Techno du futur 8 min
La robotique en pince pour les polymères
Le robot prêt à satisfaire nos moindres désirs… Cette idée reste encore du domaine de la science-fiction. Hélas ! Cependant, la robotique est un sujet qui fascine les unités de recherches universitaires et la R&D privée. La recherche bouillonne et, parmi les scientifiques, certains s’intéressent de très près aux matériaux polymères, vecteurs souvent indispensables pour passer du rêve à la réalité.
La robotique en pince pour les polymères
La robotique en pince pour les polymères

Robots et polymères : un pacte d’acier !

Polymères : des robots bien carrossés

Les films d’anticipation du siècle dernier, dont certains se déroulent de nos jours, mettaient en scène des robots intelligents qui, par manque d’imagination de leurs concepteurs, avaient une tête et deux bras… et se montraient plus ou moins bienveillants. Ils étaient même capables de communiquer avec les humains au moyen d’une voix synthétique, si moderne à l’époque. Un autre temps ? Pas forcément. Preuve en est, le fameux C3PO de Star Wars qui continue de faire rêver les fans de la saga… Qu’en est-il aujourd’hui ? Certains le déploreront, mais la réalité est tout autre. A l’instar du smartphone, que peu de gens avaient anticipé, l’évolution des robots a pris des chemins que nul n’imaginait il y a encore trente ans. En effet, depuis la fin du xxe siècle, les chercheurs ont mis de côté le projet de reproduire l’ensemble de l’anatomie humaine et se sont plutôt focalisés sur le fait de permettre aux robots d’accomplir des tâches que les humains ne sont pas capables de réaliser. Le bras robotique, qui existe depuis de nombreuses années, en est l’exemple le plus connu ; il a fait ses preuves, notamment dans le secteur industriel. Il est capable de souder avec précision, d’attraper des objets fragiles avec précaution ou encore d’assembler tout type de pièce, voire d’effectuer des opérations chirurgicales. C’est ainsi que les robots sont entrés de plain-pied dans nos maisons, où ils aspirent la poussière, tondent la pelouse, nettoient la piscine, nous mijotent de bons petits plats, etc.

 

Si le « robot esclave » est encore une utopie, il n’empêche que leur présence s’impose peu à peu pour nous seconder de nombreuses tâches.

Des robots solidaires des humains

Comment ne pas évoquer l’épidémie de Covid 19 et les épisodes de confinement qu’elle a entraînés dans de nombreux pays ? Des robots munis d’une tablette numérique connectée ont permis de garder le lien entre les personnes âgées, confinées en maison de retraite, et leurs proches. D’autres robots ont été envoyés dans les rayons de supermarchés afin de les désinfecter.

 

Insensibles aux virus biologiques, les robots ont été bien utiles durant l’épisode de Covid.

De même, si certains services de livraison n’ont pas connu de ruptures, c’est aux robots capables d’aller chercher les marchandises dans les racks qu’ils le doivent. Autant d’interactions en moins pour les employés de ces entrepôts… Outre leur intelligence, si ces robots sont si performants, c’est aussi parce qu’ils sont conçus dans des matériaux polymères qui combinent solidité et surtout légèreté, la clé pour toujours plus d’autonomie.

C’est d’ailleurs l’un des points communs de presque tous ces robots. Que ce soit le polycarbonate ou l’ABS, des matériaux particulièrement résistants pour les coques ou les élastomères, choisis pour leur élasticité, les fabricants de robots ont recours, pour leur conception, à la large panoplie des matières plastiques.

Cependant, le rôle et la contribution des plastiques ne se limitent pas aux seules fonctions de design ou de protection. De nombreux centres de recherches ont bien compris que c’est en développant de nouveaux polymères qu’ils pourront doter les robots de fonctions totalement inédites. Si certaines de ces recherches en sont encore au stade expérimental, d’autres ont déjà abouti et les résultats sont surprenants, dignes, là encore, des meilleures œuvres de science-fiction.

Cachez ce drone que je ne saurais voir

En matière de robots, les drones sont au centre de bien des recherches. Ils ont pris une telle importance dans le monde militaire et du renseignement qu’ils bénéficient aujourd’hui d’importants budgets de financement. Ainsi, comme pour les avions, les pièces en matériaux composites à base de carbone et de résines époxy y sont désormais largement représentées. Plus légères, elles réduisent la consommation et augmentent l’autonomie. Rien de bien révolutionnaire cependant car cette technologie parfaitement maîtrisée tend à se banaliser dans le monde aéronautique, et plus généralement dans celui des transports.

