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Des polymères dopés pour des performances de plus en plus ciblées

Entretien avec Ronald Hopp, fondateur du bureau d’ingénierie franco-allemand Expert Business Development, spécialisé dans les applications des polymères techniques haute performance.
Des polymères dopés pour des performances de plus en plus ciblées
Des polymères dopés pour des performances de plus en plus ciblées

Les polymères les plus performants sont connus pour leur résistance à des températures élevées en utilisation continue. Est-ce leur seul intérêt ? 

La famille des polymères haute performance regroupe une quinzaine de matières… La plupart d’entre elles, découvertes il y a plus d’un demi-siècle, ne sont pas vraiment nouvelles. Toutes constituent néanmoins un formidable support d’innovations grâce aux améliorations qui leur ont été apportées depuis une quinzaine d’années.
Lié initialement à leur tenue à haute température, de 150°C à 260°C en continu, leur intérêt s’est affirmé lorsque l’automobile, l’aéronautique et d’autres secteurs de l’industrie ont cherché des matériaux de substitution au métal.
Désormais, ces polymères font l’objet d’améliorations constantes pour satisfaire à des critères spécifiques : le comportement au feu, la facilité de mise en œuvre, de coloration ou la fluidité, la résistance à l’usure dans les pièces de frottement ou aux sollicitations mécaniques voire la biocompatibilité…

Y-a-t-il une limite théorique à la résistance thermique des polymères issu du pétrole ?

Le chimiste qui se place dans une logique de recherche fondamentale vous répondrait qu’il est théoriquement possible de repousser les limites actuelles de thermostabilité bien au-delà des 400°C.  
S’il travaille dans une optique industrielle, en revanche, il ne verra pas l’intérêt d’engager, actuellement, la compétition, pour les performances thermiques au niveau des métaux ou des matériaux céramiques. Il va plutôt chercher, à améliorer les performances utiles de son polymère dans le cadre des normes actuelles, par exemple, en ralentissant sa dégradation ou en augmentant sa résistance dans la durée…

 

En somme, l'innovation dans ce domaine procède à de petites améliorations, à la marge 

En un sens, oui, l’évolution procède d’avancées par petits sauts qualitatifs. Mais elle est permanente car motivée par la concurrence entre les quelques industriels qui maîtrisent l’éventail de polymères haute performance aujourd’hui sur le marché. 
De plus, les enjeux économiques de ces progrès très ciblés sont considérables. Imaginez que les prix de la plupart des polymères haute performance oscillent entre 40 et 80 € le kilo soit 10 à 20 fois celui des plastiques courants. 
Or, il suffit parfois d’améliorer leurs conditions de mise en œuvre d’une résine pour leur ouvrir de nouvelles niches, dans l’aéronautique et doubler la mise, avec des prix de 150 ou 180 € le kilo.

Est-ce que ce monde d'innovation «à petitis pas» ne limite pas la découverte de nouveaux matériaux plastiques ?

Je ne le crois pas. L’évolution des matières plastiques fonctionne à deux vitesses : un rythme lent pour la découverte des molécules de base et des innovations rapides dans les familles de polymères dérivés. Entre l’adjonction de charges additives, les alliages de polymères ou les modifications de la structure moléculaire, les améliorations possibles de la molécule de base sont innombrables. Avec des résultats parfois étonnants. Ainsi, en augmentant le degré de polymérisation, c’est-à-dire en allongeant les chaînes de molécules, on parvient à « booster » littéralement des matières très classiques comme le polyéthylène, entré dans le club des polymères très technique grâce à son dérivé à « poids moléculaire ultra-haut (UHMWPE). Très prometteuse, cette démarche présente un double avantage : elle permet de doper les propriétés d’une matière de commodité tout en conservant sa capacité de transformation initiale, utile pour fabriquer des produits en grande série.

Quels sont les enjeux actuels de la substitution plastique-métal ?

Cette logique s’est imposée dès la première crise pétrolière dans tous les domaines industriels liés au transport terrestre ou aérien. Il s’agit évidemment d’alléger les véhicules pour réduire la consommation de carburant, en concevant des pièces avec multifonctionnalités intégrées. 
Depuis lors, sont venues s’ajouter d’autres exigences qui recouvrent des enjeux considérables : la question climatique, la consommation de matières premières et, de plus en plus, des impératifs de compétitivité industrielle. 
Par exemple, il fallait environ 2000 pièces en alliage léger et 50000 rivets pour façonner une dérive d’Airbus, il suffit désormais d’une centaine de pièces composites assemblées par co-cuisson.

En 1965, structure d’un DC9 ne comportait que 0,5% de pièces composites, elles représentent maintenant 20% de la structure d’un Airbus.
Dans cette logique, les polymères haute performance ne cessent de gagner du terrain dans tous les domaines du transport. Ils ont pris l’avantage dans les aménagements intérieurs, progressent dans les applications de structure et même dans la motorisation. Dans ces derniers bastions du métal, on ne mise plus sur la substitution au sens strict mais plutôt des technologies d’hybridation plastique-métal pour fabriquer des pièces combinant les avantages des métaux (rigidité, résistance, ductilité) et ceux des plastiques (légèreté, autolubrification, résistance à la corrosion).

 
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