Techno du futur 6 min
Biomimétisme, des polymères pour sublimer la nature
Ici et là, des centaines de laboratoires s’attèlent à copier la nature pour notamment reproduire les matériaux que des millions d’années d’évolution ont peaufinés. Les polymères synthétiques sont fréquemment de la partie. Quels sont-ils ? Difficile de le savoir car les enjeux scientifiques et économiques sont tels que ce sont des secrets bien gardés. Il n’empêche que leur rôle est essentiel.
Biomimétisme, des polymères pour sublimer la nature
Biomimétisme, des polymères pour sublimer la nature

Plongée au cœur de la matière pour les polymères

Les plastiques font feu de tout bois

Comme chacun sait, le bois est un des matériaux le plus anciennement utilisé par l’homme. Aujourd’hui encore, il est loin d’être désuet et trouve encore des applications dans de nombreux secteurs industriels comme celui du bâtiment où il est quasiment incontournable pour la fabrication des charpentes des maisons individuelles. A l’heure des matériaux hi-tech, si le bois est encore employé dans ce domaine, ce n’est pas pour des raisons esthétiques car une charpente est dans la plupart des cas invisible… C’est avant tout parce que c’est un matériau léger et bénéficiant de bonnes performances mécaniques, des caractéristiques que l’on doit à sa structure cellulaire anisotrope unique en son genre. L’anisotropie se dit d’un matériau dont les propriétés physiques varient suivant la direction. Le bois en est la parfaite illustration puisqu’il sera sensible ou pas au cisaillement selon que la force s’applique dans un sens ou l’autre de ses fibres. Remplacer le bois par un matériau artificiel était encore jusqu’à ce jour un défi quasi insurmontable. Il semblerait bien qu’une équipe chinoise de l’Université des sciences et technologies de Chine ait trouvé la solution en mettant au point un bois polymérisé et bioinspiré à base de résine phénolique et de mélamine. Ce bois de synthèse a une structure cellulaire très proche de celle du bois naturel. Ce nouveau matériau est donc léger et résistant comme le bois. De plus, il dispose d’une isolation thermique et d’une résistance au feu bien meilleures et est moins sensible à la corrosion à l’eau et aux acides. Cette nouvelle famille de bois polymérique et bioinspirée pourrait remplacer le bois naturel utilisé notamment dans des environnements particulièrement humides.

 

Une équipe chinoise a conçu un polymère de synthèse ayant les mêmes propriétés que le bois dont il s’inspire grandement. Une bonne nouvelle pour les forêts pas toujours gérées de façon écologique.!

 

Une peinture à base de silicone reproduit l’effet lotus et permet ainsi aux immeubles de s’autonettoyer à chaque pluie.

Effet lotus, les fluopolymères mettent les huiles en boule 

Le revêtement d’un bâtiment n’a pas pour seule fonction d’embellir un immeuble, il le protège également, notamment des pluies qui pourraient finir par s’infiltrer et endommager la structure. Il faut se rappeler que la pluie est l’un des pires ennemis d’un bâtiment car en plus de l’endommager, son action abrasive est responsable de l’usure des peintures de revêtement.

Certes, il existe des bardages, notamment en plastiques, aux effets protecteurs mais ils sont généralement bien plus onéreux qu’un simple coup de pinceau. Selon les régions, le revêtement est à refaire quasiment tous les 10 à 15 ans. On estime d’ailleurs qu’à lui seul, il représente 13% du coût d’entretien d’un immeuble. Bien connu pour ses immenses qualités hydrophobes, le lotus fait rêver les fabricants de peinture. Ils savent depuis déjà longtemps que le secret de cette plante repose à la fois sur sa composition chimique et sur sa rugosité nanométrique qui empêchent les gouttes d’adhérer et donc de s’étaler : en gardant une forme de boule, elles roulent et emportent avec elles toute la poussière présente. Pour le lotus, cette conséquence est vitale. En effet, vivant au ras de l’eau, la plante est le réceptacle naturel des poussières environnantes. Or, cette poussière peut bloquer la lumière du soleil et donc nuire à la photosynthèse.
L’entreprise allemande de peintures Sto est la première a avoir réussi à imiter l’effet lotus en concevant un matériau de revêtement à base d’une résine silicone : le siloxane polymérisé. Après 24 h de séchage, cette résine reproduit la nanostructure de la feuille de lotus faisant ainsi perler les eaux de pluie qui s’écouleront en évacuant la poussière et donc la saleté.
Certains chercheurs sont allés plus loin en rendant ces peintures également oléophobes. L’intérêt est important notamment dans les centres urbains dans lesquels graphitis et autres tags ne sont pas toujours bienheureux aux yeux du plus grand nombre.. Il faut en effet savoir que les peintures utilisées par ces « artistes » sont à base d’huiles.
Un ingénieur allemand du Karlsruhe Institute of Technology a déjà franchi un grand pas. Pour cela, il est reparti d’une feuille blanche en s’intéressant aux propriétés des plastiques fluopolymères (le téflon© est l’un des plus connus). Dans son laboratoire, il est parvenu à produire des surfaces ultra-répulsives à l'eau comme à l'huile. C’est l’effet lotus 2.0 ! Baptisé fluoropore, cette peinture est encore trop sensible à l’abrasion pour être commercialisée. Ceci dit, à Karlsruhe, on réflechit et on espère rapidement résoudre ce problème en vue de d’exploiter au plus vite ce nouveau revêtement.

