Techno du futur 6 min
Biomimétisme, des polymères pour sublimer la nature
Ici et là, des centaines de laboratoires s’attèlent à copier la nature pour notamment reproduire les matériaux que des millions d’années d’évolution ont peaufinés. Les polymères synthétiques sont fréquemment de la partie. Quels sont-ils ? Difficile de le savoir car les enjeux scientifiques et économiques sont tels que ce sont des secrets bien gardés. Il n’empêche que leur rôle est essentiel.
Biomimétisme, des polymères pour sublimer la nature
Biomimétisme, des polymères pour sublimer la nature

Ces robots avides de polymères

© Festo

Mémoire d’éléphant pour des fourmis en plastiques

La robotique est elle aussi très en vogue. Dans ce domaine, nombreux sont les laboratoires de recherche à déclarer puiser leur inspiration dans la nature.
 

Certains vont même encore plus loin en créant des sortes de « monstres » qu’il serait impossible à la nature de concevoir. En effet, pourquoi se borner à copier les capacités d’un seul animal lorsqu’on peut en mixer au moins deux ? C’est tout du moins ce que semble penser l’Allemand Festo qui a développé un bras robotique directement inspiré d’un tentacule de pieuvre et d’une trompe d’éléphant. Comme une trompe d’éléphant, il peut s’articuler dans tous les sens et, muni de ventouses, il peut agripper et soulever a peu près n’importe quel objet n’excédant pas les trois kilogrammes. Le bras du BionicMotionRobot, son petit nom, est constitué de trois segments flexibles et mus par des soufflets pneumatiques. Ces derniers sont composés d’un élastomère, un polymère à la fois souple et robuste. Chacun d'eux est enveloppé dans une couche d’un textile synthétique rappelant les fibres musculaires du tentacule de pieuvre. Grâce à cette structure, le bras peut se déplacer dans trois directions en même temps et réaliser les mouvements naturels de ses modèles, l’éléphant et la pieuvre. 

Habitué des coups d’éclats de ce genre, Festo s’est fait connaître du grand public en 2015 en présentant un modèle de robot qui reproduisait l’anatomie et le comportement social des fourmis. Le challenge était de taille puisque pour fonctionner, ses robots d’à peine 1,5 cm de longueur, devaient être bardés d’électronique et de capteurs en tout genre.

© Festo

Défrayant toujours la chronique, les robots conçus par Festo sont à la pointe de la technologie et font souvent la part belle à la plastronique.

Les ingénieurs se sont donc naturellement intéressés à la plastronique et plus particulièrement au frittage laser : une technique qui permet d’injecter les composants électroniques directement dans les pièces en plastiques constituant les différentes parties du corps de ces robots fourmis.

Les plastiques font mouche

Les yeux de la mouche font également partie des sujets qui fascinent les spécialistes du biomimétisme. Et pour cause, grâce à leurs yeux, ces insectes sont quasiment dotés d’un sixième sens leur donnant une formidable capacité d’esquive.
Leurs yeux sont composés de milliers de récepteurs sensibles certes à la lumière mais également à la direction et à la vitesse des « objets » en mouvement situés dans leur proche environnement. Actuellement, il n’existe aucune caméra susceptible de reproduire les capacités de l’œil de la mouche. Pourtant, réussir à imiter artificiellement cet organe aurait des conséquences non négligeables notamment pour les personnes aveugles qui pourraient porter un vêtement muni d’un tel œil. Certes, cela ne leur permettrait pas de recouvrer la vue mais elles pourraient être prévenues, par un système vibrant par exemple, de l’approche d’un obstacle en mouvement.
Les drones chargés de missions de sauvetage pourraient également y trouver leur compte…

 

 

La Commission Européenne a financé cet axe de recherche. Ainsi différents laboratoires en Suisse, en Allemagne et en France se sont associés en vue de mettre au point ce nouvel œil. Et il semblerait que le pari soit gagné puisque ce brillant consortium a réussi à créer un œil artificiel, baptisé CurvACE aussi performant que celui de la mouche.
Véritable chef d’œuvre de technologie celui-ci est constitué de trois couches différentes : une couche optique composée d’un ensemble de microlentilles en polymère hautement transparent moulé sur un support en verre qui focalise la lumière sur une deuxième couche constituée de photodétecteurs en silicium. La dernière couche, une carte de circuit imprimé en polyimide, un polymère particulièrement thermostable, se destine à l’interconnexion.
La phase de commercialisation est encore lointaine mais à l’Ecole Polytechnique de Lausanne, on s’attelle déjà à réaliser un prototype de casquette pour les personnes non voyantes. 

