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Ces heureux hasards qui font la science
En recherche scientifique, le hasard se mêle parfois à la partie. Nombreuses sont les découvertes qui n’auraient vu le jour sans un coup du sort. L’histoire des plastiques regorge de ces petites anecdotes qui ont souvent permis une très grande avancée dans la conception de nouveaux matériaux. Revue de détail !
Ces heureux hasards qui font la science
Ces heureux hasards qui font la science

Qu'est ce qu'un polymère ?

La chance n'est rien sans la science

La chance peut avoir son importance quand il est question d’élaborer un nouveau matériau. Cependant, même si elle est un facteur non négligeable, elle est loin d’être essentielle. Si le tâtonnement était de mise au début du XXe siècle, on en est très loin aujourd’hui. Sans entrer dans les détails ardus de la chimie macromoléculaire, la fabrication d’un matériau plastique est la résultante de la polymérisation, soit le procédé par lequel des petites molécules, comme celles à base de carbone extraites du pétrole, réagissent entre elles pour former des molécules de masse plus élevée. La présence de réactifs et de catalyseurs et l’action de la chaleur et de la pression sont d’autres facteurs indispensables à la formation des chaînes dites macromoléculaires qui donneront naissance à une multitude de polymères. Vous l’avez compris, l’image du savant fou « touche à tout » n’a pas vraiment sa place dans cet univers hautement scientifique.

Les polymères : c'est vieux comme le monde

Un polymère est une structure moléculaire géante. C’est une macromolécule formée d’une longue chaîne de molécules plus petites et identiques, accrochées les unes aux autres un peu comme les perles d’un collier. Si le mot polymère a été inventé à la fin du XIXe siècle, ce type de structure moléculaire existe à l’état naturel et a toujours été utilisé par l’homme. L’ambre, l’écaille, la résine des arbres, la laine, les cheveux, les sécrétions de certains insectes, comme la laque et la soie, sont des plastiques puisqu’ils sont modulables. La cellulose, que l’on trouve dans les arbres, dans l’herbe, le lin, le chanvre ou le coton, est le plus commun de ces polymères naturels.

 

Faire mieux que la nature

A la fin du XIXe siècle, la rareté de certains polymères ou la simple volonté de copier la nature a mobilisé les chercheurs, lesquels sont parvenus, en transformant chimiquement des polymères naturels, à générer les polymères artificiels. Ce sont les premières matières plastiques, au sens strict du terme. Ainsi, l’homme a créé la nitrocellulose (Celluloïd, soie artificielle) pour le remplacement de l’ivoire, de la soie…, ou bien des matériaux présentant des propriétés nouvelles susceptibles d’engendrer de nouvelles applications, comme l’ébonite. Issus principalement de la chimie du pétrole, les polymères synthétiques connaissent eux un formidable essor depuis la Seconde Guerre mondiale. L’objectif des scientifiques n’est plus de s’inspirer de ce que fait la nature mais de fabriquer de nouveaux matériaux toujours plus résistants aux chocs, aux agressions thermiques et chimiques, plus légers et… plus simples à mettre en forme.

Secret de fabrication

Pour fabriquer des polymères synthétiques, le pétrole est chauffé à environ 400 °C dans une colonne de distillation (ce sont les grandes tours bien visibles lorsqu’on regarde une raffinerie). Après chauffage, on récupère au sommet de cette colonne le naphta, un liquide transparent issu de la condensation du pétrole. Ce liquide est primordial dans la fabrication du plastique. Il servira également à produire des colorants, des engrais, des produits cosmétiques ou divers produits ménagers. Une fois récupérées, les molécules extraites du naphta sont cassées (le craquage ou cracking) par de la vapeur d’eau dans un vapocraqueur. Le naphta et la vapeur d’eau sont associés et chauffés à 800 °C puis on baisse brutalement sa température à 400 °C. De petites molécules sont alors obtenues à l’issue de ce processus. Constituées de deux à sept atomes de carbone, elles sont appelées monomères

Elles sont ensuite mises en réaction et enchaînées pour former des polymères, véritables cœurs de la matière plastique. 
Les mêmes opérations peuvent être réalisées peu ou prou avec du gaz naturel pour sa forte teneur en éthane, un gaz qui figure aussi parmi les matières premières à l’origine des plastiques.

Deux branches pour une seule famille

Un matériau est dit plastique lorsque, après avoir été déformé par une action externe comme le chauffage, il conserve la forme souhaitée. Tous les matériaux plastiques, qu’ils soient naturels ou synthétiques sont constitués de polymères. Les propriétés d’un polymère dépendent de la nature de leurs molécules de base et de la façon dont elles sont liées entre elles. Ces constitutions permettent de classer les plastiques en deux grandes familles, selon leurs réactions à la chaleur : les thermoplastiques et les plastiques thermodurcissables. La majorité des polymères sont des thermoplastiques (PVC, PET, polyamides, polycarbonate…). Une fois fabriqué, le polymère peut être chauffé et reformé à volonté. La rapidité de sa mise en œuvre et la possibilité de réutiliser les déchets de production et de les recycler ont favorisé son emploi

Les plastiques thermodurcissables (époxydes, phénoliques…), de leur côté, ne peuvent être fondus de nouveau, ils ne se déforment donc pas sous l’effet de la chaleur. Au contraire, plus on les chauffe, plus ils se rigidifient.

