Techno du futur 5 min
De l’impression 3D à la 4D : les polymères font leur révolution
C’est une certitude, les imprimantes 3D sont bien au cœur d’une nouvelle révolution industrielle. Comme il se doit, l’évolution est très rapide et pousse les polymères à se renouveler pour rester dans le bon wagon.
De l’impression 3D à la 4D : les polymères font leur révolution
De l’impression 3D à la 4D : les polymères font leur révolution

L’impression 4D : une nouvelle dimension pour les polymères

4D : une question de temps

Parler de 4D quand on évoque une imprimante 3D n’est pas, contrairement à ce que l’on pourrait penser, un abus de langage. Le terme existe depuis 2013 et on le doit à Skylar Tibbits, fondateur du Self-Assembly Lab du MIT. Alors qu’il animait une conférence, il évoqua pour la première fois une quatrième dimension à la technologie d’impression 3D en expliquant qu’il était possible d’ajouter à un matériau d’impression 3D une nouvelle caractéristique qui lui permettrait d’évoluer dans le temps sans intervention humaine (impression 3D + temps). Or, depuis Einstein, nous savons que la quatrième dimension est le temps. Il faut donc comprendre par impression 4D, la possibilité d’imprimer un objet qui, au bout d’un temps prédéfini, pourrait changer de forme par l’effet d’un facteur externe comme la lumière, la chaleur, l’humidité, une vibration, etc.

Photo : banque d’images

Des semelles imprimées qui s’adaptent automatiquement à la nature du terrain, telle est l’une des promesses de l’impression 4D.

Des polymères moins nombreux mais particulièrement innovants

Si l’impression 3D a pléthore de matériaux à sa disposition, dont un nombre important de polymères, il n’en est pas de même pour l’impression 4D. La raison en est simple : cette technologie est nouvelle et encore balbutiante. Cependant, elle devrait évoluer très rapidement.

On parle actuellement de trois familles de polymères qui pourraient être compatibles avec la 4D. Les premiers sont dits à mémoire de forme. Ce sont des matériaux déjà bien connus dont les caractéristiques ont été modifiées pour avoir un effet de mémoire dynamique. Une fois stimulés (chaleur, électricité, lumière…), ces polymères sont capables de passer d’une forme à une autre. Par exemple, une fois chauffé, le composite polyuréthane/polycaprolactone/styrène-butadiène-styrène est capable de retrouver sa forme originelle après déformation. A l’université de Rochester, aux Etats-Unis, on s’intéresse de très près à ces matériaux aux nombreuses applications. Dernièrement, les chercheurs ont réussi à mettre au point un composite (dont nous ne savons bien évidemment rien de la composition !) capable de retrouver sa forme initiale dès qu’il est soumis à une température de 35°C. C’est là tout l’exploit car auparavant, ces matériaux devaient être chauffés à des températures beaucoup plus élevées pour retrouver leur forme d’origine.

Quelles en seront les applications ? Pour le moment on parle par exemple de fil à suturer qui s’ajusterait à une cicatrice par simple pression du doigt, ou encore de fil à couture destiné à des vêtements qui deviendraient alors auto-ajustables au contact de la peau, voire, d’ici de longues années, de peau artificielle qui pourrait également être imprimée.

 

 

Photo : banque d’images

Un fil polymère qui se tend d’une simple pression du doigt permettrait d’avoir des vêtements toujours parfaitement ajustés.

Les élastomères à cristaux liquides retiennent aussi toute l’attention des chercheurs. Eux aussi existent déjà depuis quelques années, et leur principe de fonctionnement est assez simple. Ces polymères contiennent des cristaux liquides sensibles à la chaleur. Il suffit donc de les orienter correctement puis de les chauffer pour leur faire prendre à peu près n’importe quelle forme. A Leeds, au Royaume-Uni, on tente de mettre au point un polymère de ce type qui présenterait des propriétés auxétiques. Dans un langage plus simple, cela veut dire qu’il gonfle lorsqu’il est étiré. Cette propriété pourrait trouver des débouchés dans des matériaux absorbeurs d’énergie, comme les semelles, voire dans le domaine de la santé pour fabriquer des tendons artificiels. Reste encore à les rendre imprimables…

Photo : banque d’images

Un médicament sous la forme d’un patch en polymère imprimé pourrait libérer son principe actif seulement en cas d’augmentation de la température corporelle.

 

 

Les polymères hydrogel représentent la troisième piste explorée par la recherche, car ils ont la particularité de se gonfler au contact de l’eau ou d’un autre liquide. Souvent biocompatibles, ils intéressent en premier lieu le secteur médical et plus particulièrement celui des pansements.

 

Ainsi, en parvenant à imprimer ces polymères, il serait possible de fabriquer des secondes peaux sur mesure destinées aux grands brûlés par exemple ; ou encore des médicaments imprimés en 4D qui pourraient libérer leur principe actif en fonction de la température du corps du patient. Un défi que semble vouloir relever le MIT qui cherche la bonne formule pour concevoir le ou les polymères et ainsi créer un dispositif d’administration de médicament qui n’agirait qu’à l’apparition de la fièvre.

Les plastiques encore une fois au cœur d’une nouvelle révolution

Les laboratoires de recherche qui planchent sur le sujet sont persuadés que les applications seront nombreuses, particulièrement dans le domaine médical mais aussi dans ceux de la construction, de l’industrie ou de la mode. A Hanovre, en Allemagne, une équipe tente de développer un polymère destiné à la fabrication d’implants cochléaires qui s’adapteraient parfaitement à la forme de l’oreille interne. Ailleurs, au MIT, on travaille à un composite à base de fibres de carbone qui pourrait entrer dans la conception de voitures de course et dont la forme évoluerait en fonction de la chaleur pour améliorer l’aérodynamisme. Des semelles de chaussures pourraient également s’adapter au terrain…

Bien entendu, les polymères resteront au premier plan de ce bouleversement car ces matériaux futuristes seront composites. C’est bien l’union de polymères avec d’autres matériaux (parfois naturels comme la cellulose de bois) qui donne aux objets leur capacité à changer de forme ou à réagir à un stimulus. Reste à concevoir les imprimantes… Rappelons en effet que tout l’intérêt de la fabrication additive repose sur la production sur mesure ou en petite série. Mais pas seulement car les réactions aux stimuli d’un objet imprimé en 4D versus ce même objet fabriqué par moulage peuvent être différentes. C’est ce qu’ont montré des chercheurs de Singapour qui ont réussi à rendre deux fois plus réactive l’ouverture d’une fleur, conçue à partir d’un hydrogel à base d’acrylique et d’époxy, lorsqu’elle est imprimée.

 

Cette fleur imprimée en 4D s’ouvre et se ferme toute seule quand elle est au contact de l’eau.

C’est pour quand ?

Pour bientôt mais pas pour tout de suite… Hélas, les barrières à surmonter sont encore nombreuses tant en termes de matériaux que de machines. Et puis, concernant les matériaux, ceux-ci soulèvent encore beaucoup d’interrogations, notamment sur leur faculté à rester « intelligents » dans la durée. Combien de temps pourront-ils remplir les fonctions pour lesquelles ils ont été conçus ? La réponse est complexe et encore incertaine mais tous les experts tombent d’accord pour affirmer qu’une fois parfaitement au point, l’impression 4D aura un impact significatif sur l’industrie, un peu comme son ancêtre, la 3D, en avait eu dans son temps.

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