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Les plastiques se jettent à l’eau
Les relations entre les plastiques et les milieux aquatiques ne sont pas toujours celles que l’on s’imagine… Elles sont parfois essentielles pour rendre l’eau impure, voire salée, propre à la consommation. Plus que jamais, les polymères sont prêts à relever le défi du siècle : rendre l’eau potable accessible à tous.
Les plastiques se jettent à l’eau
Les plastiques se jettent à l’eau

Eau potable, les polymères nous mettent l’eau à la bouche

Comment rendre l’eau potable pour tous ? Comment purifier l’eau pour répondre aux besoins immenses en eau de qualité de certaines industries ? Dans ce domaine, les membranes polymères jouent un rôle clé pour rendre les eaux consommables.

Les Egyptiens allaient déjà au charbon

Il n’y a pas de secret, pour rendre pure l’eau souillée, il faut la filtrer ! Plus de 4 000 ans avant la découverte des microbes et autres bactéries, les Egyptiens l’avaient déjà bien assimilé. De manière empirique, ils avaient compris que l’eau puisée directement du Nil pouvait rendre malade la population.

Les archéologues ont découvert que ce peuple très en avance sur son temps avait mis au point des procédés de filtration au charbon actif. Un principe très simple qui consiste à faire passer un flux d’eau à travers du charbon de bois végétal. Comment les Egyptiens sont-ils parvenus à cette conclusion, on ne le sait pas… Peut-être avaient-ils constaté que l’eau ainsi purifiée perdait son odeur putride, souvent synonyme de germes et bactéries ? Bien entendu, et même si l’on trouve encore du charbon actif dans les filtres de carafes, la technique s’est depuis affinée. Ces charbons sont certes capables d’éliminer les plus importantes impuretés en retenant les grosses bactéries, les résidus de métaux lourds et certains virus, mais ils ont surtout un rôle de confort en supprimant l’odeur de chlore souvent présente dans l’eau du robinet. Et pour cause, dans les pays développés, l’eau du robinet est parfaitement potable puisque purifiée dans les centres de traitement de l’eau.

 

La purification de l’eau est parfaitement gérée dans de nombreux pays faisant de l’eau du robinet un eau tout à fait potable.

Les polymères naviguent en eau trouble

Avant de sortir des robinets, l’eau a déjà suivi un très long chemin, un véritable parcours du combattant. L’eau à retraiter, qu’elle provienne d’une nappe phréatique ou d’eaux usées, finit toujours par parvenir à un centre de traitement. Là, pour éliminer les déchets les plus volumineux, elle commence par passer dans des grilles aux mailles de plus en plus serrées. Elle est ensuite dessablée par décantation et dégraissée grâce à une injection de bulles d’air qui fait remonter les graisses à la surface. Puis l’eau est mise au repos quelques jours pour décanter et laisser ainsi le temps aux impuretés de se poser au fond. Malgré ces différentes opérations, certaines particules, bien trop fines, restent entre deux eaux sans jamais se déposer ou alors dans des délais bien trop longs. Pour y remédier, il suffit d’ajouter un floculant, autrement dit un polymère comme le polyacrylamide ou un copolymère formé d’acrylamide et d’acide acrylique. Sous son action, les particules en suspension s’agglomèrent et remontent à la surface. Ainsi, il est très simple de s’en débarrasser à l’aide d’un simple tamis.

 

Grâce à l’effet floculant du polyacrylamide, les particules les plus fines s’agglomèrent rapidement en surface. Il suffit ensuite de les enlever à l’aide d’un tamis.

