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Bioinspirés, la nouvelle vie des polymères
S’inspirer de ce que la nature fait de mieux : voilà la raison d’être du biomimétisme, cette science qui, sans être spécialement récente, a trouvé un nouveau souffle notamment grâce aux polymères, ceux-ci montrant, une fois de plus, un incroyable sens de l’adaptation.
Bioinspirés, la nouvelle vie des polymères
Bioinspirés, la nouvelle vie des polymères

Voyage au coeur de la matière pour les polymères

Déjà comprendre pour mieux reproduire

Les chercheurs en biomimétisme ne se contentent pas de copier la mécanique de la nature. Et c’est même une tendance assez nouvelle de cette discipline, qui cherche désormais à s’inspirer de ce que fait la nature à l’échelle moléculaire. Ainsi, de nouveaux matériaux, le plus souvent des polymères, sont testés chaque jour dans de nombreux laboratoires. Pour ce faire, les scientifiques disposent désormais d’outils qui leur permettent de plonger littéralement au cœur de la matière, comme le microscope à effet tunnel. Les pistes sont nombreuses : ailes du papillon, fils d’araignée, peau de requin… L’idée est de reproduire chimiquement, à des échelles nanométriques donc, les étonnantes capacités biomoléculaires de certains animaux. Pour cela, il existe un prérequis essentiel : comprendre comment fonctionne la nature ! Et dans de nombreux cas, une importante part de mystère reste à résoudre.

chercheuse

Gecko et polymères se mettent à la colle

Pour les spécialistes du biomimétisme, le gecko, une espèce de lézard que l’on trouve à peu près partout dans le monde, est un emblème. Il est même parfois considéré comme ce que la nature fait de plus époustouflant. Comme d’autres lézards et insectes, cet animal est capable de marcher sur un plafond. C’est déjà pas mal, mais là où il fait très fort, c’estgecko qu’il est capable de supporter, sans se décrocher, un poids de plus de 40 kg alors qu’il pèse moins de 100g. Son secret réside dans le « design » de ses pattes. Pour faire simple, les doigts du gecko sont composés de millions de poils de kératine dont le diamètre à la base n’est que de quelques microns. À leur extrémité, ces poils se scindent en poils encore plus fins qui se terminent par une structure en spatule. A cette échelle moléculaire, une force entre en jeu, celle de Van der Walls. Très schématiquement, il s’agit d’une force capable de lier entre eux des atomes ou molécules. Bref, le secret du gecko repose donc sur la structure microscopique de ses poils.

Si reproduire ces poils dans un matériau synthétique est devenu une obsession pour les chercheurs, le constructeur automobile Ford a décidé de prendre les choses en main en se donnant des moyens conséquents. Il faut en effet comprendre que l’industrie automobile est un grand consommateur de pièces plastiques, et quforde celles-ci sont pour la plupart assemblées grâce à des colles souvent difficilement lavables, ce qui complique le recyclage des plastiques. L’objectif est donc clair : se passer des colles en mettant à profit l’effet gecko pour faire adhérer les pièces entre elles. La route est encore longue, et prudemment, Ford ne s’est pas fixé d’échéances. Pour avancer plus vite, le constructeur s’est associé avec le chimiste Procter & Gamble afin de passer en revue un grand nombre de polymères et de tenter de faire évoluer leur formule moléculaire pour reproduire la forme des fameux poils du gecko.

Du polyuréthane pour futur spiderman

L’araignée intrigue également, et c’est plus particulièrement son fil qui pique la curiosité car il est parfois considéré comme le matériau le plus solide du monde. Solide n’est pas vraiment le mot le plus approprié, car une petite paire de ciseaux suffit pour en venir à bout. En revanche, ce qui impressionne les scientifiques c’est l’étonnante énergie qu’il faut mettre en œuvre en étirant le fil pour lui faire atteindre son point de rupture. Et pour cause, le fil semble capable de s’étirer « à l’infini » avant de rompre. Une équipe française a peut-être percé ce mystère, et cela n’a rien à voir avec la formule moléculaire de la soie d’araignée. Schématiquement, l’araignée produirait en même temps que son fil des gouttelettes d’une sorte de glu dans lesquelles serait emmagasinée une réserve de fil. Ainsi, lorsque le fil est étiré, il se déroule et, au contraire, se rembobine s’il est comprimé.

soie araignée

Une équipe internationale s’est approprié cette découverte et tente de reproduire chimiquement la soie. Seul problème, le fil doit avoir un diamètre compris entre 2 et 5μ pour pouvoir fonctionner. Pour information, un cheveu en fait 80. A l’heure actuelle, l’éthanol et le polyuréthane semblent avoir les mêmes propriétés. Verra-t-on prochainement ce nouveau matériau ? Difficile à dire, mais une chose est certaine, ses applications seront nombreuses, allant du gilet pare-balles en passant par les vêtements de sport ou même les prothèses médicales, car cette fibre serait bien plus résistante que le Kevlar.

