Paroles d'expert 4 min

Du labo à l’expérimentation in vivo, une nouvelle approche de l’innovation

Entretien avec deux protagonistes du projet Smart House, la première maison expérimentale, en Europe, permettant de tester le comportement de matériaux plastiques dans l’habitat : Virginie Delcroix, Directeur Recherche et Développement de Bostik en Europe du sud et Jean-François Chartrel, Responsable du Développement de Nouveaux Business – R&D Amont d'Arkema.
Du labo à l’expérimentation in vivo, une nouvelle approche de l’innovation
Du labo à l’expérimentation in vivo, une nouvelle approche de l’innovation

Dans quel contexte ce projet a-t-il été mis en œuvre ? 

Virginie Delcroix : La réalisation de la Smart House s’inscrit dans la continuité logique de l’installation du nouveau Centre de Recherche et Développement de Bostik, à Compiègne, en France et de l’acquisition de cette société par Arkema, en 2015. 
On peut ainsi considérer cette maison laboratoire comme l’instrument commun, pour la recherche appliquée, de la société la plus fortement tournée vers la Construction et de toutes ses autres filiales d’atouts technologiques dans ce domaine. Au-delà, il constitue même une plateforme collaborative, voire prospective, pour tous les partenaires impliqués dans notre stratégie d’innovation.
Pour tous, cette synergie est d’autant plus profitable qu’elle est orientée sur les priorités du secteur de Construction.

C’est pourquoi nous concentrons les projets de Recherche et Développement à mener dans le cadre de la Smart House sur quatre axes : l'environnement, l’efficience énergétique, le confort et la santé…

En quoi la Smart House est-elle différente d'une habitation ?

V. Delcroix : En termes de conception et de mise en œuvre, elles ont peu de choses en commun. Les deux premières étapes de la réalisation de cette maison de 160 m2 ont duré respectivement 18 mois. Soit un délai relativement long pour planifier une construction de cette taille et tout à fait extraordinaire pour son exécution. En fait, la conception ne constituait pas le volet le plus délicat pour l’architecte et le bureau d’étude dans la mesure où nous avions déjà élaboré un cahier des charges précis en fonction de nos priorités en matière de Recherche et Développement. 
En revanche, la vocation expérimentale du bâtiment a posé de sérieuses difficultés sur le chantier.

Elle imposait parfois des méthodes peu conventionnelles au regard des règles de l’Art en vigueur dans les métiers du Bâtiment comme l’installation d’équipements différents remplissant la même fonction : les installations photovoltaïques, par exemple, ou encore les panneaux de façade collés alternant avec les bardages accrochés. 
Dans le même temps, la mise en œuvre de ces produits et solutions destinés à l’expérimentation ne souffrait aucune marge d’appréciation et il a été parfois nécessaire de les déposer, en cours de chantier, pour en recommencer l’exécution.

En quoi, ce bâtiment est-il réaliste, alors ?

Jean-François Chartrel : Pas sur le plan économique, de toute évidence, car le coût de sa réalisation dépasse de beaucoup celui des bâtiments les plus sophistiqués construits aujourd’hui. Cela ne signifie pas pour autant que la Smart House n’est pas habitable. En effet, si l’on fait abstraction des quelques 200 capteurs et autres actionneurs nécessaires à la simulation, dispositif qui, entre parenthèses, explique en grande part les surcoûts exorbitants de cette maison de 160 m2 – son fonctionnement repose sur des matériaux, des systèmes de construction et des équipements domotiques actuellement sur le marché ou en phase finale de développement. Et pour cause ! Notre objectif n’est pas de faire rêver le public sur l’habitat du futur. Il s’agit plutôt d’évaluer des solutions actuelles d’Arkema et de ses partenaires destinées à l’habitat, dans différentes configurations… Pour améliorer leurs performances ou valider leur mise sur le marché.

Cette maison expérimentale est donc parfaitement réaliste au regard des exigences les plus élevées en matière de confort. Bien qu’elle soit occupée par des habitants « fantômes » en Altuglass, son fonctionnement est le reflet fidèle des besoins et des activités d’une famille dont les membres entrent et sortent plusieurs fois par jour, cuisinent, reçoivent des amis, s’agitent parfois, en modifiant la température, l’hygrométrie ou la qualité de l’air intérieur… Différents scénarios ont été définis à cet égard lors de la mise en service de la Smart House. Ce qui n’exclut pas des modifications, à l’avenir, y compris en ce qui concerne les solutions techniques que nous testons.

Quelles sont les évolutions envisagées dans un proche avenir ? 

JF Chartrel : Au terme d’à peine une année de tests sur le dispositif initial, nous ne disposons pas encore de tous les éléments pour dresser un bilan complet. Cependant, quelques pistes se dessinent. Nous savons par exemple que la production photovoltaïque s’établit à environ 26 MWh depuis l’ouverture, il y un an. Ce qui ne couvre pas tous les besoins énergétique compte tenu des intermittences dans la production comme dans la consommation. Ce qui nous permet d’envisager, à l’avenir, d’adjoindre à l’installation de la Smart House, des systèmes de stockage d’énergie domestique pour tester par exemple les résines PVDF (polyfluorure de vinylidène) Kynar® développées par Arkema pour les batteries des véhicules hybrides et électriques.

Dans un tout autre registre, lié à l’hygiène et à l’environnement, nous allons sans doute bientôt expérimenter le recyclage des colles et des revêtements de sol souples destinés à l’hôtellerie et au secteur hospitalier où ces matériaux doivent être changés fréquemment. Ce n’est pas une préoccupation majeure dans l’habitat résidentiel mais, inévitablement, elle s’imposera là aussi, à terme.

La Smart House n'est-elle pas une vitrine pour vos innovations ?

V. Delcroix : L’intérêt de cette maison expérimentale en termes de communication n’est évidemment pas négligeable mais il reste secondaire. En témoigne d’ailleurs sa fréquentation. Les visiteurs que nous accueillons sont d’abord des chercheurs, des ingénieurs ou des experts de la Construction, travaillant dans les autres branches du groupe Arkema, chez ses partenaires industriels ou des universitaires. Viennent ensuite des investisseurs et des responsables en charge des politiques urbaines, partout dans le monde… Et seulement après les professionnels du marketing et de la communication.
La Smart House n’est d’ailleurs pas vraiment conçue pour des visites en groupe en raison du dispositif qui assure le monitoring de son fonctionnement et des essais en cours… En outre, il est difficile pour les non-spécialistes d’en comprendre le fonctionnement.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons créé un show-room qui est la véritable vitrine du projet et de nos savoir-faire et où les solutions et les produits testés dans la Smart House sont présentés de manière plus didactique

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