêt.

 

Et «Monsieur tout le monde» l'est-il lui aussi ?

C’est un autre problème, et il est beaucoup plus compliqué à gérer puisqu’il relève de l’éducation et de la citoyenneté. Lorsque l’équipage d’un cargo balance par-dessus bord ses déchets, certains coulent, d’autres non et restent visibles. Le plastique est hélas de cette catégorie, dans laquelle se trouve aussi le bois qui, même s’il se dégrade plus rapidement, peut occasionner des dommages très importants sur les coques de nos bateaux. Montre-t-on pour autant du doigt le bois ? Mais revenons aux marins, et plus particulièrement aux coureurs océaniques. Il y a encore quelques années, nous jetions nos déchets à la mer sans nous poser de question. Nous pensions qu’ils allaient rapidement disparaître. Nous avons pris conscience des choses. Aujourd’hui nous rapportons tout à terre.

Ces déchets ne sont-ils pas trop encombrants ?

Non, ils prennent même très peu de place. Heureusement, nous n’embarquons plus de bouteilles d’eau. Nos bateaux sont maintenant équipés de déssalinisateurs qui nous permettent de produire de l’eau potable à partir de l’eau de mer. Nous n’avons donc plus à gérer les bouteilles vides qui, bien que légères, envahissaient peu à peu notre espace vital. Notre principal déchet provient de l’emballage des aliments lyophilisés. Ces poches plastiques, une fois vides, se compactent très facilement et prennent très peu de place. Quant à leur poids, il est insignifiant. Pourquoi donc les mettre à la mer ? Dans un autre domaine lié à l’environnement, je tiens à ajouter que nos bateaux sont équipés de panneaux solaires voire d’éoliennes réduisant ainsi l’utilisation du groupe électrogène – fonctionnant au gasoil – pour alimenter nos appareils électroniques.

Alessandro, pouvez-vous nous parler de vous ?

J’ai une quarantaine d’années et je suis désormais skippeur professionnel. Avant ça, j’étais ingénieur géologue. J’ai découvert la voile à l’âge de 6 ans et je crois que, depuis, je n’ai jamais cessé de la pratiquer. Toutefois, je me classe plus dans les aventuriers que dans les régatiers purs et durs. Pour moi, la voile sportive, c’est avant tout de grands espaces et l’horizon à perte de vue. Si je vais prendre le départ pour la première fois du Vendée Globe, ce n’est pas pour autant mon premier tour du monde en solitaire, puisqu’en 2010 j’en ai effectué un sur un bateau trois fois plus petit que celui sur lequel je navigue actuellement. Cette magnifique aventure a été récompensée du Rod Stephens Seamanship Trophy que j’ai reçu des mains du Commodore du Cruising Club of America, Sheila McCurdi.

Quelles sont vos ambitions pour cette édition du Vendée Globe ?

La première est de boucler mon parcours. Les amateurs de voile savent de quoi je parle. Pour les autres, il faut savoir que généralement seul un bateau sur deux effectue sa circumnavigation. Les autres abandonnent bien souvent à la suite de casse de matériel. J’ai un bateau déjà ancien qui peut difficilement prétendre à la victoire, ainsi je compte le « chouchouter » pour le mener à bon port en évitant de me mettre dans des situations trop difficiles dans l’espoir de gagner quelques minutes… Je ne suis toutefois pas en croisière, je connais les mers du grand Sud – sous la quarantième latitude sud – et je sais que la moindre erreur peut se payer très cher. Mon bateau a donc encore été optimisé et je sais que l’équipe de Team Plastique a fait un excellent boulot. Je leur dois donc un exploit ! Passer sous la barre des cent jours serait un beau cadeau que je pourrai leur faire.

Un ensemble d'entreprises de la plasturgie 

Team Plastique n’est pas l’unique sponsor du bateau d’Alessandro. D’autres sous-traitants partagent cette aventure. Nous y trouvons l’Océane des Plastics, un spécialiste du rotomoulage, le chaudronnier plastique Jouin Solutions Plastiques, et enfin Germay Plast’ic pour qui l’injection plastique n’a plus de secret.

 

 

Etre sponsor du Vendée Globe : quel intérêt pour un entrepreneur ?

Le point de vue de Didier Elin.
D’un point de vue entrepreneurial, nous attendons beaucoup car nous espérons gagner de nouvelles parts de marché. Nous avons là une très belle vitrine visible au moins pendant plusieurs mois. Plus que de nous faire connaître auprès du grand public, nous désirons avant tout renforcer notre notoriété auprès de nos clients et prospects. Bâtir un tel projet aiguise bien des curiosités. Si nous travaillons pour l’industrie aéronautique, automobile ou encore agroalimentaire, nous sommes aussi particulièrement bien implantés dans l’industrie nautique. Depuis que nous avons annoncé notre participation au Vendée Globe, nous ne sommes plus perçus comme de « simples » fournisseurs.

 

Nous avons désormais une valeur ajoutée et je peux vous affirmer que cela vaut toutes les campagnes de communication du monde ! J’aimerais aussi avoir un petit mot pour nos équipes qui s’investissent à fond dans ce programme. Elles se sont accaparées le dossier et n’hésitent pas à mettre la main à la pâte. La cohésion et l’esprit d’équipe sont toujours une force de Team Plastique, et je suis heureux de retrouver cet élan pour notre projet « Vendée Globe » !

Les bateaux du Vendée Globe s’élanceront le 10 novembre du port des Sables-d’Olonne. Vous pourrez suivre la progression d’Alessandro sur : http://www.teamplastique-voile.com/

POUR EN SAVOIR PLUS


d.gallais@teamplastique.com

Cet article vous a plu ? Vous allez aimer les suivants !