Les plastiques font peau neuve

Depuis quelques temps, les principes de l’autorégulation de la température du corps humain et plus généralement de celui des animaux à sang chaud intéressent différents laboratoires dans le monde. Or, les mécanismes sont d’une extrême complexité, mal connus et donc très compliqués à reproduire en laboratoire. 

© Nanomedic Technologies

Ce n’est pas pour autant que les chercheurs baissent les bras, ils changent simplement leur fusil d’épaule. Trop complexe les mammifères ? Rien de grave, certains végétaux disposent des mêmes caractéristiques et celles-ci sont mieux connues. Ainsi, ils savent que les feuilles régulent leur température en s’appuyant sur l’étendue de leur système vasculaire qui module l’absorption des radiations solaires grâce à l’écoulement d’un microfluide. 

© Nanomedic Technologies

Une entreprise israélienne est en passe de commercialiser un appareil capable de produire une seconde peau à base de polymères. Celle-ci pourra s’appliquer directement sur une brûlure par exemple et permettra d’accélérer la cicatrisation et de protéger efficacement la plaie de toutes bactéries.

En s’inspirant de ce modèle, les chercheurs de l’université de Nottingham en Angleterre ont conçu un nouveau matériau à base de polymères de synthèse (nous n’en saurons pas beaucoup plus) capable de réguler lui-même sa température. La difficulté a été de reproduire à l’échelle nanoscopique le réseau de canaux dans lequel circule un fluide actif. 
Les applications d’un tel matériau sont nombreuses notamment dans le domaine de la santé où ils pourraient aider les personnes gravement brulées à réguler la température de leur peau et ainsi à améliorer la cicatrisation. On pourrait également les utiliser sur les engins spatiaux et plus spécifiquement sur leurs batteries qui souffrent des très grands écarts de température que l’on trouve dans l’espace.
Nanomedic Technologies, une start-up israélienne est en passe de commercialiser un appareil capable d’étaler une peau synthétique sur une brûlure par exemple. Difficile d’avoir des informations précises sur ce procédé qui est en voie de commercialisation seulement en Israël pour le moment. On sait simplement que celui-ci repose sur le principe de l’électrofilage, un processus qui crée des nanofibres en appliquant un fort champ électrique sur des polymères. Les fibres sont soudées entre elles sous forme de couches, créant un revêtement nanofibreux qui imite le tissu cutané et aide à protéger la surface sur laquelle il repose favorisant ainsi la régénération du tissu perdu. Nanomedic à une ambition mondiale et aurait déjà reçu le label CE en vue d’être distribué en Europe. Il ne faudra donc pas patienter trop longtemps avant d’en savoir un peu plus…

Les polymères et la nature se mettent à la colle

Mieux comprendre et reproduire les systèmes d’adhésion que développe la nature est une autre des grandes sources de motivation des scientifiques. Le fameux Gecko (lien vers le premier article) en est la parfaite illustration. Mais ce n’est pas la seule piste choisie par les chercheurs…
La célèbre colle de moule les intrigue également au plus haut point. A sa naissance, la moule n’est pas plus grande qu’un plancton et, va rapidement se fixer sur un support fixe (souvent un rocher) et y rester jusqu’à sa mort. Rien ne pourra l’en détacher, ni les vents, ni les marées… Pour ce faire, la moule produit une colle nommée byssus qui durcit au contact de l’eau salée. Une équipe de l’université de Californie vient d’en comprendre les secrets. Pour faire simple, ceux-ci reposent sur la capacité de la moule à produire une protéine capable de former une liaison solide avec n’importe quel matériau.
Dans le milieu scientifique, cette découverte a suscité l’excitation de nombreux laboratoires qui se sont mis en quête de reproduire synthétiquement cette colle. Les enjeux sont importants car une supercolle de ce type trouverait de nombreuses applications dans l’industrie ou encore dans le domaine médicale pour suturer une plaie par exemple.
A l’inverse, mieux comprendre le mécanisme de fixation des mollusques, ouvre de nouvelles perspectives afin de trouver la solution pour les empêcher de venir coloniser les coques des bateaux. Pour rappel, ceux-ci nuisent considérablement à l’hydrodynamisme entrainant une surconsommation des navires.

 

Le secret du byssus de la moule, mieux connu sous le nom de colle de moule, a été percé depuis peu. Reste à le reproduire en vue de commercialiser une supercolle… Différents laboratoires sont déjà sur les rangs, ce n’est qu’une question de temps.

En Allemagne, à Brême, un laboratoire est en passe de réussir. Les chercheurs ont employé un synthétiseur de peptides en phase solide pour fabriquer des chaînes de dix acides aminés. Les différents acides aminés sont arrimés à des billes de plastiques avant de former une liaison chimique.
Pour une application industrielle, une colle bi-composants pourra être produite à partir de cette substance adhésive. L'un des deux composants assurera le collage, l'autre accélérera le durcissement. Et cela fonctionne ! Reste à industrialiser le process, ce qui prendra encore certainement quelques années…

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