Filtration membranaire : avant tout une histoire de pores

Reste une phase finale avant de laisser l’eau s’échapper dans les conduites d’adduction : la filtration membranaire qui, comme sont nom l’indique, consiste à passer l’eau à travers des membranes poreuses pour capter les éléments les plus microscopiques. Pour cette phase, les polymères sont désormais incontournables et en passe d’être exclusifs. Avant tout, il faut savoir que la filtration membranaire est très réglementée, et chaque type de membrane est classé selon la taille de ses pores. On trouve des membranes de microfiltration d’une taille de pore comprise entre 0,1 et 10µm, suffisante pour retenir toutes les formes de bactéries, macromolécules, colloïdes… Elles sont utilisées pour réduire la présence de micro-organismes et pour le prétraitement de l’eau. Il existe également des modèles dits d’ultrafiltration, qui retiennent des particules d’une taille allant de 0,001 à 0,1µm, soit celle des virus, des macroprotéines, des antibiotiques… Elles sont particulièrement employées dans l’industrie alimentaire et dans certaines boissons. Mais le fin du fin, ce sont les membranes de nanofiltration (entre 0,1 et 0,001µm), qui permettent de séparer de l’eau la majorité des éléments non désirés.
 

A fond les tubes pour les plastiques

Contrairement aux idées préconçues, les systèmes de filtration ne sont pas toujours composés de filtres plats par lesquels l’eau s’écoule, un peu comme dans une passoire. Dans bien des cas, le système est constitué d’un ensemble de fibres polymères plus ou moins compressées selon la capacité attendue. De loin, cela ressemble assez à des fanons de baleine…

 

Le polysulfone est le polymère préféré des fabricants de filtres membranaires, qui le choisissent pour sa stabilité et son exceptionnelle résistance à l'acidité

 

Dans la majorité des cas, elles sont en polysulfone (PES), un polymère très stable et surtout efficace quel que soit le niveau d’acidité de l’eau. Et ce n’est pas tout ! Elles ont gagné les faveurs des laboratoires pharmaceutiques et des industries alimentaires pour leur faculté à filtrer de l’eau jusqu’à 90 °C sans se détériorer. Faciles d’entretien, peu onéreuses et rapides à fabriquer, les membranes polymères s’imposent désormais sur quasiment tous les marchés, d’autant plus qu’elles sont souvent agréées pour les industries nécessitant une eau très pure comme celles liées à l’insuline, un médicament utilisé par des millions de diabétiques à travers le monde.Les techniques membranaires ne sont pas nouvelles et existaient déjà avant l’apparition des polymères. Les membranes, alors réalisées en fibres végétales ou céramiques, étaient très onéreuses. Aujourd’hui, seules celles conçues à partir de fibres céramiques, pour leur capacité à supporter des eaux très chaudes (+ de 100 °C) résistent encore au formidable essor des polymères dans ce domaine. Mais jusqu’à quand ?
De par le monde, différentes entreprises s’intéressent de plus en plus au PEEK (PolyEtherEtherKetone), un polymère certes encore assez cher mais qui, lui aussi, résiste aux très hautes températures. De plus, la plupart des membranes polymères ont passé avec succès les très exigeants tests de certification pour un usage pharmaceutique et/ou alimentaire.

Malgré leur nette dominance dans ce domaine, les fabricants de matières plastiques poursuivent inlassablement leurs recherches en vue d’améliorer leurs polymères. Ainsi, le français Arkema, en collaboration avec Polymen, un fabricant de membranes, a réussi à mettre au point un nouveau type de membranes à base de fibres en PVDF Kynar©. Cette fibre creuse, ultrafiltrante, est durablement hydrophile, ce qui se traduit par une exceptionnelle longévité, avec des pores qui s’encrassent moins et un débit qui reste donc constant.

 

La recherche se poursuit inlassablement, et de nouveaux matériaux comme le Kynar©, un polymère durablement hydrophile, ou le PEEK, un polymère bien connu pour sa résistance aux hautes températures entrent désormais dans la composition des filtres membranaires.

LifeStraw, waterwheel, watercone : les polymères abreuvent les ONG

Très performantes, peu onéreuses, relativement simples à fabriquer, les membranes polymères ont déjà séduit tant les industriels que les entreprises spécialisées dans le traitement et l’acheminement de l’eau aux particuliers. Depuis quelques années, elles sont aussi les « chouchoutes » de certaines organisations non gouvernementales qui se sont donné pour mission de fournir de l’eau potable aux populations qui en sont le plus éloignées, notamment en Afrique.