En revanche, l’un des enjeux actuels est de rendre les drones invisibles, ou tout du moins indétectables par les radars. Si l’avion furtif existe depuis les années 1970, sa furtivité est toute relative. Elle ne repose que sur la forme de la carlingue, très anguleuse, qui disperse en tous sens les ondes du radar. Néanmoins, fatalement, à un moment ou à un autre, une onde est renvoyée vers le radar. Il existe bien entendu des matériaux souples et capables d’absorber les ondes, mais ils ne sont pas assez rigides pour espérer construire un avion ou un drone.

 

Les avions furtifs ne sont pas nouveaux… mais les polymères ont permis de révolutionner le genre. Plus particulièrement dans les drones.

Il semblerait pourtant qu’un avionneur russe y soit parvenu. Pour cela, il a réussi à mettre au point un nouveau matériau à base de différentes fibres gardées secrètes et de résines polymères. On sait juste que la rigidité du matériau permet la construction d’un drone et que ce nouveau composite absorbe la quasi-totalité des ondes. Pour le rendre encore moins facilement détectable, le constructeur lui a donné la forme et la taille d’une chouette. En vol, sans jumelles, il est quasiment impossible de le différencier du véritable l’oiseau. Ce drone destiné à l’espionnage est équipé de caméras. Toujours selon le constructeur, son insensibilité aux ondes radar et sa ressemblance avec une simple chouette lui permettent de voler à très basse altitude sans être détecté et de faire des photos très précises.

C’est également le principe retenu par un consortium franco-britannique spécialisé dans la conception de drones sous-marins. Là encore, on n’en saura pas beaucoup plus sur les fibres et les résines utilisées. La mission de ce nouveau drone est de repérer des sous-marins sans être détecté. Si les matériaux composites développés pour sa construction lui permettent de réduire sa masse et donc de gagner en autonomie, ils le rendent avant tout insensible aux ondes des sonars puisqu’ils sont capables d’absorber tous les bruits et vibrations.

 

Les drones sous-marins, tout de matériaux composites vêtus, ont également droit à leur part d’invisibilité.

 Selon ses concepteurs, ce drone ne se bornera pas aux missions militaires. Son intérêt pourra également être humanitaire. En cas de tsunami, par exemple, il pourrait détecter des obstacles sous-marins et ainsi ouvrir la voie aux navires de secours.

Les plastiques plus forts qu’Harry Potter

Pour en finir avec la furtivité, de nombreuses universités travaillent depuis une dizaine d’années à rendre n’importe quel objet proprement invisible. Pour cela, elles s’intéressent aux métamatériaux, des matériaux composites qui présentent des propriétés électromagnétiques inédites, que l’on ne trouve dans aucun matériau naturel. Ces matériaux sont en effet capables de dépasser la limite de diffraction de la lumière et, par ce fait, peuvent rendre invisibles les objets qu’ils constituent. Ainsi, les physiciens estiment que, d’ici quelques années, ils seront en mesure de concevoir une véritable « cape d’invisibilité » qui obligerait les rayons lumineux à contourner l’objet, puis à reprendre leur course normale. Avec une telle cape, tout se passerait comme si les rayons traversaient l’objet qui deviendrait ainsi proprement invisible pour tout observateur. Afin de passer de la théorie à la pratique, il ne reste qu’à concevoir le matériau… Pas si simple, car tout se passe à une échelle nanoscopique. Les métamatériaux sont formés pour l’essentiel de fins motifs métalliques (dont l’épaisseur peut flirter avec la dizaine de nanomètres, soit dix milliardièmes de mètre) déposés à la surface d’un substrat transparent aux ondes électromagnétiques. Ce dernier est constitué de verre, si on souhaite de la rigidité, ou de feuilles de polymères si, au contraire, on cherche la souplesse. C’est bien cette dernière technologie qui intéresse les fervents de l’invisibilité car, à terme, il serait tout à fait envisageable de produire des feuilles longues de plusieurs mètres qu’il suffirait ensuite d’appliquer comme un simple papier peint sur l’objet que l’on souhaite rendre invisible. Les drones pourraient être les premiers bénéficiaires de cette technologie.

Les polymères ont des fourmis dans les jambes

Cela pourrait sembler presque banal d’annoncer qu’une équipe de l’université de San Diego aux Etats-Unis vient de réussir à imprimer des petits robots qui ressemblent à s’y méprendre à des insectes. Il s’agit pourtant d’une prouesse qui, à terme, pourrait révolutionner le monde de la robotique et bien d’autres domaines. Le procédé mis au point permet d’imprimer en 3D d’un seul tenant des robots insectes, baptisés du joli nom de « flexoskeletons » (exosquelettes flexibles). Dans les faits, ces petits robots se composent de différents plastiques rigides, comme le polycarbonate, imprimés en 3D directement sur des couches très minces et flexibles d’un autre polymère. Ils sont donc rigides et flexibles à la fois, comme un insecte dont la carapace doit être suffisamment rigide pour le protéger et suffisamment souple pour être correctement articulée et lui assurer une bonne mobilité. Les « flexoskeletons » pourraient se destiner à l’espionnage, puisqu’il serait assez simple et surtout rapide de reproduire une nuée de ces faux insectes et de les équiper de caméras miniatures.