Transformation !

Quelle que soit leur famille, les polymères se présentent généralement sous la forme de granulés qui sont par la suite fondus et moulés soit par injection, soit par extrusion. Dans le premier cas, les granulés sont chauffés et introduits dans une vis sans fin qui pousse le polymère fondu dans un moule. Le principe est assez similaire dans le second cas, seule différence notable, le polymère termine sa course dans une filière qui lui permet de ressortir sous la forme d’un profilé, comme une fibre, par exemple. Enfin, les granulés fondus peuvent aussi être calandrés (ou laminés), une opération qui consiste à faire passer la matière entre deux cylindres pour produire un film ou une feuille.
Les polymères peuvent donc être moulés, filés, laminés ou encore être mélangés à des solvants pour produire des colles ou de la peinture. Bref, ils prennent toutes les formes, tous les aspects et toutes les couleurs.

Leurs propriétés intrinsèques peuvent même être amplifiées grâce à une vaste gamme d’additifs qui leur donne plus ou moins de souplesse et une texture adaptée à l’utilisation à laquelle ils sont destinés.

Et les composites, c'est quoi alors ?

Nous ne pouvons pas ne pas évoquer les matériaux composites, eux aussi bien souvent issus de l’industrie chimique. Un matériau est dit composite lorsqu’il est composé d’au moins deux constituants dont les qualités respectives se complètent pour former un seul matériau aux performances globales améliorées. Un matériau composite est constitué d’un renfort, sous forme de fibres ou de fils, et d’une matrice sous la forme d’une résine thermodurcissable. Le renfort, généralement du carbone ou du verre mais aussi de l’aramide, assure l’essentiel des propriétés mécaniques. La résine joue le rôle de liant et apporte également ses propriétés mécaniques de base. Le renfort seul est souple : c’est lorsqu’il est combiné à la résine que sa rigidité est décuplée.

Une industrie riche en promesse

A l’instar de l’informatique, la recherche scientifique dans l’industrie plastique ne faiblit pas. C’est encore un domaine prometteur où les évolutions seront à coup sûr extraordinaires dans les décennies à venir. Qui aurait pu imaginer il y a seulement vingt ans qu’un jour les plastiques seraient conducteurs d’électricité ? Les matières plastiques sont une véritable invitation à l’audace. Elles sont isolantes ou conductrices, légères et résistantes, souples mais incassables, tantôt transparentes, tantôt opaques… Certaines ont des spécificités époustouflantes, comme les plastiques dits de hautes performances, qui se caractérisent par leur résistance à des températures supérieures à 250 °C, à l’usure et à la corrosion, et bien entendu par leur faible poids. Les composites à résines organiques sont déjà utilisés dans des secteurs de pointe comme l’aéronautique où ils prennent place dans les ailes que le seul frottement de l’air chauffe fréquemment à 250 °C.

L'intelligence du plastique

Les plastiques deviennent même intelligents avec le développement, depuis quelques années, de nouveaux types de produits à la croisée de deux industries : la plasturgie et l’électronique. La plastronique permet de créer des systèmes plastiques à haute valeur ajoutée associant des composants électriques – qui apportent l’intelligence – sur des pièces plastiques dotées des fonctions mécaniques.
Enfin, les plastiques dits autoréparables promettent aux matières de retrouver leur forme initiale après déformation. Ces polymères agissent comme le sang qui coagule suite à une blessure. Il va de soi que l’industrie automobile s’intéresse en premier lieu à ces nouvelles fonctions.

 

Les dessous d'un tel succès

Regardez autour de vous : nous vivons dans un monde rempli de polymères. Du plus basique au plus pointu, aucun secteur n’y échappe. Dans certains cas, comme dans l’automobile ou le matériel de sport, ils sont même devenus incontournables. Pourquoi un tel succès ? Contrairement aux idées reçues, si tant d’industries s’intéressent autant aux plastiques, ce n’est pas seulement pour des raisons budgétaires. Certes la plupart des polymères sont peu onéreux à produire mais ce n’est cependant pas toujours le cas. Non, l’avantage déterminant des plastiques repose sur leur faible poids et leur capacité à prendre toutes les formes. Dans certains domaines, ils sont même sans concurrent. Sans les polymères, il aurait été impossible de fabriquer la station spatiale internationale. Avec ses 400 tonnes, l’ISS n’est pas vraiment une petite structure.

Sans les matériaux composites, celle-ci pèserait certainement plusieurs dizaines de tonnes supplémentaires. A 25 000 € le kilogramme envoyé dans l’espace, la facture aurait été intolérable pour les agences spatiales. Et que penser de l’industrie automobile qui, grâce aux plastiques, a mis les véhicules à la diète leur permettant d’économiser 750 litres de carburant tout au long de leur vie ? Bien entendu, ces avancées technologiques ne se font pas au détriment de la sécurité, car dans bien des cas les polymères sont bien plus résistants que le métal. Pour preuve, c’est bien le Kevlar, un polymère de synthèse, qui entre dans la composition des gilets pare-balles.

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