© LifeStraw

La simplicité d’utilisation et d’entretien des membranes polymères est en grande partie responsable du succès de LifeStraw : un système particulièrement efficace pour purifier l’eau. Au Kenya, 200 000 enfants ont désormais accès à l’eau pure.

Parmi les solutions les plus notables, figure en bonne place le danois LifeStraw. Il s’agit d’une sorte de paille filtrante capable de purifier 1 000 litres d’eau en retenant plus de 99% des parasites et autres bactéries. Le principe est assez simple et repose sur des membranes en PESU. Le LifeStraw se décline en différents modèles, allant des plus petits et donc facilement transportables destinés aux baroudeurs, aux plus importants, munis d’un réservoir, capables d’équiper des villages. Au Kenya, par exemple, plus de 330 écoles ont été équipées de LifeStraw, permettant ainsi à plus de 200 000 enfants d’avoir accès à de l’eau pure.

Face à un tel succès, des projets du même type sont envisagés en Inde et au Mexique. Enfin, grâce à ces membranes polymères, les populations locales n’ont plus besoin de faire bouillir l’eau sur un feu de charbon de bois. C’est autant de forêts qui sont ainsi épargnées et d’émissions de CO2 évitées. Au Kenya, où l’économie de CO2 a été évaluée par un organisme spécialisé, cela a entraîné la vente de crédits carbone à d’importantes entreprises comme Land Rover. Les millions de dollars récoltés ont servi notamment à équiper en pailles filtrantes un million de foyers. Un véritable cercle vertueux donc…

Avec le WaterWheel de l’ONG américaine Wello, les amateurs de clichés en seront pour leurs frais s’ils voyagent en Afrique. L’image de la femme africaine transportant sur des kilomètres un bidon d’eau sur la tête appartiendra très prochainement au passé. L’idée est si simple que l’on peut se demander à juste titre comment ne pas y avoir pensé plus tôt. Le WaterWheel n’est ni plus ni moins qu’un réservoir en forme de roue conçu en polyéthylène haute densité agréé pour le transport des aliments.

 

©Wello

Simple et malin, le  Waterwheel est conçue pour transporter 45 litres d’eau. Sa robustesse lui permet en plus d’affronter tous les terrains.

Il suffit de le pousser (ou de le tirer) grâce à son manche pour le faire rouler et donc acheminer de l’eau du puits à la maison sans (trop) se fatiguer. D’une capacité de 45 litres, il permet d’économiser un nombre conséquent de trajets, puisqu’un traditionnel bidon contient entre 5 et 10 litres.

© Watercone

Grâce à la forme étudiée du dôme en polycarbonate, la seule action du soleil suffit à distiller l’eau saumâtre pour la rendre propre à la consommationipsum.

Enfin et même si l’invention a déjà une dizaine d’années, comment ne pas évoquer le Watercone ? Ce cône de polycarbonate d’un diamètre d’une soixantaine de centimètres, aussi léger que solide, permet de transformer de l’eau saumâtre en eau douce grâce à l’énergie du soleil. Placée en son cœur, l’eau s’évapore et se condense sur les parois le long desquelles elle coule pour être récupérée dans des gouttières. Il suffit ensuite de retourner le cône pour faire couler l’eau. Certes son rendement est faible, puisqu’un cône de ce type permet de récupérer environ 2 litres d’eau par jour, mais sa simplicité d’utilisation, son faible entretien et son coût dérisoire en font un succès dans les pays manquant cruellement d’eau pure. Autre avantage du Watercone, il permet de désaliniser l’eau de mer. Le principe est bien évidemment le même et en quelque sorte l’inverse de celui des marais salants. Ici, c’est l’eau qui est récupérée et non le sel.

 

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