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Véhicules de demain : les polymères pèsent lourd dans la balance
Face aux défis environnementaux, l’industrie automobile doit se réinventer. Ses bureaux d’études planchent en s’appuyant sur de nouvelles technologies ou sur l’évolution des matériaux. Parmi ces derniers, les plastiques ont encore beaucoup d’atouts à faire valoir.
Véhicules de demain : les polymères pèsent lourd dans la balance
Véhicules de demain : les polymères pèsent lourd dans la balance

Les polymères 100% connectés

Les plastiques mettent l’hydrogène sous pression

A l’évocation de l’automobile du futur, constructeurs et équipementiers débordent d’idées prometteuses. Allégement, aérodynamisme, confort, etc. Plus que jamais, les polymères sont sollicités.

La pile à combustible ou pile à hydrogène, par exemple, poursuit son développement, notamment du côté des constructeurs japonais et coréens. Son principe de fonctionnement repose sur une réaction chimique. Il est donc comparable à celui d’une batterie électrique traditionnelle mais, à la différence de celle-ci, la pile à hydrogène ne peut emmagasiner l’électricité produite. Elle fabrique de l’électricité en continu tant qu’elle est alimentée en hydrogène, stocké dans un réservoir, et en oxygène, provenant de l’air extérieur.

L’autonomie des véhicules est donc dépendante de la quantité d’hydrogène que peut contenir le réservoir. Pour garantir une autonomie convenable aux véhicules équipés de cette technologie, il est impératif de compresser ce gaz. Aujourd’hui, les réservoirs les plus performants supportent un gaz pressurisé à 500 bars (500 fois la pression atmosphérique). Ce sont des réservoirs en acier de plusieurs centimètres d’épaisseur donc très lourds.

© Plastic Omnium

Des matériaux composites à base de fibres de carbone et d’une résine thermoplastique sont promis à un bel avenir pour contenir de l’hydrogène pressurisé à 700 bars. Une condition nécessaire pour accroître l’autonomie des véhicules à pile à combustible.

En s’associant à Elbit System, start-up spécialisée dans les piles à combustible et les super-condensateurs, l’équipementier Plastic Omnium a réussi à concevoir un réservoir (il ne prend pas plus de place qu’un réservoir à essence) en polyéthylène, qui ne pèse que quelques centaines de grammes et qui est surtout capable de contenir une pression de 700 bars.

C’est considérable et ça devrait permettre aux véhicules équipés de pile à combustible d’avoir une autonomie de 600 km. Un record ! Pour réussir ce tour de force, les concepteurs ont fait appel aux polymères. On sait simplement que ce réservoir est constitué d’un liner en thermoplastique étanche de 5 mm et d’une structure épaisse de fibres de carbone. Toute la difficulté a été de le rendre assez résistant pour maintenir une telle pression. Une obligation car on imagine les dégâts qu’occasionnerait un réservoir pressurisé à 700 bars en cas d’explosion.

Les plastiques n’ont pas froid aux yeux

La révolution ne repose pas uniquement sur les seuls modes de propulsion. Parions que, dans un avenir proche, les véhicules électriques se démarqueront de leurs ancêtres à essence également dans leur design. En effet, l’autre différence fondamentale entre un véhicule thermique et un véhicule électrique repose sur l’encombrement du moteur et de la transmission.

Dans une voiture électrique, il n’y a plus cette envahissante boîte de vitesses, et, bien qu’au nombre de deux ou de quatre, les moteurs sont nettement plus petits et se « casent » le plus souvent dans les quatre coins du véhicule, juste à côté des roues. Quant aux batteries, elles sont posées à plat sur tout le plancher. C’est pour ne pas trop chambouler les standards du design que les constructeurs conservent actuellement des formes assez conventionnelles pour leurs modèles électriques. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains d’entre eux sont équipés de deux malles, l’une, classique, à l’arrière, l’autre à l’avant, à la place du moteur thermique.

Les véhicules d’un futur proche auront probablement un autre look et certainement un « espace de vie » nettement plus grand.

Autre détail, en chauffant moins, les moteurs électriques n’ont pas besoin de disposer d’un système de refroidissement complexe. C’est encore du volume (et du poids) de gagné, sauf qu’il faudra bien chauffer ce volume, en hiver, pour garantir le confort des passagers. Or, dans un véhicule à moteur traditionnel, c’est la chaleur dégagée par le moteur qui finit par arriver dans l’habitacle par les bouches d’aération. Un simple ventilateur suffit à la diffuser. En revanche, un moteur électrique ne chauffe pas assez pour assurer ce confort thermique. Il est tout à fait possible d’installer des résistances, mais c’est autant de masse en plus et d’autonomie en moins à cause de l’énergie qu’elles réclament.

Reste une solution : parfaire l’isolation. A l’instar de ce qui se fait dans le bâtiment, les polymères sont des matériaux idoines : ils sont souples, facilement découpables et surtout ultralégers.

 

On ne sait pas encore si la voiture du futur sera entièrement autonome. Une chose est certaine, en revanche : l’habitacle gagnera en volume dans les voitures électriques.