© University of California - San Diego

Du polycarbonate pour la rigidité et des polymères souples pour la flexibilité, un heureux assemblage pour reproduire les caractéristiques uniques des carapaces des insectes.

Très inspirés par les cafards, d’autres chercheurs californiens travaillent aussi sur les robots insectes. De la taille d’un cafard donc, leur robot est particulièrement solide, puisqu’il peut supporter un poids de 60kg, soit un million de fois son propre poids.

© UC Berkeley photo by Stephen McNally 

Le polyfluorure de vinylidène (PVDF) a permis de créer un robot cafard qui, à l’instar de l’insecte, est capable de trouver son chemin même sous un tas de gravas.

Il se compose d'une structure plate conçue à partir d’un polymère nommé PVDF (polyfluorure de vinylidène), qui se contracte ou se dilate en fonction de l’intensité du courant électrique qui le traverse. Sa forme incurvée lui permet d’avancer au gré des contractions et des dilatations. Grâce à sa mobilité et à sa petite taille, qui lui permettent de se faufiler un peu partout, il pourrait être utile pour rechercher des survivants ensevelis à la suite d’un tremblement de terre. Les chercheurs comptent à terme le munir d’un capteur susceptible de détecter le CO2 expiré par les survivants.

Les plastiques se font un remake de Terminator

On se souvient, dans Terminator, de ce robot capable de changer de forme quand bon lui semblait. Fascinant ! Trente ans plus tard, ce qui était l’un des premiers effets spéciaux numériques de l’histoire du cinéma est en passe de devenir réalité. On doit cette découverte à une équipe de l’université de Binghamton aux Etats-Unis, qui a conçu un alliage à base de bismuth, d’indium et d’étain ayant la particularité de passer à l’état liquide dès 62°C. Problème, une fois à l’état liquide, le métal se répand si rien ne le retient. L’équipe a créé une ossature souple destinée à confiner l’alliage et, pour ce faire, choisi un polymère souple, de type élastomère. Le métal a ensuite été coulé sous vide directement sur cette structure. A l’instar du film de James Cameron, le résultat est également fascinant.

Il suffit de chauffer puis de refroidir cet assemblage, qui a ici la forme d’une main, pour qu’il reprenne automatiquement sa forme initiale après avoir été déformé voire écrasé. Les chercheurs envisagent d’utiliser d’ici quelques années ce matériau pour la conception de certaines pièces des robots spatiaux, comme les antennes, qui pourraient ainsi reprendre leur forme initiale si elles devaient être écrasées ou déformées suite à un éboulement ou une collision, par exemple.

© Pu Zhang – Binghamton University

Métal liquide et polymères, la combinaison gagnante pour créer une nouvelle matière véritablement à mémoire de forme.

Les polymères se taillent un costard

Dans un registre plus léger, les chemins de la création robotique peuvent également amuser, voire émerveiller. Les robots séduisent jusqu’aux stylistes de mode ! C’est tout du moins le cas de la créatrice Ying Gao, qui, dernièrement, a dévoilé une collection d’habits robotiques. Il n’est évidemment pas question d’habiller des robots, mais au contraire de créer des vêtements plus ou moins autonomes. Baptisé « Flowing water, standing time », le vêtement robotique s’articule autour de composants électroniques et de pièces de silicone, de verre et de PVDF, un fluoropolymère thermoplastique particulièrement résistant.

© Ying Gao

Même la mode s’empare du « phénomène robot ». Cette robe composée de PVDF, de silicone et de verre est capable de réagir à lumière.

La combinaison des trois matériaux permet d’obtenir des habits capables de réagir aux couleurs de leur environnement et de bouger en conséquence. « Selon les couleurs de leur environnement immédiat, ils sont à la fois liquides et caméléons, se modulant au rythme lent des reflets changeants de leur milieu », explique la styliste. En réalité, rien de magique, le principe repose sur des capteurs de lumière reliés à une série d’aimants et de petits mécanismes tissés avec les parties en silicone.

Certes l’intérêt n’est que visuel, mais une nouvelle voie s’ouvre peut-être aux créateurs de mode, celle du vêtement robot : une lumière rouge pour lacer mes chaussures, une verte pour les dénouer !

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