© CurvACE

Reproduire artificiellement l’œil de la mouche pourrait grandement améliorer la qualité de vie des personnes non voyantes. La Commission européenne finance la recherche de différents laboratoires européens et les premiers résultats sont prometteurs.

© SEAS

Elaboré à partir de cellules vivante et d’un polymère de la famille des silicones, cette raie artificielle est un robot hybride. Elle pourrait être le prélude à la future génération de cœur artificiel.

Les polymères jouent les apprentis sorciers

Les polymères sont présents à tous les niveaux de la recherche  « biomimétique » y compris les plus extrêmes, celles qui tendent à concevoir des robots hydrides conçus à partir de cellules vivantes et de matériaux de synthèse comme les polymères. Par exemple, des chercheurs du laboratoire de bio-ingénierie de Harvard aux Etats-Unis ont fabriqué à partir de cellules de rats, de silicone et d’or un robot qui s’inspire grandement de la raie. 

A mi chemin entre le biomimétisme et la bioingénierie, les chercheurs s’inspirent du mode de déplacement de la raie qui, en contractant ses muscles, provoque de mini tourbillons qui la porte et l’entraine. L’idée était de reproduire ce mouvement si particulier. Pour ce faire, ils ont conçus un robot de quelques centimètres composé de quatre couches : une couche de polymère transparent de la famille des silicones pour le corps, une structure squelettique en or, une autre couche de silicone, et près de 200 000 cellules de cœur de rat génétiquement modifiées. Soumises à une lumière, les cellules s’activent et permettent de diriger le robot. Selon les chercheurs, ce poisson artificiel devrait permettre d’améliorer les connaissances sur la façon dont le cœur pompe le sang vers les organes, et développer les méthodes pour concevoir et contrôler les cellules cardiaques en vue de fabriquer dans le futur un cœur artificiel. 

 

Une autre équipe, elle aussi américaine et située à Cleveland a, quant à elle créé une limace de mer à partir des muscles de ce gastéropode. Cette nouvelle créature, à la fois vivante et artificielle est dotée des muscles de la limace de mer californienne qui, à l’instar du robot raie, sont contrôlés par des champs électromagnétiques extérieurs.

© CRWU

Cette limace de mer est également hybride. Sa carapace est faite d’un polymère imprimé en 3D qui protège les organes vivants du robot.

Ces muscles ont été insérés dans une carapace de polymère imprimé en 3D qui reproduit fidèlement le corps d’une limace vivante. Selon Cette équipe, les robots hybrides ou bioniques sont capables de remplir différentes tâches qu’un animal ou qu’un robot pris séparément ne saurait faire. De tels « engins » pourraient se destiner à l’exploration des milieux contaminés par une fuite toxique, ou bien à la recherche de la boîte noire d’un avion disparu en mer.
Pour finir, c’est en Corée du sud, qu’une équipe de chercheurs affirme avoir réussi à imiter les synapses du cerveau, ces petites passerelles qui permettent aux neurones de se connecter entre eux. Bien que l’ordinateur le puissant au monde ait une puissance de calcul 5 fois supérieur à celle du cerveau humain, il ne rivalise pas pour autant avec ce dernier car sa capacité d’analyse n’est toujours pas comparable.

 

Pour réellement parler d’intelligence artificielle, les calculateurs doivent encore progresser. La meilleure connaissance du rôle des synapses est une des voies explorées par une université sud coréenne. En créant de toute pièce des fils nanométriques de polymère, les chercheurs ont réussi à reproduire à petite échelle leur mode de fonctionnement.

Ceci s’explique par la densité synaptique qui est beaucoup plus importante chez les vivants que dans les machines et qu’il semble toujours impossible à reproduire artificiellement Cela dit, la recherche avance et en Corée donc, cette équipe est parvenu à fabriquer un système à 144 synapses : c’est certes très inférieur au cerveau humain mais c’est tout de même une première remarquable !
Ce système de quelques cm2, que les électroniciens nomment transistor, est truffé de fils de polymère qui imitent les synapses. Chaque fil a un diamètre de 200 et 300 nanomètres, soit 330 fois plus fin qu’un cheveu humain. Pour parvenir à un tel niveau de finesse et de précision, les chercheurs ont du quasiment inventer un nouveau polymère à base de trichloréthylène et de chlorobenzène qui a servi de matériau dans une imprimante 3D entièrement conçue dans ce laboratoire.
Il s’agit d’une véritable révolution dont pourrait profiter l’informatique ou la nanorobotique. 

 

 

 

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