Les polymères papillonnent de découverte en découverte

Les aaile papilloniles de papillon sont également un sujet sans fin pour la recherche, tant leur capacité à se jouer de la lumière est fabuleuse. On en connaît maintenant la raison, qui est liée à la structure de leurs écailles. Chaque écaille est striée, créant ainsi un réseau propice à la diffraction de la lumière. Mais ce n’est pas tout, une écaille n’est pas monobloc, elle est constituée d’un empilement de lamelles de chitine (un des composants des exosquelettes des insectes), renforçant ainsi l’effet d’iridescence produit par les ailes. En d’autres termes, les ailes changent de couleur en fonction de l’angle de vue de l’observateur ou de l’éclairage. Un phénomène bien pratique dans la nature pour échapper à un prédateur… L’effet irisé des ailes de papillon intéresse les professionnels du textile qui cherchent à en reproduire les effets.

Pour le moment, ils espèrent l’obtenir en tissant deux fibres différentes, dont une composée d’un polymère semi-transparent capable de renvoyer la lumière. Reste encore à trouver la méthode de tissage pour se rapprocher de la structure striée des écailles du papillon.

Le Greta Oto, un papillon que l’on trouve en Amérique centrale, a, quant à lui, des ailes quasi transparentes qui ne reflètent pas la lumière, ce qui le rend prpapillonesque invisible. Là encore, cette propriété si peu commune est due à la structure des ailes. Leurs écailles sont composées de colonnes mille fois plus fines qu’un cheveu et sont réparties de façon chaotique. La lumière dispose ainsi de très peu de surface pour se refléter. Cette découverte devrait ouvrir la voie à de nouveaux types d’écrans sur lesquels les effets de reflet seraient à jamais bannis. Après avoir appris à conduire l’électricité, notamment dans le cadre des écrans souples, les polymères, s’ils parviennent à échapper aux effets lumineux, pourraient bien s’affirmer comme incontournables dans la fabrication des futurs écrans de tablettes et téléphones.

Le requin chasseur de bactéries

On connaît déjà la combinaison de nage en polyuréthane ultrafin qui s’inspire des motifs de la peau de requin. Celle-ci avait triomphé en 2008 quand, grâce à elle, près d’une quarantaine de records de natation avaient été battus. Cette combinaison reprend les rugosités de la peau de requin qui, une fois en mouvement, créent des turbulences qui réduisent la traînée de 5%. Ce qui est largement suffisant pour battre un record ! Depuis, elles sont interdites en compétition, car elles désavantagent ceux qui n’en ont pas. Mais la peau de requin a d’autres ressources. Là, il n’est plus question de vitesse mais plutôt de chasse aux bactéries. En effet, les biologistes se sont longtemps demandé pourquoi, contrairement aux baleines et autres phoques, aucune algue ne venait se développer sur leur peau. De là à en conclure qu’aucun organisme vivant, comme une bactérie par exemple, ne pouvait y adhérer, il n’y avait qu’un petit pas à franchir.

Speedo

 

Après de multiples denticulepassages au microscope, les chercheurs en ont conclu qu’effectivement la peau de requin était insensible aux attaques organiques, car composée de millions de minuscules denticules en forme de pointe qui empêchent tout organisme vivant de s’y déposer. La société américaine Sharklet a su mettre à profit cette particularité en développant un nouveau type de revêtement, composé lui aussi de denticules de 3μ. D’un point de vue technologique, le tour de force a été de reproduire les micro et nanomotifs de la peau du requin sur un film polymère. La nature du film et la technique de fabrication sont sans surprise gardées secrètes ; seule certitude, il s’agit d’un procédé de moulage par injection. Ce nouveau revêtement sans produits chimiques et sans antibiotiques a d’ores et déjà de nombreuses applications, notamment à l’hôpital.

Il s’applique dans des salles d’opération, sur les poignées de porte ou des dossiers médicaux qui passent de main en main, car c’est encore par le contact physique que les bactéries se transmettent le mieux.

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