Ainsi l’ensemble des pièces de carrosseries (toit, portes, capots, etc.) de ces véhicules sera garni d’une peau de polymères expansés comme le polystyrène, le polyphénylène éther ou encore le polyuréthane. Ils participeront également à l’isolation thermique des batteries, très vulnérables aux changements de température, et qui, en règle générale, n’aiment pas beaucoup le froid. 

Les polymères jouent leurs gammes

Les constructeurs en conviennent, les amoureux de l’accélérateur et du rétrogradage « pétaradant » seront certainement déçus par la voiture du futur ! C’est la raison pour laquelle l’industrie automobile est très attentive à ne pas rendre banals ses prochains modèles. Il serait en effet compliqué d’un point de vue marketing qu’ils ne soient perçus que comme de simples engins de déplacement. Il faut donc leur conserver un certain « sex appeal », et c’est à l’intérieur que les choses se passeront.

Ceci dit, depuis que la qualité de l’apparence est un critère essentiel, les intérieurs ont considérablement évolué, faisant de toutes les voitures de véritables cocons. La comparaison de deux modèles équivalents, l’un des années 1980, l’autre des années 2010, est sans appel ! L’électronique embarquée n’y est pas pour rien, et les polymères, qui ont déjà beaucoup apporté au confort visuel et acoustique, ont encore bien des atouts à faire valoir.

Rappelons encore une fois que les constructeurs et les équipementiers cherchent par tous les moyens à mettre leur voiture au régime. Ils passent ainsi à la loupe chaque partie, y compris les plus inattendues, comme le système audio, par exemple. Les aimants qui équipent les enceintes peuvent peser jusqu’à 40 kg. Il paraît pourtant bien difficile de s’en passer, surtout sur les modèles de luxe qui, avec leur dizaine de haut-parleurs judicieusement répartis, sont de véritables auditoriums. 

© Sennheiser 

Se passer des enceintes acoustiques et de leurs lourds aimants tout en gardant un son stéréophonique est aujourd’hui possible en faisant vibrer les polymères qui garnissent l’intérieur des véhicules.

Le défi a été relevé par les allemands Continental et Sennheiser. Ce dernier, déjà bien connu pour ses casques audio, s’intéresse à l’automobile et fait le pari audacieux de se servir des matériaux plastiques de surface de l’habitacle pour restituer un son de très haute définition. Dans les faits, il excite les polymères, par impulsions électriques, pour les faire entrer en vibration et ainsi diffuser des ondes sonores. C’est schématiquement le principe de la peau de tambour tendue…

Bien sûr, le tableau de bord ou un panneau de porte ne se mettront pas à trembler à l’écoute d’un groupe de hard rock. Ainsi, les basiques enceintes deviennent inutiles : les actionneurs électriques feront frissonner les garnitures des portes, du plafond et de la plage arrière pour qu'ils émettent du son dans différentes gammes de fréquences. Ces industriels viennent de réinventer le deux en un, puisque un appui-tête ne sera plus un simple élément de sécurité mais aussi de confort. On nous promet un son spatial… mais mieux encore, ce sont des dizaines de kilos de gagnés, c’est-à-dire autant de kilomètres en plus sans recharger sa batterie.

Les plastiques réinventent la roue

Des détails encore, certains auront remarqué que les roues des véhicules électriques, et plus particulièrement celles des BMW, ont un aspect assez particulier. Les constructeurs nous avaient en effet habitués à monter des grosses roues très larges. Il s’agissait d’améliorer la tenue de route mais également de répondre à la demande d’une clientèle friande de l’aspect sportif qu’elles apportaient.

Dans certains véhicules électriques, c’est tout le contraire : les roues sont d’un grand diamètre et particulièrement étroites. En caricaturant, on peut dire qu’elles sont plus proches d’une roue de moto que de celle d’une voiture. L’objectif n’est pas, pour une fois, la perte de poids, car ces jantes, toujours en métal, ne sont pas significativement plus légères. En revanche, la finesse de ces roues les fait mieux pénétrer dans l’air et gagner en aérodynamisme. La tenue de route reste identique car, grand diamètre oblige, l’emprise au sol est quasi similaire. Mais chez BMW ou chez Tesla, on pousse le concept encore plus loin pour améliorer l’aérodynamisme des enjoliveurs. Le résultat est surprenant et casse tous les codes esthétiques. En introduisant dans la jante en métal des inserts en ABS et en aluminium, la roue améliore son aérodynamisme de 5%.

En outre, Tesla a pris le parti de recouvrir intégralement la jante d’un enjoliveur constitué d’un ABS particulièrement lisse. Selon les tests, ces roues améliorent le rendement de 3,4% ce qui se traduit par 16 km d’autonomie supplémentaire.

 

Rien n’est laissé au hasard chez BMW qui a particulièrement étudié le design de ses jantes pour en améliorer l’aérodynamisme.

Le sujet est vaste, et les constructeurs assurent qu’ils seront capables d’ici une trentaine d’années d’avoir une empreinte écologique quasi nulle. Technologies de rupture, évolution continue… Personne ne sait encore à quoi ressembleront nos véhicules dans les années 2050. Sauf découverte extraordinaire d’un nouveau matériau enfoui au plus profond de la Terre, il est pour le moment inconcevable d’imaginer le futur de l’automobile sans les polymères. 

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